Le Hirak vu par Mustapha Ramid

Le ministre d’État chargé des droits de l’Homme s'est enfin exprimé sur le Hirak à l'occasion d'une conférence où données officielles et opinion personnelle de Ramid se sont mélangées.

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Pour la première fois depuis le début de la contestation à Al Hoceima, le ministre d’État chargé des droits de l’Homme s’est exprimé de manière officielle sur le Hirak. C’était ce jeudi à l’occasion d’une conférence rassemblant officiels, médias et représentants de la société civile à Rabat. Une rencontre que le ministre a entamée par la lecture d’un rapport de 15 pages présentant de « manière officielle et professionnelle »  la « version du gouvernement » sur le mouvement de contestation du Rif.

À l’origine du Hirak

Le ministre a entamé son exposé en retraçant l’historique du Hirak depuis la mort de Mouhcine Fikri, le 28 octobre 2016. « Les autorités ont été accusées d’être la cause de la mort de Mouhcine Fikri », souligne Ramid. Il a évoqué l’expression « t7an mo » (« broie-le », NDLR), devenue emblématique de la mort tragique u poissonnier.

« À propos de cet évènement douloureux, les résultats des enquêtes et des poursuites menées par les autorités compétentes n’ont pas attiré l’attention suffisante bien qu’elles aient révélé d’une manière incontestable que le défunt Mouhine Fikri a trouvé la mort à cause de son ami, à travers un geste involontaire, ce que confirment les enregistrements vidéos… « , déplore Ramid. « Les résultats de l’enquête judiciaire se trouvent entre les mains du procureur général (…)  d’Al Hoceima« , a-t-il insisté.

Le Hirak vu par le gouvernement

Mustapha Ramid affirme que « 500 rassemblements ou manifestations sans aucune intervention violente des forces de l’ordre » se sont déroulés au cours des cinq mois qui ont suivi la mort de Mouhcine Fikri. « Mais malgré leur caractère pacifique, certains rassemblements ont été marqués par des actes de violence« , regrette-t-il, citant  une manifestation organisée le 6 février à Imzouren, et au cours de laquelle « les manifestants ont jeté des pierres sur les forces de l’ordre« .

Le ministre a évoqué d’autres incidents survenus le 26 mars, lorsque « des éléments cagoulés ont mis le feu à un bâtiment abritant les forces de l’ordre« . L’ancien ministre de la Justice a exposé à l’assistance la vidéo montrant « des éléments des forces de l’ordre en proie aux flammes« .

Par ailleurs, Ramid a mis l’accent sur le prêche interrompu par Nasser Zafzafi le 26 mai avant d’exposer un bilan chiffré des manifestations dans le Rif. Selon les chiffres du ministre des droits de l’Homme, qui cite le ministère de la Santé, 416 représentants des forces de l’ordre ont été blessés durant des manifestations du Hirak, contre 45 du côté des manifestants.

Le document présenté par Ramid rappelle aussi qu’un budget de 9,9 milliards de dirhams est destiné à 522 projets à Al Hoceima, dont 6,5 milliards consacrés au plan stratégique « Al Hoceima, phare de la Méditerranée ». Lorsqu’il évoque ce projet, Ramid annonce que le centre d’oncologie, réclamé par les militants du Hirak, sera ouvert le 15 juillet prochain et disposera de « tous les équipements sans exception ».

Et les droits de l’Homme ?

À l’issue de ce bilan sur le Hirak, Mustapha Ramid a entamé une séance de question-réponse avec les représentants de la société civile. Parmi eux, le célèbre bâtonnier Abderrahim Jamaï, qui a dénoncé la diffusion de la vidéo montrant les présumés auteurs de l’incendie du bâtiment abritant les forces de l’ordre à Al Hoceima. « C’est une violation de la présomption d’innocence », s’est indigné l’avocat, regrettant que Mustapha Ramid présente des faits comme des vérités, alors que les procès se déroulent encore.

« La présomption d’innocence n’a pas été violée étant donné qu’aucun nom n’a été cité« , a répondu Mustapha Ramid. Face à la réaction de l’assistance, le ministre d’État a dû préciser qu’il ne prenait pas parti pour les policiers. « Les forces de l’ordre, qui assurent notre sécurité, peuvent commettre des erreurs. Les manifestants, qui exercent un droit constitutionnel, peuvent aussi commettre des erreurs », a-t-il concédé.

Le ministre a d’ailleurs déclaré qu’il était, à titre personnel, favorable à « la libération des détenus, dans le cadre de la loi« . Le ministre a ainsi émis le souhait que Silya Ziani, l’une des figures du Hirak incarcérées, qui selon ses avocats, serait dépressive au point de penser au suicide,  soit poursuivie en état de liberté.

Concernant les violations de domicile et les portes cassées, faits dénoncés sur les réseaux sociaux – images à l’appui -, Ramid s’est contenté de déclarer que le ministre de l’Intérieur lui avait assuré que « les portes ont été réparées« , suscitant l’hilarité d’une partie de l’assistance.

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