Rentabilité, tram'bus, contrat avec la RATP... les vérités de Youssef Draiss, DG de Casa Transport

RATP Dev va gérer les lignes de tramway et tram'bus pour les 12 années à venir. Quels sont les termes du contrat signé avec Casa Transport ? Quelle sera la rentabilité du réseau ? Qui assumera le déficit éventuel? Réponses avec Youssef Draiss, directeur général de Casa Transport.

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Tramway de Casablanca
Crédit : Yassine Toumi

Le 15 septembre dernier, Casa Transports a signé un nouveau contrat d’exploitation et de maintenance du réseau en expansion de tramway et de tram’bus la ville de Casablanca jusqu’en 2029 avec RATP Dev. La société de développement local était en discussions exclusives avec RATP Dev depuis juin dernier en vue de finaliser le contrat d’exploitation. La société française, qui exploite déjà la première ligne du tramway, aura désormais la charge de l’exploitation des quatre lignes de tramway et de deux lignes de Bus à Haut Niveau de Service (BHNS), ou tram’bus qui circulent sur des voies réservées. Youssef Draiss, directeur général de Casa Transport, reviens avec Tequel.ma sur ce nouveau contrat qui va durer 12 ans.

Telquel.ma: Quelle est la particularité du nouveau contrat signé entre Casa Transports et RATP Dev ?

Youssef Draiss: La ville de Casablanca est en train de réaliser un programme ambitieux de transport en commun en site propre comportant 4 lignes de tramway et deux lignes de Bus à Haut Niveau de Service (BHNS). Un investissement colossal (16 milliards de Dirhams) sur une période courte (5 ans) et qui devra améliorer les conditions de circulation des Casablancais et accompagner le développement de la ville. Sur les prochaines années, des défis énormes restent à relever pour réaliser ces projets et les mettre en service. S’adosser à un groupe international, reconnu pour sa compétence, nous permettrait de nous inscrire dans les objectifs arrêtés. Il s’agit de s’associer à un exploitant qui se chargera exclusivement des aspects liés à l’exploitation. Par rapport à l’ancien contrat, il y a eu une clarification de l’identité visuelle de l’exploitant. Il y avait un amalgame entre Casa Transport (maître d’ouvrage et propriétaire des infrastructures), Casa Tram (l’exploitant du tramway) et Casa tramway (qui est le produit tramway). Il était nécessaire de clarifier ces aspects, mais aussi donner un nouvel élan à la société d’exploitation. Dans le cadre du contrat, il a été convenu que la société change de nom. Elle s’appelera RATPDEV Casablanca dès décembre.

Il y aura également une réorganisation du Conseil d’administration pour intégrer un administrateur représentant Casa Transport pour plus de transparence dans la gestion, une possibilité donnée au Conseil de la ville d’acquérir 34% du capital de la société d’exploitation et un plafonnement de la marge à 8%. L’objectif à travers ces mesures est d’avoir les éléments pour évoluer vers un vrai partenariat entre un grand groupe mondial et la ville de Casablanca à travers ces outils de gouvernance. En plus de ces aspects liés à la bonne gouvernance, il y a eu réduction du montant de la rémunération au kilomètre parcouru par rapport à l’ancien contrat et un engagement sur les aspects liés à l’innovation et à la qualité de l’information donnée aux usagers. L’aspect maintenance et préservation du patrimoine a fait l’objet d’un traitement spécial dans la gestion contractuelle avec l’exploitant.

C’est un contrat d’un montant de 4,784 milliards de dirhams. À quoi correspond exactement ce montant ?

Le modèle contractuel du tramway se présente comme suit : l’État, la commune et la région réalisent les investissements, arrêtent la politique tarifaire et supportent éventuellement le déficit d’exploitation qui est en fait un appui tarifaire pour les usagers. L’exploitant a un risque industriel lié à ses engagements en matière d’exploitation et de maintenance. Un système de bonus-malus est mis en place pour suivre les aspects contractuels. L’exploitant est rémunéré mensuellement sur ses charges. Le montant évoqué correspond à la rémunération globale sur 12 années de l’exploitation et de la maintenance.

La ligne T1 n’est pas rentable pour la ville, mais elle l’était pour l’exploitant grâce à la subvention. Sommes-nous sur ce même schéma pour les différentes autres lignes ?

J’ai évoqué le modèle d’exploitation du tramway. La ville a la compétence d’arrêter le tarif à appliquer et elle assume le déficit d’exploitation. Nous visons, à travers les autres lignes à mettre en service, d’amener plus de voyageurs à utiliser le tramway et le BHNS pour un meilleur service aux usagers. Nous sommes convaincus qu’à travers ce réseau global et une politique tarifaire approprié, le déficit d’exploitation constaté actuellement sera diminué progressivement. Avec la ville, nous avons évoqué des pistes pour financer éventuellement le déficit d’exploitation et ce en se basant sur les expériences internationales : des taxes dédiées aux systèmes de transport, dédier le produit de stationnement au financement de la mobilité, réviser les taxes locales dans les zones des lignes de transport de masse sont des pistes qui peuvent être explorées pour résorber ce déficit.

De façon globale qu’en sera-t-il de la rentabilité pour la ville et Casa transport ainsi que pour l’exploitant RATP Dev ?

Il est très difficile de mesurer la rentabilité d’un système de transport pour une ville. Un tramway, au-delà de transporter des usagers contribue à une meilleure image de la ville, contribue à la cohésion sociale, à améliorer la qualité environnementale de la ville et à permettre une bonne qualité de vie. Faisant partie d’un système de mobilité durable et intégrée, le tramway contribue au développement de la ville. La ville de Casablanca a érigé la mobilité comme priorité dans son plan de développement car, sans ce vecteur, toute la stratégie de développement ne peut être réussie.  Casablanca se veut être une place financière, un hub régional et, sans une politique de mobilité, ces objectifs ne peuvent être réalisés. C’est pourquoi dans le plan de développement de la ville (34 milliards de dirhams), les trois quart ont été consacrés à la mobilité (27 Milliards de dirhams ) et la moitié a été dédiée aux lignes de tramway et BHNS (16 milliards de dirhams).

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