Pourquoi le salafiste Abounaïm excommunie impunément ?

Dans une nouvelle vidéo publiée sur Facebook, le cheikh Abdelhamid Abounaïm a excommunié le chroniqueur Abdelkrim Al Qamch, qui vient s’ajouter à une longue liste des personnes ciblées par le cheikh, qui agit sans qu'il ne soit inquiété. 

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Abou Naïm appelle au meurtre d'Ahmed Assid
Abou Naïm. Crédit: Capture Youtube

« Apostat », « porc », « sale chien », « insecte ». Les invectives fusent, la posture est menaçante. Dans une énième vidéo publiée sur Facebook, le prédicateur Abounaïm a désigné un nouvel ennemi, en la personne du chroniqueur Abdelkarim El Qamch, qui a reçu des menaces de mort pour un texte jugé « insultant » envers le prophète par certains groupes salafistes. Dans un discours s’apparentant à un appel au meurtre, le prédicateur multiplie injures et menaces.

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Abounaïm n’en est pas à sa première attaque contre une personnalité publique. Sa dernière vidéo en témoigne, puisqu’en plus d’El Qamch, le militant Ahmed Assid, le premier secrétaire de l’USFP Driss Lachgar et le romancier Abdellah Laroui y sont de nouveaux traités d’apostats. Même les morts, comme Mehdi Ben Barka et Mohamed Abed El Jabri, ne trouvent pas grâce dans sa litanie haineuse. Des médias comme 2M, ainsi qu’Al Ahdath Al Maghribia ont aussi été traités d’impies.

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Une seule condamnation

Pour ses discours, Abounaim n’a été condamné qu’une seule fois et à une légère peine : un mois de prison avec sursis et 500 dirhams d’amende, lorsqu’il s’en est pris à Driss Lachgar. « Nous avons porté plainte contre lui quand il a excommunié Ahmed Assid, mais elle est restée sans suite » regrette Salah El Ouadie, président de l’association Damir qui avait dénoncé les sorties du prédicateur à travers un communiqué. « Nous avons même adressé en main propre un mémorandum sur la question au ministre de la Justice , mais la situation n’a connu, depuis, aucun changement » a-t-il ajouté.

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Qu’est-ce qui justifie cette situation ? « Il y a une instrumentalisation de cette personne pour maintenir certains équilibres. Comment sinon expliquer qu’il ne risque rien alors que toutes ses sorties tombent sous le coup de la loi ? », s’interroge Ahmed Assid. Une explication réside sans doute dans le manque de crédit qu’accordent les autorités aux élucubrations du prédicateur. « A la wilaya, on a dit à Salah El Ouadie qu’il était un déséquilibré mental » raconte Assid. Un récit confirmé par l’intéressé, qui ajoute : « C’est dit de manière officieuse mais pas officielle ». Pour Salah El Ouadie, il y a même une « exploitation politique de ses sorties, un message subliminal : regardez ce qui vous attend si vous n’acceptez pas l’islam modéré. »

Responsabilité gouvernementale

Malgré cela, Abounaim n’a jamais « été clairement désigné comme une personne instable » regrette Ahmed Assid qui estime que le gouvernement « est responsable de tout le mal qui pourrait arriver aux personnes excommuniées par Abounaim ».

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Pour sa part, Salah El Ouadie estime que la liberté dont jouit le prédicateur « [l’]encourage à persévérer dans ces actions ». L’écrivain appelle à l’adoption d’une loi criminalisant le takfir. Une idée à laquelle le PJDiste Abdelali Hamieddine n’est, a priori, pas opposé : « Je ne vois pas d’inconvénient à discuter d’une loi qui criminaliserait le takfir et d’arrêter certains égarés, que Dieu leur pardonne, qui se donnent le droit d’excommunier les gens ». Assid appelle, de son côté, à constituer un large front associatif pour « mettre les autorités face à leur responsabilité afin que cette personne ne soit plus protégée ».

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