Arts: Parle moi d'une oeuvre

Nous avons conversé avec des patrons d’entreprise, des politiques et des acteurs de la société civile afin de savoir quelle œuvre artistique les a le plus marqués ? Les réponses sont plutôt surprenantes.

Par et

 

Abderrafie Zouiten, Directeur général de l’Office national marocain du Tourisme : L’ensemble de l’œuvre d’Ousman Sow, 1935-2016

Ce qui est frappant dans ses créations, c’est le gigantisme des statues dont émane une grande puissance.

L a première chose qui me vient à l’esprit est l’ensemble de l’œuvre du sculpteur sénégalais Ousman Sow (décédé en décembre 2016, ndlr). C’est d’une beauté incroyable. J’ai vu ses sculptures pour la première fois au Palais des congrès de Dakar, au cours de la récente visite du roi Mohammed VI au Sénégal. Ce qui est frappant dans ses créations, c’est le gigantisme des statues dont émane une grande puissance. Les questions du corps — il sculpte des lutteurs par exemple —, de morphologie et de matières utilisées sont très bien maîtrisées. J’aurais bien voulu acquérir une de ses œuvres, mais je n’en ai pas les moyens, elles sont très chères (rires).

Zouiten Oeuvre Ousman Sow

 

Aziz Mekouar, Diplomate, Chef des négociations de la COP 22 : David, Gian Lorenzo Bernini, 1623

 J’ai été frappé par la puissance que cette statue exprime.

J’ai vu cette sculpture dans les années 1980, à la Villa Borghèse, alors que j’étais premier conseiller à l’ambassade de Rome. J’ai été frappé par la puissance que cette statue exprime d’une part, mais surtout par le sens du mouvement. Bernini a vraiment inventé quelque chose à ce moment-là. C’était une véritable prouesse technique pour l’époque et un rendu tout à fait nouveau. Un siècle plus tôt, le David de Michel-Ange est beaucoup plus statique, par exemple. Je l’ai revue depuis, je la trouve toujours extraordinaire.

Davi Gian Lorenzo

Mustapha El Khalfi. Ancien ministre de la Communication : The International, Tom Tykwer, 2009

The International est un film qui me ressemble beaucoup.

The International est un film qui me ressemble beaucoup. C’est l’histoire de deux agents d’Interpol (Clive Owen et Naomi Watts, ndlr) qui enquêtent sur un scandale banquier inspiré de faits réels. Malgré les tentatives de faire échouer l’enquête, les deux agents vont réussir à décortiquer l’affaire (trafics de drogues ou d’armes). C’est un film qui a eu beaucoup d’échos, je l’ai regardé pour la première fois l’année même de sa sortie en version piratée, et depuis je le remets assez souvent. Je me vois dans le personnage de Clive Owen, car il incarne la justice sociale, la détermination et l’engagement. Le fait d’être seul contre l’univers ne l’a pas empêché de tenir bon. Et tout le film tourne autour de l’application de la loi quelle que soit la partie concernée, ce qui est essentiel pour moi. Je pense que ce film se rapproche beaucoup de mon engagement politique, car l’enquêteur a défié tout le monde au nom de la justice, et c’est ce que je fais aussi. Googlez-le, vous n’allez pas le regretter.  

The International Tom Tykwer

Khadija Riyadi, Ancienne présidente de l’AMDH : Yol, Yılmaz Güney, 1982

À travers une belle et incroyable écriture cinématographique, le réalisateur évoque la condition de la femme, la domination patriarcale et la question des prisonniers kurdes.

