Cafouillage général après la diffusion d'une vidéo attentatoire à la dignité de Zafzafi

Une vidéo de Nasser Zafzafi se dénudant pour montrer d'éventuelles traces de blessure fait scandale. L'administration pénitentiaire a nié toute responsabilité, tandis que le procureur général de la cour d’appel de Casablanca a réclamé l’ouverture d’une enquête. Le cafouillage est général. 

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Nasser Zafzafi Crédit: Yassine Toumi/TELQUEL

Alors qu’il était en pleine audition avec le juge d’instruction, le nom de Nasser Zafzafi n’a cessé de resurgir sur les réseaux sociaux dans l’après-midi du 11 juillet. Le site barlamane.com a révélé une vidéo montrant le leader du Hirak, face caméra, en gandoura bleue, en train de subir ce qui ressemble à un examen corporel.

Nasser Zafzafi y montre plusieurs parties de son corps. La vidéo, censée prouver qu’il n’y a pas eu d’actes de torture, n’est ni datée ni sourcée et semble provenir d’un lieu de détention. Où a-t-elle été filmée? Quid du droit du détenu? Une telle procédure ne devrait-elle pas être frappée du sceau du secret et menée par des médecins?

Au début de l’enregistrement, Nasser Zafzafi met d’abord ses bras en évidence. Il montre ensuite son torse, puis ses jambes. On voit également défiler sur les images, l’espace d’un instant, les sous-vêtements du leader du Hirak. Zafzafi se tourne ensuite pour montrer son dos au bas duquel apparaît une trace qui s’apparente à une ecchymose.

Aussitôt publiée, la vidéo a été reprise en boucle par plusieurs sites d’information et a fait le tour du web. Dans la soirée suivant la diffusion de cette vidéo, la Direction générale à l’administration pénitentiaire et à la réinsertion (DGAPR) publie un communiqué où elle certifie que « la vidéo de Nasser Zefzafi n’a pas été enregistrée à la prison locale Ain Sebaa 1« .

Dans sa communication, l’institution de Mohamed Salah Tamek se dégage de toute responsabilité en indiquant qu’ « après avoir visualisé  la vidéo publiée sur les réseaux sociaux, la direction générale a précisé que le détenu Nasser Zefzafi n’a jamais porté les vêtements apparus sur la vidéo, depuis qu’il a été placé à l’établissement pénitentiaire jusqu’à maintenant« . La DGAPR précise que « les caractéristiques matérielles du lieu où la vidéo a été enregistrée ne figurent dans aucune des salles de la prison locale Ain Sebaa 1« .

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De son côté, le procureur général de la Cour d’appel de Casablanca, chargé d’instruire l’affaire Zafzafi, a réagi à travers un communiqué où il ordonne « l’ouverture d’une enquête pour élucider les circonstances de l’enregistrement de cette vidéo » dont l’origine est toujours inconnue.

Directement visé, le site barlamane.com répond à cette communication à travers un article publié dans la soirée du 10 juillet. Le média ne s’attarde pas trop sur la vidéo qu’il a publiée, et enjoint plutôt aux autorités de s’enquérir de l’avancée des enquêtes sur les auteurs des jets de pierre sur les forces de l’ordre.

Le ministre des Droits de l’Homme, Mustapha Ramid, a choisi les canaux non officiels pour réagir à cette vidéo. « J’ai ressenti une énorme douleur en prenant connaissance » de cette vidéo, écrit-il sur Facebook où il a dénoncé une « humiliation condamnable d’un citoyen« .

Le ministre assure à son tour ignorer où et quand ces images ont été filmées.  Il ajoute être « très en colère contre ces gamineries qui n’ont aucune justification« . Il appelle son collègue au département de la Justice à lancer une « enquête sérieuse« .

Qui va enquêter?

Du côté de la société civile, l’indignation est à son comble, et plusieurs interrogations subsistent. L’avocat Abdessamad El Idrissi, membre du secrétariat général du PJD, s’interroge sur le modus operandi de l’investigation. Il propose de confier l’enquête à la gendarmerie royale pour éviter le conflit d’intérêts dans la mesure où Zafzafi a été l’hôte de la Brigade nationale de la police judiciaire (BNPJ) qui ne peut donc être à la fois juge et partie.

L’Association marocaine des droits humains (AMDH) a dénoncé sur son compte Twitter, une vidéo « illégale » violant « les droits du prisonnier ».

Sur sa page Facebook, c’est en tant que président de l’association Damir que Salah El Ouadie réagit à la diffusion de la vidéo. Pour lui, « l’auteur de la vidéo doit être dénoncé devant l’opinion publique  et doit recevoir la punition qu’il mérite » pour avoir publié un enregistrement « attentatoire à la dignité humaine ».

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