L'industrie pharmaceutique marocaine confrontée au risque de change dans sa conquête africaine

L'industrie pharmaceutique marocaine, dans le souci d'améliorer ses performances économiques, veut se lancer à la conquête du marché africain. Mais elle se trouve confrontée à l'évolution du marché des changes.  

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« L’industrie pharmaceutique au Maroc a présenté, pour l’année 2015, une balance commerciale déficitaire de 4,7 milliards de dirhams. Autrement dit, le secteur importe plus qu’il n’exporte » lance d’entrée Khalid Nasr, le président du directoire de BMCE Capital lors du débat organisé à Casablanca le 22 décembre par BMCE Capital, conjointement avec l’AMIP, l’Association marocaine de l’industrie pharmaceutique sous le thème : « L’industrie pharmaceutique face à l’évolution du marché des changes marocain ».

Cette situation économique peu flatteuse, les professionnels du secteur pharmaceutique veulent l’améliorer. Ils affichent également une volonté de conquérir de nouveaux marché comme l’explique Khalid Nasr : « la stratégie nationale est d’aller conquérir d’autres marchés notamment en Afrique subsaharienne avec des ambitions importantes  notamment accroître  la part des exportations  de 10 à 40%  du chiffre d’affaire du secteur. »

La construction prochaine de la première usine pharmaceutique au Rwanda annoncée par le laboratoire Cooper Pharma  et d’une autre en côte d’ivoire montrent cette volonté pour les industriels pharmaceutiques marocains de se tourner vers l’ Afrique subsaharienne même si pour Aymen Cheick Lahlou, le président de  l’AMIP « l’objectif numéro un est d’exporter vers l’Afrique subsaharienne depuis le Maroc. »

L’épineux problème des risques de change

Mais, face à ces défis, l’industrie pharmaceutique marocaine se trouve confrontée aux aléas de certaines monnaies qui subissent de fortes variations et qui engendrent un risque de change. « Il n’en demeure pas moins que vous êtes exposés et verrez probablement votre marge industrielle et opérationnelle obérée (restreinte) par les fluctuations du taux de change » a prévenu le président du directoire de BMCE Capital s’adressant aux professionnels du secteur présents dans la salle.

En cause, la dépréciation de certaines monnaies africaines. « Vous n’êtes pas sans savoir que le naira au Nigeria, le shilling au Kenya, en Tanzanie et en Ouganda ont varié de 25 % » a déploré pour sa part le président de l’AMIP. A cette situation vient s’ajouter le projet imminent du Maroc de passer à un régime de taux de change plus flexible qui aura notamment pour conséquence des mouvements plus volatiles de l’euro et du dollar par rapport au dirham. « Vous ne pouvez pas faire du business si vous ne gérez pas le change » a ajouté Aymen Cheick  Lahlou.

Comment se couvrir contre les risques de change ?

« On a deux catégories de stratégie pour faire  face aux risques de change » nous assure de son côté Youssef Naguib, le directeur desk commercial de BMCE Capital. Selon le banquier, les industriels ont le choix entre la couverture à terme et la couverture optionnelle, que l’entreprise souhaite importer des matières premières ou qu’elle projette investir hors du Maroc.

Le principe de la couverture à terme est de fixer le prix aujourd’hui pour une échéance future. « Pour une entreprise qui veut acheter des matières premières régulièrement, elle peut se couvrir sur les six prochains mois en fixant d’avance le coût d’importation des produits » détaille le responsable de BMCE  Capital. Ce coût ne varie donc pas en cas de fluctuation.

Dans le cadre de la couverture optionnelle, l’entreprise fixe le prix sur une échéance de 3 ou 6 mois  mais profite d’une variation favorable des devises. « Prenons par exemple un importateur de matière première en dollar. La devise américaine est 10 dirhams aujourd’hui et l’importateur fait une couverture sur six mois. Mais si au cours des six mois, le dollar monte par exemple à 10,5 dirhams, lui continuera à importer ses matières premières à 10 dirhams le dollar. Il est donc couvert contre une hausse du dollar qui sera quand même de 50 centimes par dollar, c’est beaucoup » détaille Youssef Naguib.

Pour ce qui est des industriels qui comptent investir hors du Maroc, c’est le même principe mais avec des couvertures sur une durée plus longue (un an ou plus). « Pour les pays de l’Afrique de l’Ouest ou Centrale, le FCFA est adossé à l’euro. Une variation de l’euro est équivalente à la variation du FCFA. Il sera donc question d’une couverture euro/ dirham pour couvrir le FCFA ».

Toutefois les couvertures optionnelles pour les entreprises qui veulent investir « sont limitées à une durée inférieure à un an » précise notre source.

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