Sur le vif, je dirai Yol du réalisateur kurde Yılmaz Güney. Je me rappelle qu’entre 1983 et 1988, j’avais un attrait particulier pour le cinéma, j’étais membre du cinéclub de Rabat qui projetait des films au cinéma El Hamra dans le quartier Akkari. J’ai vu le film en 1984, deux ans après sa sortie en salle, et c’était une claque. Pourtant, je l’ai regardé par pur hasard. Le film raconte l’histoire de cinq prisonniers kurdes ayant obtenu une permission d’une semaine pour rendre visite à leurs familles. À travers une belle et incroyable écriture cinématographique, le réalisateur évoque la condition de la femme, la domination patriarcale et la question des prisonniers kurdes. J’ai été touchée au vif par les métaphores de ce puissant film. L’ironie du sort fait que Yol a été tourné alors que le réalisateur était en prison. Il donnait ses directives depuis sa cellule et, à sa sortie, le film a été interdit en Turquie. Güney réussit à s’évader et à trouver asile en Suisse pour faire le montage du film qui aura la Palme d’or au Festival de Cannes. Je dédie d’ailleurs ce film-manifeste à tous les victimes et prisonniers politiques actuels du régime turc.  

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Lahcen Haddad, Ancien ministre du Tourisme: Les sept samouraïs, Akira Kurosawa 

C’est le meilleur film d’action que j’ai vu jusqu’à présent.

Entre 1990 et 1993, j’ai enseigné le cinéma à l’Université d’Indiana aux États-Unis. Et parmi les films qui m’ont bouleversé, il y a Les Sept Samouraïs d’Akira Kurosawa. C’est un film qui m’obsède, j’ai dû le voir une vingtaine de fois tellement c’est un chef d’œuvre absolu de l’histoire du cinéma contemporain. Il nous apprend beaucoup sur la société japonaise médiévale qui connaissait, à l’époque, une anarchie totale. Ce qui m’a le plus intrigué dans cette leçon de cinéma, c’est le caractère du film. C’est le meilleur film d’action que j’ai vu jusqu’à présent et, en même temps, ça n’a pas empêché Kurosawa de faire état de la société, de l’histoire et de la culture japonaises. C’est aussi un film qui en dit long sur l’engagement contre l’adversité, et je pense que ça a un lien avec mon engagement politique. Vous savez, depuis que je fais de la politique, je n’ai eu droit qu’aux épines des roses. Mais c’est une bonne chose, car les épines rendent fort. Je suis devenu plus prudent, réfléchi et tactique. Je connais mieux la vie aujourd’hui.Les sept samourais

Soumaya Naamane Guessous, Sociologue: L’ensemble de l’œuvre de Chaïbia (1929-2004), Radia Bent Lhoussine (1912-1994) et Fatima Hassan (1945-2011)

Elles ont libéré l’imaginaire des femmes à travers leurs toiles.

Ce n’est pas une seule œuvre qui m’a marquée, mais l’ensemble des créations des peintres marocaines Radia Bent Lhoussine, Chaïbia et Fatima Hassan. J’ai découvert leurs créations dans les années 1980 à travers leurs expositions et en me liant d’amitié avec elles. Elles ont exposé leurs œuvres dans les années 1960 alors que les femmes étaient encore recluses. J’ai été fascinée par le courage et l’audace de ces femmes pourtant analphabètes. Autodidactes, elles ont libéré l’imaginaire des femmes à travers leurs toiles, les ont fait voyager au Maroc et dans le monde. Ces pionnières ont dévoilé et sublimé la beauté de l’intimité domestique des femmes, leurs fêtes, leurs rituels, et libéré leur parole. Elles se sont incrustées dans l’espace public et le champ artistique, exclusivement masculin. Elles ont détruit les murs des gynécées et rendu ainsi hommage aux fées du logis. Elles ont brisé le mythe du harem construit par les orientalistes où les femmes étaient des composantes des harems : oisives, apathiques, passives, avec comme unique rôle la séduction de leur maître. Discrètement, elles ont contribué à l’émancipation féminine qui fait partie de mon combat.  

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Rachid Nini, Directeur de publication du journal Al Akhbar: Nichwar Al Mouhadara, Abou Ali Attanukhi, 1994

Je me suis dit que j’étais vraiment chanceux d’avoir été emprisonné à cause de mes écrits au 21e siècle et non pas sous Sayf al-Dawla en Mésopotamie.

