Le torchon brûle entre le CNDH et les milieux sécuritaires

Par communiqués interposés, les deux institutions se sont écharpées sur des accusations de "torture" contre des manifestants du Hirak.

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Crédit : Tniouni

Le Conseil national des droits humains (CNDH) accuse-t-il des éléments de forces de l’ordre de « torture » à l’encontre des activistes du Hirak, comme le suggèrent les éléments d’un rapport du CNDH ayant fuité dans la presse? Les extraits de ce rapport, qui est toujours en préparation, attisent en tout cas les tensions entre l’institution officielle chargée des droits humains et les milieux sécuritaires.

Le CNDH s’est défendu vigoureusement dans un communiqué d’avoir porté ces accusations, exprimant son « étonnement » face à ces fuites. La mise au point du Conseil dirigé par Driss El Yazami n’a pas empêché la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN) de publier dans la foulée un communiqué au ton ferme ce mardi 4 juillet.

L’institution dirigée par Abdellatif Hammouchi exprime « son rejet catégorique des accusations et allégations graves portées à l’encontre de ses services et ses fonctionnaires, avancées comme sûres par certains, en se référant à un document partiel attribué au Conseil National des Droits de l’Homme (CNDH), qui a fait l’objet d’une fuite en dehors du cadre officiel« . La DGSN souligne qu’il s’agit d’un « document non officiel« , et promet de « répondre à toutes les allégations (…) une fois ce texte reçu officiellement ».

La DGSN fait notamment allusion à un rapport d’expertise médicale, réalisé par deux médecins mandatés par le CNDH qui ont examiné des détenus du Hirak d’Al Hoceima et vérifié les allégations de torture relayées par des activistes.

Le site d’information Hespress avait publié de larges extraits du document, dont il détient copie, dans un article intitulé: « Les allégations de torture des détenus du Rif sont crédibles« . Une conclusion que le média attribue au docteur Abdellah Dami, médecin légiste au CHU Ibn Rochd de Casablanca.

De larges extraits du document ont par la suite été publiés par le site Barlamane.com, qui accuse le président du CNDH, Driss El Yazami, d' »alimenter les tensions » dans le Rif. Le site évoque des « incohérences« , notamment sur les dates des visites médicales. Barlamane pointe également du doigt une des conclusions supposées du même médecin qui réclamerait « l’ouverture dans les plus brefs délais par l’autorité judiciaire d’une enquête« .

Les extraits publiés recommandent également d’ »investiguer les faits de torture et autres mauvais traitements allégués et s’assurer le cas échéant que les responsables des violations ne resteront pas impunis« .

Un rapport « non définitif »

Pour la DGSN, il s’agit d’une « exploitation hâtive et illégale » d’un document ayant fuité. L’institution d’Abdellatif Hammouchi reproche également au document son « caractère politique« . La Sûreté nationale évoque même une « atteinte aux efforts du Royaume du Maroc et à ses acquis dans le domaine du renforcement du système des droits de l’Homme« .

La DGSN reconnaît la « torture avérée, comme un acte criminel puni par la loi« , mais note que la constatation dans ces cas est du ressort des « autorités judiciaires compétentes« . En définitive, le communiqué de la DGSN rejette tout ce qui est contenu dans ces fuites et dit ne s’en remettre qu’aux conclusions officielles:

La DGSN fait part de son engagement et son total respect des seuls résultats et conclusions officielles et non pas des fuites, dont les auteurs sont censés effectuer une enquête minutieuse pour déterminer les tenants et les aboutissants de leur publication, alors qu’elles ne répondent pas aux procédures et autres formalités stipulées par la loi.

Dans sa communication, le CNDH ne dit pas autre chose. L’instance explique que les « conclusions et recommandations qui seront contenues dans son rapport global et final autour des événements d’Al Hoceima seront les seules références pour évaluer lesdits événements dans toutes leurs dimensions et étapes avec neutralité, objectivité et responsabilité« .

Le CNDH explique que le document qui a fuité a été adressé « exclusivement à la partie concernée« . L’instance regrette des « déductions non conclues par les deux experts chargés par le Conseil d’apporter une preuve évidente quant à l’exposition à la torture de ces détenus qui ont été examinés et écoutés« , ajoute le communiqué, qui insiste sur le caractère « non définitif » du rapport.

Plus encore, l’instance dirigée par Driss Yazami écrit que les fuites publiés par la presse «  ne traduisent pas la position et les convictions du CNDH  » qui ne fait que remettre ses conclusions à la Justice.

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