Moi, Chef du Gouvernement : Ce que promet Abdelilah Benkirane, secrétaire général du PJD

Il occupe depuis bientôt cinq ans le fauteuil de Chef de gouvernement et ne compte pas le laisser à un autre.  Abdelilah Benkirane reste confiant pour un second mandat. 

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Abdelilah Benkirane © Yassine Toumi

« Ma femme m’a demandé si je toucherais quand même mon salaire en octobre”, s’amuse le Chef du gouvernement. Que Madame Benkirane se rassure, les quelque 70 000 dirhams d’indemnités seront bien versés à son époux. Mais l’enjeu est ailleurs: le chef du parti de la lampe rempilera-t-il pour un deuxième mandat ? Pour Benkirane, les dés sont jetés: seul le PJD est capable de remporter le match électoral du 7 octobre. Plus que jamais sûr de sa popularité, “malgré les coups bas”, l’homme fort du PJD a surpris son monde en décidant de descendre dans l’arène à Salé, son fief. Plus qu’un message, c’est un défi qu’il lance à ses adversaires: “Je n’ai pas peur des urnes”. Certains de ses ministres, comme Abdelkader Aâmara, Abdelaziz El Omari, Aziz Rabbah, Najib Boulif ou encore Lahcen Daoudi, relèveront également le défi des urnes.

Abdelilah Benkirane ne recule devant rien pour gagner. Jusqu’à faire appel à une alliance électorale avec Najib Ouazzani pour chasser sur le terrain de son ennemi juré, Ilyas El Omari. Ouazzani est secrétaire général du parti Al Ahd Addimocrati et ancien membre fondateur du PAM, aujourd’hui en froid avec le parti du tracteur. Surtout, il se présente – avec l’appui du PJD – à Al Hoceïma, fief du nouveau président de la région. Bref, la bataille, qui ne fait que commencer, s’annonce d’ores et déjà rude.

Du social, vraiment ?

A un mois du grand rendez-vous, Abdelilah Benkirane nous reçoit dans sa villa à Rabat pour nous livrer quelques indiscrétions. Inutile en revanche de lui demander les détails du programme de son parti. “Il y a une équipe qui travaille d’arrache-pied dessus. Il faut d’abord qu’il soit validé”, nous répond notre hôte. En attendant, il accepte de nous donner un avant-goût de ses intentions.

Abandon scolaire, surpopulation, budget insuffisant… ce n’est un secret pour personne, l’éducation est le parent pauvre de toutes les politiques gouvernementales. Le chef de l’Exécutif l’admet à demi-mots et promet d’y remédier. En s’attaquant d’abord à l’absentéisme des enseignants et à la surcharge des classes. “Il faut d’abord commencer par cela”, nous lance-t-il.

Mais aucun mot sur une éventuelle hausse du budget du département. “Et je vous assure que le problème que connaît le secteur n’a rien à voir avec la langue”, explique-t-il, revenant au passage sur la polémique qui l’avait opposé à son ministre de l’Éducation nationale Rachid Belmokhtar en décembre 2015. Ce dernier lui avait alors déclaré qu’il “ne recevait pas ses instructions du gouvernement”.

Des résultats, d’abord

La deuxième priorité de Abdelilah Benkirane est l’emploi : “Nous soutiendrons tout ce qui est de nature à créer des emplois, l’investissement notamment”. Pour ce faire, il espère s’entourer de profils pointus à même de relever le défi. “Peu importe l’étiquette politique, c’est le bilan qui compte”. Et aux couches sociales défavorisées, il promet – encore – des aides afin de limiter les conséquences des décompensations en série.

Dans un tout autre registre, le chef de file du parti de la lampe fait de la lutte contre les accidents de la route une nouvelle priorité. “C’est un problème qu’il faut prendre très au sérieux”, se contente-t-il de dire. Mais pour convaincre les électeurs, c’est sur le “social” qu’il entend mettre le paquet.

Décompensation, toute !

Abdelilah Benkirane est aussi, économiquement du moins, un libéral assumé. Après avoir levé les subventions destinées aux hydrocarbures, il souhaite s’attaquer aux subventions sur le sucre, le gaz butane ou encore la farine. Les économies réalisées financeraient les aides aux couches les plus “vulnérables”, à l’instar de l’aide destinée aux veuves. “J’ai même bataillé malgré de nombreuses réticences pour pouvoir instaurer la réforme de la compensation”, nous avait-il déclaré en juin dernier. Au prix de sa popularité ? “Je ne suis pas là pour être populaire, mais je n’ai pas menti aux citoyens”, répète-t-il à tout bout de champ. Dans la même veine, la réforme des retraites, votée elle aussi au forceps après plusieurs rounds de négociations avec les syndicats, prendra aussi forme pendant son prochain mandat. S’il est réélu.

Même l’éducation et la santé ne seront pas épargnées par la privatisation. “Il est temps que l’État lève la main sur les secteurs de la santé et de l’éducation”, avait-il proposé en octobre 2014. Pas de tabous de ce côté-là, ni du côté des privatisations. Même Royal Air Maroc pourrait être en partie vendue, comme l’a annoncé en avril dernier Baker Al Baker, PDG de Qatar Airways, qui compte acquérir 25 à 49 % du capital de la compagnie aérienne nationale.

“Liberticide, dites-vous ?”

Pourquoi les Marocains auraient-ils peur que le PJD menace leurs libertés individuelles”, s’interroge sur un ton – faussement – naïf le chef du parti de la lampe, avant d’affirmer : “Depuis 2012, aucun recul n’a été enregistré au niveau des libertés. Nous avons même dû intervenir dans certaines affaires, comme celle d’Inezgane, qui n’avaient d’ailleurs rien à voir avec le PJD ni de près ni de loin”. Benkirane sort de son chapeau un autre argument : “De toute façon, cela ne dépend pas de moi”. Comprenez, le roi en est le garant. Bref, sans s’ériger en chantre des libertés individuelles, il écarte toute immixtion dans les affaires privées des citoyens. Et de glisser cette anecdote : “Quand ma fille était plus jeune, elle m’a dit qu’elle souhaitait porter le voile. Je lui ai conseillé de réfléchir longuement au sujet avant de le faire, le temps que l’idée murisse d’abord dans sa tête”. On rassure comme on peut.

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