L’œuvre qui m’a le plus bouleversé est Nichwar Al Mouhadara d’un juge irakien nommé Abou Ali Attanukhi qui a vécu sous le calife Ali Sayf al-Dawla. Je l’ai lu en 2011 quand j’étais en prison. C’est un ami avocat qui me l’a déposé à l’administration pénitentiaire. Après la lecture, je me suis dit que j’étais vraiment chanceux d’avoir été emprisonné à cause de mes écrits au 21e siècle et non pas sous Sayf al-Dawla en Mésopotamie. On coupait les mains, les pieds, la tête et on brûlait les corps de ceux qui pensaient différemment, comme Al Hallaj dont l’histoire est narrée dans le livre. Cette œuvre se lit vraiment comme une chronique. Ce qui m’a aussi frappé c’est que l’auteur de cette œuvre soit un juge. En ces temps, les juges n’écrivaient pas de livres, mais emprisonnaient journalistes, chroniqueurs et auteurs.  

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Charafat Afailal, Ancienne ministre déléguée Chargée de l’Eau:  La formule de Dieu, Jose Rodriguez Dos Santos, 2006

Un livre passionnant qui parle principalement de science et de physique quantique.

J’ai lu dernièrement La formule de Dieu, un livre passionnant qui parle principalement de science et de physique quantique. Il s’agit d’une mission d’espionnage engagée en Iran et en Chine et qui tendait à déchiffrer des textes d’Einstein pour prouver scientifiquement l’existence de Dieu. Les résultats établis concordent parfaitement avec ce que nous apprennent le Coran, la Bible et la Torah sur la création de l’univers et Dieu. C’est mon mari qui me l’a offert et j’ai hésité à le lire, car je n’ai pas beaucoup de temps, mais dès que je l’ai commencé ça a été une révélation. J’ai eu un plaisir extraordinaire à le lire. Je suis scientifique, je m’intéresse beaucoup aux études sur la physique quantique, et le fait que ce livre ait prouvé l’existence de Dieu à travers des équations m’étonne et me touche en même temps. J’en ai beaucoup parlé avec ma fille qui a 14 ans. Elle voulait le lire, mais je lui ai dit qu’il était encore trop tôt, il faudra attendre encore un peu.  

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Brahim Benjelloun Touimi, Administrateur général du groupe BMCE Bank of Africa: Le pont à haubans Mohammed VI, 2016

Sa technologie est très sophistiquée et, en même temps, respectueuse de l’environnement

L’œuvre qui m’inspire est une infrastructure : le pont à haubans Mohammed VI. Le bien-fondé de ce choix est multidimensionnel. Le nom de baptême est celui d’un grand roi. Il se situe au Maroc, mon pays, et c’est une fierté africaine puisqu’il est unique en son genre dans le continent. Sa technologie est très sophistiquée et, en même temps, respectueuse de l’environnement. Son architecture en arche est d’inspiration arabo-musulmane. Il s’agit d’un pont reliant le nord au sud et sa réalisation est d’abord marocaine, ensuite internationale. Toutes ces caractéristiques reflètent à la fois la tradition et la modernité, la marocanité et l’africanité. Autant de valeurs incarnées dans la vision et l’action royales.  

«Pont Mohammed VI», le plus grand pont à haubans d’Afrique enjambant la vallée de Bouregreg sur l’autoroute de contournement de Rabat

Driss Lachgar, Premier secrétaire de l’USFP: Al Nabati, Youssef Zeidan, 2005

Le style littéraire est fin et exceptionnel.

Cette année, je me suis penché sur les écrits de l’auteur égyptien Youssef Zeidan pendant les vacances, période durant laquelle j’essaie de lire un maximum de livres. Il y a un roman qui m’a particulièrement marqué, c’est Al Nabati. Dans cet ouvrage — comme dans La malédiction d’Azazel —, Zeidan a réussi à raconter l’histoire avec une plume romancière. Une Égyptienne copte nous plonge dans un voyage périlleux dans son quotidien en péninsule arabique. Elle a été mariée de force à un Arabe qui a décidé de l’emmener à dos de chameau jusqu’à ses terres. Une fois sur place, elle est fascinée par son beau-frère, une tête brûlée de l’époque. Le style littéraire est fin et exceptionnel, car on vit avec cette jeune fille son calvaire.  

