Olusegun Obasanjo au Maroc pour présenter "L'Afrique en marche", le livre destiné aux leaders du continent

L'ancien président nigérian, Olusegun Obasanjo, est attendu au Maroc le 12 septembre pour présenter la version arabe de "L'Afrique en marche" (Making Africa Work), livre coécrit avec trois autres auteurs. Interview avec l'un d'entre eux, Jeffrey Herbst.

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Olusegun Obasanjo aux Atlantic dialogues 2016. Crédit: GMF/Flickr

Les quatre auteurs de L’Afrique en marche parcourent le continent pour le présenter aux chefs d’État et leaders à qui le livre est dédié. Édité par la Fondation allemande Konrad Adenauer et celle de Brenthurst, le livre paru en juillet a traversé le Bénin, le Sénégal et le Ghana. Il est présenté comme un guide et un manuel pour booster l’économie africaine.

Ses auteurs, l’ancien président nigérian Olusegun Obasanjo, ainsi que Dickie Davis, Greg Mills et Jeffrey Herbst, ont travaillé plus d’un an sur ce projet. « C’est un ouvrage qui est basé sur les circonstances sur le terrain. Nous avons chacun voyagé dans différents pays, que ce soit au Kenya, en Afrique du Sud, au Swaziland… « , explique Jeffrey Herbsts, président du Newseum à Washington, et ancien président de la Colgate University (2010 – 2015). Il est l’auteur de States and Power in Africa et, a signé avec Greg Mills Africa’s Third Liberation et le récent How South Africa Works. Interview.

Crédit : Colgate University / Andy Daddio.
Crédit : Colgate University / Andy Daddio.

Telquel.ma : Pourquoi la version arabe de votre livre « L’Afrique en marche » est-elle présentée le 12 septembre à Casablanca ?

Jeffrey Herbst : C’est un livre destiné aux leaders africains, nous l’avons d’abord publié en version anglaise et française qui sont deux langues communes sur le continent. Nous sommes ravis de la version arabe qui est lancée à la fois en Tunisie et au Maroc. Nous avons choisi ces pays, car ils ont connu un impressionnant développement économique ces dernières années.

Quels conseils donnez-vous aux leaders africains ?

En échangeant avec des leaders en Afrique, on s’est rendu compte qu’il n’y a pas suffisamment de politiques publiques pour promouvoir la création d’emplois. Nous souhaitons que leaders et chefs d’État comprennent l’urgence de la création d’emplois pour les jeunes. Le continent est déjà en difficulté, mais cela va être pire si aucun changement n’est opéré. Nous espérons une prise de conscience à propos des opportunités que peut offrir la jeunesse en Afrique.

Pourquoi êtes-vous convaincu que la jeunesse est la clé pour que l’Afrique décolle économiquement? 

L’Afrique est le seul continent qui rajeunit. Un nombre phénoménal de jeunes vont aller à l’école et vont chercher un travail. S’il y a de l’emploi, c’est un avantage énorme pour le continent qui aura beaucoup de jeunes gens remplis d’énergie et de dynamisme. Mais si les emplois ne sont pas là, il y aura de la frustration. Nous craignons une déstabilisation des pays africains.

Le but du livre est de savoir comment l’Afrique va créer ces emplois pour les jeunes. Nous ne sommes pas pessimistes, mais le travail doit être fait maintenant. Dans le livre, nous discutons de la démographie, de la jeunesse, mais aussi des zones urbaines où vont vivre la plupart des jeunes. Les autres enjeux cruciaux sont le meilleur fonctionnement des villes et l’amélioration du management économique.

L’Afrique est un continent composé de 54 pays. Comment avez-vous travaillé pour conseiller un continent avec autant de différences entre les pays?

Chaque pays est unique et très différent, mais nous avons cherché les points communs comme la croissance démographique, même si certains pays vont grandir plus rapidement que les autres. Alors que l’ouvrage est divisé par secteurs, chaque leader de son pays pioche dans celui qui est le plus pertinent pour son économie. Chaque chapitre concerne un secteur comme les services, les mines ou les usines industrielles. On explique ce qui doit être fait dans chaque secteur pour promouvoir des emplois.

Quel secteur avez-vous identifié comme étant le plus efficace pour booster l’économie africaine ?

La technologie est le secteur auquel tous les pays vont devoir se confronter, que ce soit les téléphones mobiles ou la digitalisation. Si les pays africains ont fait des progrès, des efforts doivent être faits dans la digitalisation des différents secteurs. Au Kenya par exemple, la banque mobile s’est bien développée. La révolution internet touche tout le monde. Si l’Afrique ne prend pas le tournant maintenant, le fossé va s’agrandir avec les pays développés. Le tourisme est aussi l’un des secteurs qui pourraient aider au développement de l’Afrique.

Que recommandez-vous au Maroc ?

Il n’y a pas de recommandation par pays, mais par secteurs. Nous pensons que les leaders et hommes politiques africains doivent choisir. Les Africains ont vu trop de spécialistes leur dire ce qu’ils doivent faire ou pas, et ce n’est pas notre démarche. Nous donnons des clés par secteur. Au Maroc, le tourisme est important. Dans ce secteur, nous recommandons de faciliter l’obtention d’un visa, baisser le prix des hôtels et étendre les lignes aériennes à travers le monde.

Vous vous appuyez sur des stratégies économiques qui ont fonctionné dans certains pays. Quelles sont-elles ?

Nous parlons par exemple de l’Éthiopie et de sa politique industrielle. Vingt ans plus tôt, c’était un pays en pleine guerre civile.

En se focalisant sur l’industrie, le gouvernement éthiopien a ouvert le business et les investissements. Ce n’est pas encore suffisant, plein de choses sont à améliorer. Mais cela démontre qu’en une courte période de temps, un pays peut se relever. Personne n’avait prédit 20 ans plus tôt que l’Éthiopie allait devenir l’un des pays économiques majeurs en Afrique. Nous avons aussi regardé le Botswana.

Mais pour être honnête, il n’y a pas encore suffisamment d’histoires positives pour le moment. Nous avons mis en évidence des exemples asiatiques, comme Singapour et le Vietnam. Ces pays étaient pauvres, personne ne pensait qu’ils allaient grandir, mais ils ont réussi en une courte durée grâce à leur politique publique.

Vous faites le lien entre démocratie et développement économique. Pouvez-vous développer?

Nous pensons que le meilleur système politique pour développer l’économie est la démocratie. Les leaders ne peuvent prendre des décisions difficiles que s’ils sont légitimés pas leurs actions. Les leaders sont ainsi redevables envers leurs populations. Certains dirigeants, qui n’ont pas obtenu le pouvoir de façon démocratique, n’ont pas forcément apprécié que nous clamions cela.

Pourquoi avez-vous travaillé avec l’ancien président du Nigéria, Olusegun Obasanjo ?

C’était un grand honneur de travailler avec un ancien président et ancien leader africain. Olusegun Obasanjo reflète les décisions difficiles qu’il a prises comme un leader africain. Il a émis quelques réflexions personnelles dans le livre, ce qui lui apporte une valeur ajoutée. Olusegun Obasanjo fait partie de cette génération qui a vu l’intégralité de l’histoire de son pays. Il était un jeune homme quand le Nigéria est devenu indépendant, il était un leader pendant la guerre civile et il a été élu président. Il a une vision de ce qui peut être possible en termes de nouvelle politique, mais aussi de ce que cela signifie d’être un leader.

Lire aussi : Pour Obasanjo, l’Afrique est plus émancipée, mais peut mieux faire

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