Transfert d'argent: la success-story WorldRemit racontée par son PDG

Leader mondial du transfert d'argent en ligne, WorldRemit joue notamment des coudes avec Western Union ou encore Money Gram. Telquel.ma a rencontré son PDG, Ismail Ahmed, qui évoque avec nous son parcours en marge du sommet Africa Convergence. 

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Depuis son enfance, Ismail Ahmed vit au rythme des transferts d’argent depuis l’étranger. Des opérations auxquelles ce Somalien a consacré l’ensemble de son existence puisqu’il les a étudiées à l’université, avant d’utiliser son savoir au service de l’ONU, puis de créer une entreprise de transfert d’argent, WorldRemit. Celle-ci vient de signer un partenariat avec le Marocain Wafacash.

Le spécialiste de la fintech (Financial technology) pèse aujourd’hui 500 millions de dollars américains et enregistre un chiffre d’affaires annuel de plus de 900 millions de dirhams. L’entreprise présente la particularité d’avoir misé sur le « mobile first » depuis sa création.

Privilégiant le rapport direct avec le client, WorldRemit a changé les codes au point de détrôner le leader du secteur, Western Union. L’entreprise a notamment bénéficié du soutien financier du fonds Technology Crossover Ventures (TCV), qui a parrainé des géants de la Silicon Valley comme Facebook ou encore Netflix. C’est dans le lobby d’un luxueux hôtel casablancais, en marge du sommet Africa Congress, qu’Ismail Ahmed nous raconte sa success-story.

Comment avez eu l’idée de vous lancer dans la dématérialisation du transfert d’argent en Afrique?

Auparavant, il suffisait d’un agent à Londres ou à Paris pour opérer une succursale. Il pouvait s’agir d’un coiffeur ou d’un épicier et le transfert d’argent n’était pas donc sa principale activité. Mais après le 11 septembre, il fallait se soumettre à certaines règles comme le fait d’assurer le « service après-vente » ce qui a changé la manière d’opérer de certaines entreprises. De plus, ces agents ne pouvaient pas s’assurer qu’ils ne faisaient pas du blanchiment d’argent. Nous avons donc préféré couper ce lien et aller directement vers le client. Il suffit de voir les sanctions auxquelles ont été soumises des entreprises comme Western Union pour certaines opérations.

Ces deux dernières années, votre chiffre d’affaires a doublé puis triplé pour atteindre près de 900 millions de dirhams. Comment comptez-vous entretenir cette dynamique?

Nous envoyons de l’argent depuis 50 pays et notre but est de porter ce chiffre à 100 tout en continuant à élargir notre réseau de réception. Dans certains marchés, il faut se lier à des entreprises ayant un réseau d’agences assez fort et c’est dans ce sens que nous avons signé un partenariat avec WafaCash.

Lire aussi: Wafacash renforce son partenariat avec WorldRemit en Afrique

Vous venez du Somaliland, une région de la Somalie qui n’est pas connue pour ses business florissants. Comment en êtes-vous arrivé là ?

Après la découverte du pétrole par les pays du Golfe, c’est par dizaine de milliers de personnes que les habitants des pays de la région comme la Somalie, le Soudan ou encore l’Égypte ont émigré là-bas. De nombreux habitants du Somaliland ont participé à cet exode vers le Golfe en raison de la proximité avec la mer Rouge. Les transferts d’argent provenant du Moyen-Orient ont littéralement transformé ma ville natale. Mais à l’époque, les choses se faisaient de manière plus difficile. Nous n’avions pas de Western Union. En raison du contrôle sur le taux de change, certaines personnes exportaient des matériaux qui étaient ensuite revendus sur le marché local pour avoir de l’argent.

C’est grâce à cette passion et aussi à la dépendance au transfert d’argent que j’ai obtenu une bourse pour pouvoir étudier en Angleterre alors que la guerre civile éclatait en Somalie. En Angleterre, j’ai découvert une autre facette du transfert d’argent. Pour soutenir mes parents, j’ai dû prendre un emploi à temps partiel au sein de l’université et j’enchaînais les petits boulots en parallèle. Alors qu’auparavant je réceptionnais de l’argent, je me suis retrouvé dans le rôle d’émetteur pour venir en aide à ma famille. Avec toutes ces activités, en plus de mes cours, la dernière chose que je souhaitais, c’était perdre du temps pour transférer de l’argent. J’ai fait ensuite de la recherche sur le transfert d’argent à l’université de Sussex.

Pourtant après vos études, vous ne vous êtes pas directement lancés dans le business. Vous avez intégré l’ONU…

C’est l’ONU qui était intéressée par mes recherches sur les transferts d’argent. J’ai rejoint le PNUD après les attentats du 11 septembre. C’est une date clé, car de nombreuses réglementations ont été introduites après cet événement. J’étais chargé d’agir auprès de compagnies africaines afin de leur permettre d’obtenir des licences pour le transfert d’argent et les aider à mettre en place une plateforme pour être conformes aux lois anti-blanchiment de certains pays.

Vous avez quitté l’ONU sur une note amère…

Je travaillais sur un projet au Kenya et j’ai vu de faux contrats alloués à certains consultants. Certaines personnes étaient plus intéressées par la fraude que par le fait de venir en aide à la population. J’ai cherché à dénoncer la situation et construit un dossier que j’ai soumis à New York. Mes collègues ont estimé qu’il valait mieux mettre fin au projet auquel je participais afin d’étouffer cette affaire. Mon supérieur m’a dit qu’il ne pourrait plus m’employer si je soumettais ces accusations, auxquelles aucune suite n’a été donnée, et en pleine crise financière mondiale je me suis retrouvé sans emploi.

Comment avez-vous rebondi ?

Je suis retourné sur les bancs de l’université afin d’élargir mon réseau professionnel en rencontrant notamment des gens comme Mo Ibrahim. Pour lancer mon entreprise, j’ai mis en place mes réseaux au Somaliland et utilisé mon indemnité de licenciement de l’ONU (près de 3 millions de dirhams selon les médias, NDLR) avant de bénéficier de l’aide de mécènes que j’ai rencontrés à la London Business School. Depuis le Somaliland, nous avons construit nos réseaux jusqu’à l’étendre à 148 pays.

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