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Hakima El Haite, Ancienne ministre de l’Environnement: How islamic are islamic countries, Scheherazade Rehman et Hossein Askari, 2010

Une analyse pertinente sur l’interprétation des textes religieux, la situation de la femme, les agressions à l’encontre des non-musulmans, le terrorisme.

Récemment, j’ai lu une recherche de deux doctorants musulmans de Harvard sur le degré d’islamité de 208 pays du monde. Ils ont pensé un index d’islamité qui révèle que les pays dits musulmans, comme l’Arabie Saoudite, sont ceux qui font le moins usage des valeurs de l’islam, contrairement aux pays scandinaves par exemple. C’est vraiment choquant ! Au fil de la lecture, on découvre une analyse pertinente sur l’interprétation des textes religieux, la situation de la femme, les agressions à l’encontre des non-musulmans, le terrorisme, etc. Pour ces chercheurs, la religion est une affaire personnelle. On peut très bien dire qu’on est musulman, mais en pratique, seul le Bon Dieu peut savoir si c’est le cas. Cette recherche, que j’ai lue entre deux voyages en avion sur mon iPad, est spectaculaire. Elle m’a remuée et je me suis dit que peu importe notre confession, ce sont les valeurs universelles qui nous permettent de vivre dans un monde meilleur. Et la force du Maroc est sa tolérance. On a été élevés suivant des valeurs comme le pardon. Et si le Bon Dieu ne condamne pas, alors comment l’être peut-il condamner ?  

 

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Abdelmalek Alaoui, PDG de Guépard Consulting Group: Composition rouge, bleu et jaune, Piet Mondrian, 1937-42

Ce tableau me touche, d’un point de vue émotionnel.

J’ai découvert Composition rouge, bleu et jaune de Mondrian en 1998 alors que j’étais au Musée d’art moderne de New York (MOMA). Ce tableau est fascinant. L’œuvre du peintre hollandais a tellement été reproduite et copiée qu’elle a même investi l’industrie de la mode, avec le créateur français Yves Saint-Laurent qui en a fait une robe au début des années 1970. Ce tableau me touche, d’un point de vue émotionnel. Le désir de maîtrise — caractérisé par les lignes et l’usage exclusif de couleurs primaires — et la tentative de donner un cadre à ce qui est, in fine, une œuvre très simple d’un point de vue technique sont percutants. Mais, paradoxalement, c’est ce qui a occasionné sa grande reproductibilité dans la culture populaire. Ce tableau me définit dans mon travail, car je crois que sans cadre, l’action est inutile.  

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Moulay Ismail Alaoui, Ancien ministre: Le Radeau de la Méduse, Géricault, 1819

Cette œuvre de Géricault incite à réfléchir sur plusieurs niveaux qui, tous, trouvent leurs correspondants dans ce que l’humanité vit actuellement

Je dirai Le Radeau de la Méduse de Géricault. C’est un choix circonstanciel (il était en train de regarder un documentaire sur le sort des réfugiés en Europe quand nous l’avons appelé, ndlr), mais, en même temps, fondé sur l’appréciation d’une situation douloureuse, inacceptable dans notre monde actuel. J’ai découvert cette œuvre au lycée, dans un livre d’histoire exceptionnel, le fameux Mallet et Isaac. L’illustration n’avait pas pour but une quelconque dénonciation de la situation sociale. C’était un fait divers si exceptionnel qu’il a fondé le romantisme — puis-je dire flamboyant — en peinture. Cette œuvre de Géricault incite à réfléchir sur plusieurs niveaux qui, tous, trouvent leurs correspondants dans ce que l’humanité vit actuellement. Le malheur des naufragés de la Méduse — qui ont eu à souffrir de la faim et de la soif, à s’adonner au cannibalisme pour survivre, à jeter par-dessus bord certains d’entre eux — ne rappelle-t-il pas le calvaire des centaines de passagers des navires-épaves, dont l’espoir est exploité par des mafias de passeurs sans foi ni loi ?  

