Sahara : Comment le Maroc entend rayer la mention "territoire occupé" des instances de l’UA

À l’UA, l’escarmouche entre le Maroc et l’Algérie autour de la RASD a trouvé un consensus grâce à la médiation du Nigéria. Un cas d’école autour de la bataille de l’emploi du terme "territoire occupé" pour désigner le Sahara au sein de l’organisation.

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Nasser Bourita dans l'hémicycle de l'Union africaine, le 2 juillet au soir.

Un consensus a été trouvé le 2 juillet à l’Union africaine sur l’épineuse question de la terminologie autour d’une mission d’évaluation des droits de l’Homme au Sahara. La veille, au Conseil exécutif, le Maroc avait demandé que soit amendée ou supprimée une clause du rapport de la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples qui, comme chaque année depuis 9 ans, recommandait l’envoi d’une « mission d’évaluation des droits de l’Homme dans les territoires occupés de la RASD« . Le ton était alors monté avec l’Algérie. Ce rapport avait été adopté plus tôt dans la semaine par le Comité des représentants permanents (COREP) — l’assemblée des ambassadeurs de chaque pays auprès de l’UA.

Lire aussi : Escarmouche à l’UA entre le Maroc et l’Algérie

Jeu de mots

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La délégation marocaine débriefe dans le hall de l’UA à l’issue de la session du Conseil exécutif le 2 juillet. Crédit : TelQuel

Le Conseil exécutif de l’Union africaine — l’assemblée des ministres des Affaires étrangères – a donc adopté une nouvelle version de ce texte le 2 juillet, en début de soirée, moins d’une heure après le début de la session. « Le nouveau texte dit : ‘quelques délégations ont proposé l’envoi d’une mission dans le territoire connu à l’ONU comme Sahara occidental et à l’UA comme RASD.’ Dans le même paragraphe, il ajoute : ‘d’autres délégations ont exprimé leur opposition ferme à cette mission’, » rapporte Nasser Bourita, ministre marocain des Affaires étrangères, à la sortie de la session. « Cela n’apparait donc plus comme une décision du COREP, mais le Conseil exécutif note bien qu’il y a débat avec des pays pour et des pays contre. On revient à une logique où la position du Maroc est prise en considération, » analyse-t-il.

En outre, « la présidente de la Commission [la Sud-africaine Faith Pansy Tlakula, NDLR] écrira dans sa conclusion du rapport : ‘nous allons engager un dialogue constructif avec l’État concerné sur la

Les délégations algérienne et sahraouie se salut avant la session du Conseil exécutif le 2 juillet. Crédit: TelQuel
Les délégations algérienne et sahraouie se salut avant la session du Conseil exécutif le 2 juillet. Crédit: TelQuel

mission susmentionnée,' »explique encore Bourita. Une formulation simple pour désigner le Sahara, qui permet de retirer la mention de « territoire occupé » qui gênait la diplomatie marocaine, et qui présentait, selon elle, la position d’une délégation comme celle de l’ensemble des pays en étant adopté par le COREP.

Le rôle du Nigéria

Le Maroc a fait part au Nigéria de ces limites qu’il ne pouvait accepter. Le ministre des Affaires étrangères nigérian s’était en effet proposé de faire le médiateur le 1er juillet, lorsque seize pays s’étaient prononcés en faveur de la position du Maroc, et six en faveur de celle de la RASD. Devant ses pairs, le 2 juillet, Geoffrey Onyeama, satisfait que sa médiation ait abouti, a souhaité que cette méthode soit utilisée à l’avenir pour résoudre des conflits entre deux membres de l’Union. « J’ai rencontré les représentants du Maroc et de la RASD hier soir. On a réussi à trouver une solution acceptable. Les deux ministres étaient très soulagés, » déclare-t-il.

Le Polisario embarrassé

Déclaration de Mohamed Ould Salek aux médias algériens. Crédit : TelQuel
Déclaration de Mohamed Ould Salek aux médias algériens. Crédit : TelQuel

L’escarmouche a eu lieu cette fois-ci sur la question des droits de l’Homme, mais elle pourrait bien se répéter sur d’autres thématiques. Car, de retour à l’Union africaine, le royaume entend ne plus laisser exister la mention de « territoire occupé » pour désigner le Sahara dans les décisions de l’organisation. Mohamed Ould Salek, le ministre des Affaires étrangères du Polisario le reconnait lui aussi. « Le problème ce n’est pas les commissions d’enquête sur les droits de l’Homme. Le problème c’est que le Maroc occupe une partie du territoire d’un pays membre. Aujourd’hui, 55e membre de l’UA, il doit se comporter comme membre qui a ratifié l’Acte constitutif qui interdit d’occuper le territoire des autres, » déclare-t-il devant la presse algérienne. Pour lui, « le consensus rétablit la Commission des droits de l’Homme et des peuples dans ses fonctions et dans son mandat. Sa mission, c’est d’évaluer les droits de l’Homme dans les territoires occupés. La mission a déjà fait un rapport en 2013, elle a visité les zones libérées, mais le Maroc a refusé à deux reprises à la Commission de visiter les territoires occupés. »

Ce à quoi la diplomatie marocaine rétorque : « Eh bien désormais ce n’est plus uniquement le Maroc qui refuse la mention de territoire occupé et donc les visites, mais plusieurs pays. »

Nasser Bourita quitte l'UA pour accueillir Moulay Rachid à l'aéroport d'Addis Abeba. Crédit : TelQuel
Nasser Bourita quitte l’UA pour accueillir Moulay Rachid à l’aéroport d’Addis Abeba. Crédit : TelQuel

La session du Conseil exécutif s’est poursuivie sans Nasser Bourita. Ce dernier a sauté dans une berline en direction de l’aéroport pour y accueillir Moulay Rachid. Le prince, qui a atterri à 19 h 30 heure locale (17 h 30 au Maroc), représentera Mohammed VI les 3 et 4 juillet au sommet des chefs d’État. Le ministre marocain est revenu deux heures plus tard pour poursuivre les travaux qui portent à présent sur les réformes de l’organisation, avant que les chefs d’Etat ne valident les décisions du Conseil exécutif.

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