Abdelhak El Arabi, directeur général du PJD: "Les syndicats souhaitent la rupture d’un coté et la continuité de l'autre"

Chargé du dossier social au sein du cabinet El Othmani, Abdelhak El Arabi évoque dans cet entretien les coulisses de la première réunion qui a eu lieu ce lundi entre le chef du gouvernement et les centrales syndicales.

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Par M’hamed Kheyi et Jassim Ahdani 

Telquel.ma: Dans quel contexte s’est déroulée cette première réunion avec les représentants syndicaux et quel est son agenda?

Abdelhak El Arabi: La réunion d’aujourd’hui est la première étape officielle dans le dialogue social entamé par le gouvernement. L’objectif de la première réunion, quelques jours seulement après la désignation de Saad Eddine El Othmani comme chef du gouvernement, était de faire connaissance avec les partenaires sociaux. La deuxième s’est déroulée il y a trois semaines en présence des secrétaires généraux des centrales syndicales et du patronat. Cela a été l’occasion de discuter de l’orientation du dialogue social et de ses perspectives. Nous sommes ainsi convenus de la date du 9 octobre pour entamer les pourparlers.

Suivant cette méthodologie préconisée par les gouvernements précédents et approuvée par les syndicats, deux rounds sont à prévoir: en septembre-octobre puis en mars-avril. Ce premier round s’axera sur la loi des finances, puisque plusieurs demandes syndicales doivent être prises en compte dans la formulation du texte. La réunion de ce lundi était donc consacrée à l’écoute des propositions des acteurs sociaux et économiques.

Ne trouvez-vous pas que la consultation des syndicats au sujet de la loi de finances 2018 a pris du retard, au vu de son schéma directeur qui a été rédigé et présenté au Conseil ministériel le 2 octobre?

Au cours de la dernière réunion avec les syndicats, le Conseil des ministres n’avait pas encore été tenu. Par conséquent, nous parlions des données régissant la préparation de la loi des finances. Entre temps, le Conseil s’est réuni et les directives générales ont été approuvées sous la présidence du souverain, mais cela reste des tendances générales et majeures. Les détails n’ont, quant à eux, pas encore été soumis au vote de la Chambre des représentants.

D’un point de vue réglementaire, le délai maximal pour le renvoi du projet de la loi des finances au parlement a été fixé au 20 octobre. Il est donc encore possible de discuter et d’écouter les partenaires sociaux et économiques.  Si on tombe d’accord sur certaines dispositions, elles pourraient être incluses dans le projet de loi.

Certains syndicalistes considèrent que la méthodologie appropriée exigerait que la réunion de ce lundi soit précédée de dialogues sociaux sectoriels avec les ministères idoines. Qu’en pensez-vous?

En effet, il y a eu un décret du chef du gouvernement publié en juin dernier, dans lequel il exhortait tous les départements ministériels à ouvrir des dialogues avec les syndicats sectoriels. Désormais, c’est chose faite. In fine, un grand nombre de rapports sectoriels nous sont parvenus. Naturellement, les conclusions de ces rapports faisaient partie de l’agenda de travail de la réunion de ce lundi.

Comment le chef du gouvernement a-t-il perçu le refus des centrales syndicales de présenter une nouvelle grille de demandes et leur persistance à vouloir négocier sur la base de la grille présentée à Abdelilah Benkirane, prédécesseur d’El Othmani?

Dans les faits,  Saad Eddine El Othmani a demandé aux syndicats de lui faire part d’une nouvelle grille de demandes. Mais leur refus prête à confusion. Ils disent que l’actuel gouvernement ne devrait pas s’inscrire dans la continuité du précédent qui, de leurs propres aveux, a mis le dialogue social en échec. Par ailleurs, ils arguent que leurs demandes auprès du gouvernement El Othmani sont restées lettre morte. En d’autres termes, ils souhaitent la rupture d’un côté, et la continuité de l’autre !

Qu’en est-il de la Fédération démocratique du travail (FDT) qui a appelé, à une marche de protestation au siège de l’Executif la semaine prochaine?

Je dois dire de prime abord que la FDT n’a hélas plus autant de poids au sein du mouvement syndical marocain. Aujourd’hui, la loi stipule qu’il y a quatre syndicats qui sont les plus représentatifs dans le pays. Ce sont eux qui assistent au dialogue social. Ainsi, pour la première fois, le dialogue social se déroulera en l’absence de la FDT qui n’a pu obtenir le seuil électoral pour siéger dans le tour de table.

Nous interprétons son appel à une marche comme une sorte de pression sur le gouvernement, dans le but d’intégrer le dialogue social. En tout état de cause, le chef du gouvernement est pleinement disposé à discuter avec les centrales représentées au parlement (au niveau de la Chambre des conseillers, NDLR), mais pas dans le cadre des sessions de dialogue social, qui ne concerne que les syndicats les plus représentatifs d’un point de vue légal.

Faut-il s’attendre à la signature d’un nouvel accord entre le gouvernement, les syndicats et le patronat dans les prochains jours?

Nous l’espérons. Les prémices apparaîtront lorsque le dialogue débutera effectivement. Nous n’en sommes qu’au premier rendez-vous officiel. Nous devons attendre pour voir si les parties souhaitent faire converger leurs points de vue.

Franchement, je ne vous cache pas qu’il y a de la confusion autour du dialogue social, notamment au sujet du droit de grève renvoyé à la Chambre des représentants par le gouvernement précédent et que l’actuel Exécutif ne peut retirer pour le ramener à la table des négociations.

Les syndicats sont représentés au parlement dans sa Chambre haute et peuvent discuter là-dessus. Plus encore, je dirais qu’en bon diplomate, Saad Eddine El Othmani serait prêt à écouter l’opinion des syndicats à ce sujet. Mais il ne peut retirer le projet de loi organique sur le droit de grève du parlement. Enfin, s’il lui semble qu’il y a des amendements raisonnables à faire valoir,  ce sera au gouvernement de les porter devant le Parlement où le projet de loi est discuté.

 

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