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Omar Iharchane, Membre du secrétariat général d’Al Adl Wal Ihsane: La religion et la laïcité dans un contexte historique, Azmi Bishara, 2014

Azmi Bishara, qui est aussi le directeur général du Centre arabe de recherches et d’études politiques de Doha, est un fin connaisseur de la laïcité et son évolution à travers le monde

Dans le lot des œuvres qui m’ont marqué, je pourrai parler de la deuxième partie du livre La religion et la laïcité dans un contexte historique du chercheur palestinien Azmi Bishara. Les deux tomes de ce livre — La laïcité et la sécularisation : le processus intellectuel et La laïcité et les théories de la sécularisation — m’ont tellement happé que je les ai lus dans un temps record, il y a quelques mois. Azmi Bishara, qui est aussi le directeur général du Centre arabe de recherches et d’études politiques de Doha, est un fin connaisseur de la laïcité et son évolution à travers le monde. Il a réussi à traiter le sujet sous un prisme de recherche très pertinent. Je pense que la relation de la religion avec l’État et la société est une question assez sensible, mais en même temps très présente dans le débat public au Maroc et dans d’autres pays arabes. L’intérêt de lire ce type d’écrit intervient, dans un premier lieu, pour des raisons académiques, mais je pense que ça peut avoir un attrait pratique dans mon engagement politique, car la question de la laïcité est actuelle et s’impose aux chercheurs, militants et citoyens.  

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Neila Tazi, Fondatrice de A3 Communication et ancienne vice-présidente de la Chambre des conseillers: Jean de Florette et Manon des Sources, Claude Berri, 1986

Les comédiens sont exceptionnels, ils ont interprété des personnages à la fois simples et universels.

Bien que le cinéma français ne soit pas celui que je préfère, j’avoue avoir particulièrement aimé l’adaptation au cinéma des livres de l’écrivain Marcel Pagnol par le réalisateur Claude Berri. Je parle spécifiquement de Jean de Florette et Manon des Sources. J’ai regardé ces deux films quand j’étais encore étudiante à Paris dans les années 1980 et je trouve toujours du plaisir à les revoir. Dans Jean de Florette et Manon des Sources, Claude Berri s’est illustré par des castings brillants. Les comédiens sont exceptionnels, ils ont interprété des personnages à la fois simples et universels qui nous donnent le sentiment de toucher du doigt la réalité profonde de la condition humaine.  

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Jamaa Baida, Directeur des Archives du Maroc : L’ensemble de l’œuvre de Salama Moussa (1887-1958)

Ce pionnier du socialisme égyptien a réussi en deux ou trois années à bousculer mes convictions rétrogrades et à ouvrir mes yeux sur des horizons nouveaux

Au début des années 1970, alors que j’étais un lycéen à Taroudant, j’ai “rencontré” par hasard Salama Moussa, un grand auteur égyptien copte, et son œuvre à laquelle je dois beaucoup. Je ne me rappelle plus exactement lequel de ses écrits j’ai eu d’abord entre les mains, mais ce qui est certain, c’est que ce premier contact a entraîné un engouement effréné pour tout ce qu’il a publié. En 1974, l’année de mon baccalauréat, j’étais même tout fier d’annoncer à certains de mes camarades du lycée Ibn Souleimane Roudani que j’avais dévoré, pour cette seule année scolaire, une bonne vingtaine de ses livres. Étant personnellement issu d’un milieu conservateur, ce pionnier du socialisme égyptien a réussi en deux ou trois années à bousculer mes convictions rétrogrades et à ouvrir mes yeux sur des horizons nouveaux. Ses écrits ont attisé ma curiosité, aiguisé mon goût pour la lecture et changé mon regard sur mon environnement socioculturel. Que ce soit sa biographie pleine d’enseignements — Tarbiet Salama Moussa (l’éducation de Salama Moussa) — ou bien le livre qu’il a consacré à l’émancipation de la femme — Al mar’atu laïssat lu’bata al-Rajoul (la femme n’est pas un jouet de l’homme) — ou encore l’œuvre dédiée à ses maîtres à penser — Haoulae ‘allamouni (ceux-là m’ont appris). Je ne sais pas si le nom de Salama Moussa évoque quelque chose pour les jeunes Marocains d’aujourd’hui, mais en tout cas pour le lycéen de Taroudant que j’étais, il était un guide à un âge où les risques de dérapage sont nombreux.  

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