Abdellah Tourabi. Et maintenant ?

Par Abdellah Tourabi

Etonnantes élections et étranges résultats. Avant cette nuit du 7 octobre, on savait déjà que deux grands partis, le PJD et le PAM, s’affrontaient pour décrocher la première place. Le parti islamiste était évidemment favori, en raison de son impeccable organisation, son implantation dans les villes et la popularité de son patron, Abdelilah Benkirane, tandis que le parti d’Ilyas Elomari était le challenger naturel, vu sa percée spectaculaire lors des élections locales de 2015 et grâce, surtout, au réseau de notables dont il s’est doté.

Mais personne n’imaginait la complexité de la situation politique après l’annonce officielle des résultats. Les gagnants ne sont pas satisfaits et les perdants ne sont pas désespérés. Le PJD, arrivé en tête avec un score meilleur qu’en 2011, ne parvient pas à se débarrasser de son irréductible concurrent et doit se livrer à un périlleux et difficile jeu de négociations pour former une alliance gouvernementale. Et ce ne sera pas une partie de plaisir pour Abdelilah Benkirane.

Quant au PAM, véritable “Terminator” électoral, il ne réussit pas à évincer le PJD, mais se place, à lui tout seul, comme un puissant pôle d’opposition capable de perturber l’action du prochain gouvernement. Tandis que l’Istiqlal, et malgré avoir perdu la deuxième place et une dizaine de députés, se situe en arbitre et faiseur et défaiseur d’alliances. Une position qu’il pourrait faire valoir lors des négociations pour la composition du prochain gouvernement. Cette situation, pleine de paradoxes et de contradictions, pourrait peser sur la suite des événements et la séquence politique que l’on s’apprête à entamer. L’affaiblissement de tous les autres partis, sans exception, et le siphonage de leurs voix, notamment par le PAM, participeront à la fragilisation de toute alliance gouvernementale. On risque alors d’assister, en plus intense, au même jeu de chaises musicales et de reformation des alliances auquel on a assisté au cours des cinq dernières années.

Le PJD, probable colonne vertébrale du gouvernement, devrait alors composer avec ses alliés, avaler des couleuvres, faire des concessions et vivre avec l’épée de Damoclès que représentera l’existence d’un puissant parti dans l’opposition. Les jours qui viennent seront cruciaux et difficiles pour Abdelilah Benkirane. Malgré la victoire de son parti, il ne sort ni fort ni affaibli, car le chemin de la formation d’une majorité gouvernementale s’annonce plus périlleux et plus ardu que celui des élections. Enfin, le grand et incontestable perdant de ce scrutin est le camp de gauche, qui se retrouve laminé et même anéanti par la débâcle de l’USFP et la dégringolade du PPS. Un travail de recomposition et de reformulation des idées et du discours de cette gauche devient alors plus que nécessaire. Dans le cas contraire, cette composante du paysage politique au Maroc ne sera qu’un souvenir et une réminiscence de l’histoire de notre pays.