Fès: boycott de la prière du vendredi après la suspension d'un imam

La suspension d'un imam à Fès a poussé des fidèles à boycotter la prière du vendredi. Parmi les protestataires, il y a des membres du PJD.

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Mohamed Abiate. Crédit: Capture d'écran

Des dizaines de fidèles ont manifesté à l’intérieur et devant la mosquée Youssef Ibn Tachfine à Fès, vendredi 2 décembre, protestant contre la révocation par le ministère des Affaires islamiques et des Habous de l’imam Mohamed Abiate. Les manifestants ont refusé d’accomplir la prière du vendredi. Un tel boycott de la prière est inédit.

Mohamed Abiate, un alem de l’université El Karaouiyine, est très populaire à Fès. Il a été prêcheur depuis plus de dix ans dans cette mosquée. Il avait même assuré un prêche devant le roi Mohammed VI. 

Selon plusieurs sources médiatiques, il aurait été sanctionné pour sa « khotba » du vendredi 25 novembre. L’imam, par ailleurs connu pour ses positions hostiles aux festivals, a estimé cette fois que les incendies de forêt qu’à connu récemment Israël sont « une leçon pour les musulmans », rapportent des médias locaux qui ont relayé le prêche incriminé dans son intégralité.

L’imam a reproché aux fidèles de s’y intéresser « au lieu de s’attaquer aux feux de la Riba (prêt avec intérêt, ndlr), de l’alcool, de la débauche, de la corruption (…) de la gestion des biens des musulmans et de la suspension des salariés pour avoir respecté l’heure de la prière ». Et de rajouter : « il n’y a derrière ces feux que les juifs et les traîtres qui les suivent ». Telquel.ma a tenté de connaître les motivations officielles de cette sanction administrative, mais le ministre Ahmed Taoufiq est demeuré injoignable. Par ailleurs, la mesure n’a pas fait l’objet d’un communiqué pour l’heure.

Un tel prêche à toutes les chances d’être considéré comme contraire aux règles établies par le ministère de tutelle. En effet, en 2014, le roi Mohammed VI avait promulgué un dahir interdisant aux imams toute activité politique ou syndicale pendant l’exercice de leur mission, qui doit se limiter au champ religieux : l’appel à la prière, la lecture du coran et son interprétation. Les prêches doivent véhiculer les valeurs de fraternité et de tolérance et être dénués de tout contenu politique.

Des membres du PJD parmi les protestataires

L’affaire ne s’arrête pas là. La polémique a été nourrie par des militants du PJD. Jeudi 1 décembre, soit la veille des manifestations, Abdessamad Idrissi membre du secrétariat général du PJD, et député du parti islamiste, s’est attaqué dans une publication facebook au ministère des Affaires islamiques :  « J’étais toujours convaincu que la politique du ministère des Habous est basée sur le harcèlement (…) docteur Abiate n’est pas le premier et ne sera pas le dernier »  a-t-il écrit.

Abdesamad Idrissi

Le lendemain, lors des manifestations, des membres de la jeunesse du PJD et de l’organisation du renouvellement estudiantin, proche du parti de la lampe, étaient présents parmi les manifestants et ont pris les commandes du sit-in, au milieu de quelques centaines de personnes présentes pour scander des slogans contre le délégué régional du ministère .

Le mouvement Unicité et réforme (MUR), matrice idéologique du parti de la lampe, n’a pas tardé à réagir. Il a nié être l’instigateur des manifestations :  « Nous n’avons aucun lien avec ces événements regrettables » a déclaré le 2 décembre Chahid Ouazzani, responsable de la section locale du MUR à Fès. « Nous rejetons fermement au sein du MUR la suspension de la prière du vendredi, et la transformation des maisons de Dieu en un espace des protestations », a-t-il poursuivi. Cela sera-t-il suffisant pour calmer la colère des disciples de l’imam ?

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