Farida Zomorod: «Les violences contre les femmes viennent des traditions, pas de la religion»

Farida Zomorod, professeure à Dar al-Hadith al-Hassania, a analysé les textes saints pour comprendre d'où viennent les violences subies par les femmes.

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Crédits : Farida Zomorod

Professeure maître-assistant à Dar al-Hadith al-Hassania, Farida Zomorod a mené une étude portant sur « la classification des concepts de la non-violence contre la femme dans le saint Coran et la sunna ». Les résultats de cette recherche, qui seront publiés très prochainement, démontrent que les formes de violence, de tutelle et de domination envers les femmes puisent leur source dans les coutumes et les traditions marocaines et non dans les textes religieux.

L’étude a également mis l’accent sur la mise en pratique de ces concepts et jugements. Il faudrait, selon elle, édicter des lois sur la violence contre la femme, le droit à l’héritage et la contrainte exercée sur les femmes et les filles mineures à se marier ainsi que la violence conjugale.

Celle qui a consacré sa thèse de doctorat à « La notion de l’interprétation dans le coran et dans le hadith » revient sur les résultats de cette étude.

Vous affirmez que la violence faite aux femmes n’a aucun rapport avec la religion. Pouvez-vous d’abord définir de quel type de violence il s’agit et en quoi c’est un phénomène important au Maroc aujourd’hui ?

Il s’agit de toute sorte de violences physiques, psychologiques, sexuelles et verbales. Mais le danger aujourd’hui, au Maroc, c’est l’augmentation des cas de violence à l’égard des femmes, et particulièrement la violence conjugale. Certains pensent que ce problème est lié à l’islam et à ses textes. C’est faux et c’est quelque chose qu’il faut corriger. C’est le résultat d’une forme d’ignorance de la religion, de ses textes et de ses concepts. Les discriminations contre les femmes viennent des traditions et non de la religion. Mais les gens ne font pas la distinction entre les deux. C’est le but de cette étude : corriger et informer. C’est aussi une façon de dénoncer ces discriminations et sensibiliser les femmes à leurs droits et à leur véritable place au sein de la religion.

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Justement, dans votre étude, vous affirmez que plusieurs concepts et dispositions tirés des textes du coran et de la sunna condamnent toute forme de violence contre les femmes. Pouvez-vous nous donner quelques exemples ?

Prenons par exemple l’interdiction de demander le divorce ou le remariage. Il s’agit là d’une sorte de violence physique et sociologique couramment vécue par les femmes au Maroc, par leurs proches ou leurs tuteurs (c’est-à-dire leur père ou leur mari). Pourtant le texte saint dit : « Quand vous aurez répudié vos femmes et qu’elles auront atteint le délai fixé, ne les empêchez pas de prendre de nouveaux époux, s’ils se sont mis d’accord en toute bienséance » (2 : 232).

Autre exemple, empêcher la femme de demander le divorce, lui offrir de l’argent pour l’obtenir, ou encore l’empêcher d’hériter. Il s’agit là d’une tradition courante dans certaines régions du Maroc. Or, ce genre de violence n’a rien avoir avec les textes religieux qui insistent, au contraire, sur le droit de la femme d’être mise en possession de son héritage. Toutes ces formes de pressions sont condamnées par le coran : « Ô les croyants ! Il ne vous est pas permis d’hériter les femmes contre leur gré, ni d’exercer une pression sur elles pour vous emparer d’une partie de ce que vous leur avez donné » (4 : 19).

Dernier exemple, la violence verbale. On trouve dans le texte saint l’interdiction de diffamer ou d’accuser une femme chaste d’adultère ou de luxure sans preuve comme le montre le verset suivant : « Ceux qui calomnient des femmes honnêtes, chastes et croyantes seront maudits en ce monde et dans l’Autre ; un châtiment terrible les attend » (24 : 23).

D’où vient, alors, cette idée que la femme est inférieure à l’homme et qu’elle est sous sa tutelle ? 

Plusieurs formes liées à la tutelle et à la domination exercée sur les femmes relèvent, en fait, des coutumes et des traditions. Cela ne concerne pas seulement les traditions marocaines mais aussi celles de toutes les sociétés arabes. Il y est communément admis que la femme ne peut pas réfléchir, ne peut pas travailler ou produire comme l’homme. En fait, la femme est considérée comme un être qui n’est pas aussi complet que l’homme, un sous-homme en quelque sorte.

Un exemple qui relève davantage de la perception : l’idée que la femme est de nature perfide. Or quand on lit le coran, on constate que le complot ou la ruse n’est pas une caractéristique purement féminine. Elle concerne les hommes également. Dans sourate Yûsuf, lorsque ses frères font un complot contre lui, on peut lire : « Ô mon fils, dit-il, ne raconte pas ta vision à tes frères car ils monteraient un complot contre toi » (12 : 5).

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