Conflit en Syrie: «Le Maroc partage des objectifs communs avec la Russie»

Pour le chercheur Mohamed Benhamou, le Maroc n’a pas tant changé sa position vis-à-vis du conflit syrien. Le royaume s'est adapté à l’évolution des rapports de force dans le conflit.

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4ème conférence internationale des amis de la Syrie, Marrakech.

La position du royaume vis-à-vis du conflit syrien a-t-elle changé depuis le déclenchement du conflit ? Si, en accueillant en 2012 le groupe des amis du peuple syrien, le Maroc semblait plus enclin à soutenir les rebelles du Conseil national syrien, l’évolution du conflit et l’entrée en scène directe de la Russie dans la guerre ont modifié la donne pour la diplomatie marocaine, mais à quel point ? Décryptage de Mohamed Benhamou, président du Centre marocain des études stratégiques.

Telquel.ma: L’ambassadeur de la Syrie à l’ONU, Bachar El Jaafari, a récemment signalé la présence d’un agent des renseignements marocains à Alep-Est. Faut-il accorder du crédit à ces propos ?

Mohamed Benhamou: Il y a, en ce moment, une grande campagne de désinformation et d’intox. Il faut bien-sûr être très vigilant dans ces situations de confusion. Des déclarations et des informations de ce genre doivent être évitées à un moment où on sait qu’il y a une grande ambiguïté et une grande confusion dans la région. Et je ne pense pas qu’il faille accorder une quelconque crédibilité à ces déclarations.

Depuis 2012, année où le Maroc avait accueilli en grande pompe le groupe des amis de la Syrie, il semble que la diplomatie ait évolué vers une lecture plus neutre du conflit. Ne le pensez-vous pas ?

Je ne pense pas qu’il y ait eu un revirement. Il y a une situation qui, jusqu’à présent, a connu des évolutions et pratiquement tous les États, s’y sont adaptés. La position des États-Unis a, aujourd’hui, évolué. Les positions de la France et de l’Arabie saoudite aussi, donc je pense qu’il est clair qu’aujourd’hui il y a un contexte en faveur d’une solution rapide au conflit. Aujourd’hui, la Russie est incontournable dans l’équation syrienne. L’objectif n’est pas de faire perdurer la guerre mais d’y trouver une issue. La politique internationale est faite sur la base des réalités sur le terrain et des équilibres des forces en place. Elle ne se construit pas autour de principes.

Le rapprochement opéré par le Maroc vis-à-vis de la Russie ne risque-t-il pas d’irriter ses alliés du Golfe ?

Je pense qu’au sujet de la Russie, il n’y a jamais eu éloignement pour qu’il y ait rapprochement. Ce qu’il s’est passé, c’est que la Russie a décidé d’agir directement  dans le conflit syrien. Le Maroc partage des objectifs communs avec la Russie, dont la lutte contre les groupes terroristes. Certes, dans cette lecture, on le voit, il peut y avoir des agendas contradictoires pour certains. Vous me parlez du Maroc, je vous parlerai de la Turquie par exemple, et on voit le changement de position. Les Turques avaient une position beaucoup plus tranchée et se sont nettement rapprochés ces derniers temps de la Russie. Concernant les relations avec l’Arabie saoudite, jusqu’à présent il n’y a pas de changement notoire de la diplomatie marocaine pour que les Saoudiens se sentent lâchés par le Maroc. Le Maroc adopte une lecture pragmatique de la réalité syrienne. Cette position ne doit pas être considérée comme opposée aux intérêts de l’Arabie saoudite

Maintenant, ce n’est pas dans les détails qu’il faut chercher des réponses. Je pense que nous sommes beaucoup plus dans une nouvelle configuration qui, d’ailleurs, n’atteste en rien d’une fin du conflit. Nous sommes en train d’entrer dans le début d’une recherche de solution, dont l’objectif est de ramener la paix dans ce pays. Le but est de respecter la volonté du peuple syrien. Maintenant, je pense que pour le Maroc, la nécessité est de mettre fin au drame humanitaire dont est victime le peuple syrien, de ramener la paix dans ce pays et surtout de trouver une solution politique à ce conflit. Il est clair que même dans la réalité d’aujourd’hui, la solution miliaire, même si elle peut paraître aujourd’hui sur une partie du terrain favorable au régime de Bachar, elle ne signifie pas une fin proche de la crise.

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