Khadija Rouggany: "les règles de l'héritage ne sont pas adaptées à notre contexte"

Khadija Rouggany, membre fondatrice de l'alliance Printemps de la dignité, relève les incohérences du programme du gouvernement, tout en saluant la récente sortie d'Abou Hafs sur la question de la parité dans l'héritage.

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Quelques heures avant le vote du programme gouvernemental par la Chambre des représentants, le 26 avril, l’alliance féministe « Printemps de la dignité » a adressé un appel au gouvernement. Son but? Amender le programme de l’Exécutif afin d’y intégrer des mesures précises relatives à la situation de la femme. L’ONG entend faire respecter l’approche paritaire prônée par l’article 19 de la Constitution. L’avocate Khadija Rouggany, membre fondatrice de l’alliance, évoque avec Telquel.ma les revendications de son mouvement.

Telquel.ma : Pourquoi avez-vous choisi de communiquer avant le vote du programme ?

Khadija Rouggany : Nous pensons être en retard. Si ce programme est adopté, notre sortie n’aura aucune importance. C’est un appel destiné au gouvernement, aux élus, mais également à l’opinion publique afin de faire réagir quant à la situation de la femme. Nous constatons la marginalisation de cette question par les représentants et souhaitions attirer l’attention sur l’importance de notre cause.

Quelles sont les remarques que vous souhaitez adresser au gouvernement El Othmani ?

Nous préparons une analyse critique que nous présenterons le 3 mai. Mais nous ne constatons aucune cohérence dans le contenu du programme gouvernemental. Il n’y a pas de vision globale, seulement des idées dispersées. L’Exécutif parle également de continuité, mais cette continuité nous inquiète au vu des textes rétrogrades adoptés par le précédent gouvernement et qui n’ont pas contribué à l’égalité hommes-femmes, comme le programme Tamkine élaboré par Bassima Hakkaoui. Nous ne voulons pas de continuité, mais une rupture.

Nous souhaitons également la création d’un ministère exclusivement dédié à la Femme au lieu de l’actuel ministère de la Famille, de la Solidarité, de l’Égalité et du Développement social. Ce département se penche sur beaucoup trop de dossiers, et ce n’est pas normal. La femme représente la moitié de la société marocaine. Un ministère de la Femme permettrait de mettre en place des politiques publiques centrées sur la femme. Nous comptons militer pour cela. Nous allons nous battre pour la parité, car on ne peut pas parler de démocratie sans égalité.

À ce propos, comment avez-vous accueilli la dernière sortie d’Abou Hafs appelant à l’ouverture d’un débat sérieux sur l’égalité en héritage ?

Nous devons capitaliser sur cette sortie. Nous nous réjouissons du fait que ce combat n’appartient plus seulement aux femmes, mais à la société dans son ensemble. Aujourd’hui des personnes du champ associatif, des religieux, des intellectuels ainsi que des politiques se positionnent sur cette question. Auparavant lorsque nous l’évoquions, nous étions lynchées. Les règles de l’héritage ne sont pas sacrées, et il faut tout d’abord commencer par revoir les règles comme le taasib en vertu desquelles un cousin ou un oncle doit partager l’héritage avec la fille d’un défunt. De nombreuses recherches universitaires prouvent que les règles de l’héritage telles qu’elles sont évoquées dans la doctrine islamique ne sont pas adaptées à notre époque. Elles ont été établies par des hommes et reflètent donc une vision patriarcale. Au sein de l’alliance, nous comptons communiquer avec des personnes comme Ahmed Khamlichi ou encore Abou Hafs qui ont des idées très avancées sur le sujet.

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