Le musée de l'eau de Marrakech, le premier à être géré par une société privée

Le musée de la civilisation de l'eau de Marrakech ouvre ses portes le 2 mai. Inaugurée trois mois plus tôt par le prince héritier, l'institution était à la recherche d'un gestionnaire délégué privé.

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Musée Mohammed VI de la civilisation de l'eau au Maroc à Marrakech

Le Musée Mohammed VI de la civilisation de l’eau au Maroc avait été inauguré en grande pompe par le prince Moulay Hassan le 5 janvier. Mais l’institution n’ouvrira ses portes au public que le 2 mai, soit près de quatre mois plus tard. La raison? Ahmed Taoufik, ministre des Habous et des Affaires islamiques, nous explique que son département – qui en assure la tutelle – était à la recherche d’un gestionnaire privé. Le ministre nous précise également qu’il attendait la nomination d’un nouveau gouvernement afin de publier les documents légaux, dont le décret qui fixe les tarifs d’entrée. « Je vais m’en occuper dès les premières réunions du gouvernement afin que tout soit légalisé pour l’ouverture« , promet-il.

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Ministère des Habous, une tutelle surprenante ?

Alors qu’une Fondation nationale des musées a été créée en 2011, comment expliquer que le projet de 163 millions de dirhams du Musée de la civilisation et de l’eau soit porté par le ministère des Habous? « Jusqu’au protectorat où le général Lyautey a décidé de confier la gestion de l’eau aux régies modernes, les Habous ont participé à la gestion des eaux de plusieurs grandes villes grâce à des sources et des puits qui leur appartenaient« , explique Jaafar Kanssoussi, chargé de mission au musée et membre du comité scientifique qui a porté le projet.

Les Habous s’occupaient de redistribuer l’eau qui arrivait vers la mosquée, la fontaine publique et les maisons des notables. Les infrastructures hydrauliques, canaux, ou autres moulins à eau ayant servi à ces tâches sont aujourd’hui exposés au musée. « Mais l’histoire des Habous et de l’eau n’est qu’un aspect de l’activité du musée. Notre démarche est plus globale: nous allons voir comment chercher l’eau, comment l’acheminer et comment l’utiliser dans les oasis, dans les montagnes et dans les plaines« , explique Jaafar Kansoussi, qui est aussi chercheur et spécialiste du soufisme.

Ambitieux et innovant, le musée de la civilisation de l’eau présente une muséographie, réalisée par le bureau d’études privé Knout et dont l’équipement est installé par la société Muse. La scénographie inédite comporte des objets, maquettes, cartes, documents manuscrits, supports audiovisuels et multimédias avec un jeu de sons et lumières. Autant d’aspects que le ministère des Habous n’est pourtant pas en mesure de porter seul. « L’administration du ministère des Habous n’est pas outillée pour une gestion rigoureuse et efficace de ce musée de l’eau« , explique encore Jaafar Kansoussi. Le ministère a alors mis des mois à trouver un gestionnaire privé. Une première au Maroc.

Gestion déléguée à Couleur Com

Début mars 2017, le spécialiste de l’évènementiel Couleur Com a été préféré, à l’issue d’une consultation restreinte, à deux concurrents internationaux. « J’apporte mes compétences dans le multimédia, le numérique, ainsi que dans la stratégie pour attirer un public et créer des concepts« , explique Youssef Mouhyi, patron de la société. Le contrat de gestion prévoit que Couleur Com s’occupe de l’équipement, de la programmation, du management, du marketing et de la commercialisation. « Mais la gestion et l’encaissement de l’argent reviennent à 100% aux Habous« , précise Youssef Mouhyi. Une situation qui, selon Ahmed Taoufik, n’est que « provisoire« . « On ne pouvait pas laisser le musée fermé« , explique le ministre des Habous. « Un appel d’offres public va être lancé à l’automne, le temps d’élaborer un cahier de charge et de négocier avec le ministère des Finances« , ajoute-t-il, confirmant que la gestion du musée restera privée.

Membre de la CGEM, Youssef Mouhyi est aussi un fervent défenseur de la gestion privée de la culture. « Nous faisons du lobby pour que l’État laisse la gestion d’infrastructures publiques au secteur privé« , affirme-t-il. « Cette démarche des Habous est une ouverture sur le modernisme« , estime Mouhyi, expliquant que les grands musées internationaux fonctionnent suivant ce modèle.

Alors que le musée de la civilisation et de l’eau de Marrakech ambitionne de devenir le plus important au niveau de l’Afrique, le ministère des Affaires islamiques a l’occasion de diversifier ses investissements dans l’industrie culturelle. « Nous allons aussi ouvrir un musée de la vie religieuse à Marrakech au mois de septembre« , ajoute d’ailleurs Ahmed Taoufik, sans préciser qui en assurera la gestion déléguée.

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