Syrie: l'attaque au sarin de Khan Cheikhoun signée de Damas, selon Paris

L'attaque au sarin contre la localité syrienne de Khan Cheikhoun, qui a tué début avril 87 personnes et horrifié le monde, porte "la signature" de Damas, a accusé mercredi la France dans un rapport de ses services de renseignement incriminant le régime.

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Crédit : AFP

Le document présenté ce mercredi par les renseignements français conclut « avec certitude » que du sarin a bien été utilisé et qu’il porte la marque de fabrication du régime syrien. « Face à l’horreur de cette attaque et aux violations répétées par la Syrie de ses engagements à ne plus utiliser des armes proscrites par la communauté internationale, la France a décidé de partager avec ses partenaires et avec l’opinion publique mondiale les informations dont elle dispose« , a déclaré le chef de la diplomatie française, Jean-Marc Ayrault. Il s’exprimait à l’issue d’un Conseil de défense réuni à l’Elysée autour du président français François Hollande.

L’attaque perpétrée le 4 avril contre la localité de Khan Cheikhoun, en zone rebelle, a fait 87 morts, dont 31 enfants, et a entraîné des frappes de représailles américaines le 7 avril sur une base aérienne du régime. Ce dernier a toujours démenti être impliqué et estimé que l’attaque était « une fabrication à 100%« .

Preuves irréfutables?

La France, dont les services ont « prouvé » cinq attaques au gaz sarin en Syrie depuis avril 2013, selon un décompte fourni avec le rapport, s’appuie sur des prélèvements sur place et analyses effectuées sur les victimes, selon une source diplomatique française. « La chaîne de traçabilité » des échantillons et les analyses effectuées au centre d’études du Bouchet (région parisienne), le laboratoire de référence en France, sont « conformes » aux normes internationales, souligne cette source.

Le rapport étudie trois aspects-clés de l’attaque de Khan Cheikhoun: la nature du produit, le procédé de fabrication et son mode de dispersion. Paris, à l’instar de l’OIAC (Organisation pour l’interdiction des armes chimiques), de la Turquie, des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne, a conclu à l’utilisation de sarin à Khan Cheikhoun.

Mais c’est surtout le procédé de fabrication du gaz qui permet à la France d’incriminer le régime de Damas. La méthode « porte la signature du régime« , a expliqué Ayrault. Le sarin prélevé à Khan Cheikhoun a été comparé avec des prélèvements réalisés par la France après une attaque de 2013 imputée au régime à Saraqeb (nord-ouest).

Le CERS dans le viseur

La France avait récupéré une munition non explosée et en avait analysé le contenu. « Nous sommes en mesure de confirmer que le sarin employé le 4 avril est le même sarin que celui qui a été employé dans une attaque intervenue à Saraqeb le 29 avril 2013« , a déclaré Jean-Marc Ayrault.

Dans les deux cas, de l’hexamine, un stabilisant, a été retrouvé. « Ce procédé de fabrication est celui développé par le CERS au profit du régime syrien« , indique le résumé du rapport. Le Centre de recherches et d’études scientifiques de Syrie (CERS) est dans le viseur des pays occidentaux.

Le secrétaire américain à la Défense Jim Mattis a estimé vendredi qu’il n’y avait « pas de doute » que le régime avait conservé des armes chimiques et Washington a pris lundi des sanctions contre 271 scientifiques du CERS.

Banalisation des armes chimiques

Enfin, l’analyse du contexte militaire fait dire à la France que l’aviation du régime, et en particulier un chasseur bombardier Sukhoi 22 décollant de la base de Chayrat, a effectué des frappes aériennes sur la localité le 4 avril au matin. Seul le régime dispose de ces moyens aériens.

Depuis le début de la guerre en Syrie, en mars 2011, Damas a été accusé à plusieurs reprises d’avoir recours aux armes chimiques. L’attaque de la Ghouta, en banlieue de Damas en août 2013, qui a fait des centaines de victimes, a été un des marqueurs du conflit. Elle a conduit, après le retentissant renoncement américain à des frappes de représailles, à un accord international sur le démantèlement de l’arsenal chimique du régime.

Mais des dizaines d’autres attaques de moindre ampleur sont suspectées, témoignant de la banalisation de l’arme chimique, même si les responsabilités sont extrêmement délicates à prouver.

En 2016, deux rapports d’enquêteurs de l’ONU et de l’OIAC avaient conclu que Damas avait mené trois attaques au chlore et l’organisation jihadiste Daech une attaque au gaz moutarde en 2014 et 2015.

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