El Minzah, histoire du mythique hôtel tangérois menacé de fermeture

Il est impossible de raconter l’histoire de Tanger sans parler de l'Hôtel El Minzah, qui risque la fermeture aujourd'hui. Lieu charnière, incontournable, point de passage et de rencontre quasi obligé pour les touristes, mais aussi pour les artistes et les écrivains.

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Credit : alharamainvoyages

L’hôtel légendaire El Minzah, l’un des plus célèbres de Tanger et un symbole dans la ville du détroit, a été rétrogradé de cinq à trois étoiles, a annoncé vendredi 23 septembre le ministère du Tourisme via un communiqué. Une visite d’inspection, effectuée jeudi par une commission de contrôle, a révélé « des manquements graves », principalement « au niveau des cuisines », où « un manque sévère d’hygiène et de sécurité alimentaires » a été observé, en plus de l’état déplorable des chambres et des restaurants de cet hôtel, construit en 1928. La commission a décidé d’accorder à l’établissement un délai de quinze jours « pour se mettre en conformité avec les exigences d’hygiène et de sécurité alimentaire », faute de quoi la fermeture sera inévitable, ajoute le communiqué.

L’histoire et le cadre dans lequel se trouve cet hôtel est pourtant unique. Belles portes cloutées en bois, personnel de l’hôtel en costume ottoman, et de belles vues sur la Méditerranée et la péninsule ibérique. El Minzah, fort de ses 2 000 m², est situé au cœur de la ville de Tanger. Il a été construit dans un style hispano-mauresque par un lord anglais, avec des jardins magnifiques dotés de patios larges, de fontaines et d’arches, rappelle le magazine l’Expansion. Ses chambres avec vue sur la Méditerranée ont séduit un large nombre de touristes.

Du Caïd Maclean à Churchill

Le meilleur endroit où l’on se rend généralement pour y siroter un cocktail ou un apéritif est incontestablement le Bar Caïd dans l’hôtel El Minzah. Confortable, agrémenté de la musique de piano, l’ambiance y est splendide. La peinture sur la bar signée par l’artiste John Lavery représente le caïd Harry MacLean. Un général militaire écossais, qui s’est confondu durant vingt-cinq ans dans les rangs du Makhzen avant d’être nommé chef d’état-major de l’armée marocaine par le Sultan Hassan Ier pour former ses troupes d’élite. Par la suite, il est devenu son conseiller de confiance le plus proche. Il a adopté le costume mauresque tout en conservant son identité écossaise. Il divertissait la cour du Sultan en jouant de la cornemuse, vêtu d’un fez et d’une djellaba. McLean était à un moment emprisonné et pris en otage par le rebelle rifain Er-Raissouli.

Portrait du Caid McLean, par l'artiste James McBey.
Portrait du Caid Harry McLean, par l’artiste James McBey.

Célébrités, artistes, écrivains, réalisateurs : El Minzah fut la Mecque de Tanger

L’hôtel a accueilli des célébrités du monde entier depuis les années trente du siècle dernier, quand la ville disposait d’un statut international où les puissances coloniales française, américaine, britanniques et espagnoles rivalisaient dans les célébrations et les extravagances. De célèbres films, comme The Sheltering Sky ou Le Temps entre les coutures ont été tournés dans ses salons. El Minzah a été aussi une des inspirations pour le célèbre film Casablanca, qui a narré cette Tanger pleine d’espions et d’agents doubles, qui ont conspiré du crépuscule jusqu’à l’aube dans les salons de l’hôtel. Les chambres d’El Minzah et son célèbre bar ont vu passer Churchill, mais aussi des acteurs de renommée internationale, tels que Rita Hayworth Rock Hudson, ou encore le célèbre couturier Yves Saint-Laurent et des écrivains comme Tennessee Williams et Paul Bowles, dont il est raconté qu’il a donné ses interviews installé dans les fauteuils de ce bar, rapporte le site espagnol 20 Minutos.

El Minzah est situé en face du consulat de France, entre les souks de la médina et la ville nouvelle, et son déclin est associé au déclin de la partie inférieure de la « ville européenne », qui a également tâté un autre bâtiment de la ville mythique, le théâtre de Cervantès. Celui qui vient à Tanger à la recherche des restes de ce cosmopolitisme visite obligatoirement l’hôtel El Minzah, difficile à reconnaître dans son architecture d’antan. Ce lieu mythique réussira-t-il à regagner ses lettres de noblesse ?

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