Zakaria Boualem, Marocain à l'étranger

Par Réda Allali

Salut à vous, infatigables bâtisseurs du MarocModernesarl. Zakaria Boualem vous souhaite une santé éclatante, un moral triomphant, et aussi beaucoup d’argent parce que chez nous, on ne peut compter que sur nous-mêmes, et merci. Il espère aussi, le bougre, que vous allez vous remettre rapidement au travail, parce qu’entre le ramadan sacré, le mois huit inviolable et le mouton sacrifié, ça fait plus de trois mois que vous vous laissez un peu aller. Pendant ce temps, il paraît que les Chinois – traîtreusement – prennent de l’avance, ce n’est pas très bon pour nous. Par ailleurs, le Guercifi, fidèle à sa mission de participer à la construction d’un pays performant, démocratique, andalou, etc., vous propose cette semaine une petite liste des points d’amélioration concernant notre glorieux système. Ses ambitions étant limitées par une digestion difficile, il se contentera pour l’instant d’aborder le thème du “Marocain en voyage”, on verra la suite plus tard, quand le boulfaf sera passé. C’est parti, donc, sans plus de formalités les amis, nous sommes en retard dans nos travaux, et les Chinois sont de plus en plus déchaînés à ce qu’il paraît.

À chaque fois qu’il entre ou qu’il sort de son pays, le Marocain en voyage doit faire tamponner son passeport par un des fins limiers de notre police. Pour cela, il doit lui remettre ledit passeport, mais aussi une célèbre petite fiche blanche dûment remplie à la main. Cette fiche contient exactement les mêmes informations que le passeport, en moins bien écrit, le policier ne la regarde jamais, on ne sait pas où elle sera stockée, ni même à quoi elle sert, mais elle semble très importante, puisque les passeports deviennent biométriques, les ordinateurs de plus en plus puissants, mais qu’elle est toujours là. Une fois son passeport tamponné, le Marocain en voyage fait quelques mètres avant de se trouver face à un autre policier qui vérifie qu’il a bien tamponné son passeport. C’est étonnant. On pourrait penser que cette passion du contrôle – qui pousse donc à contrôler le contrôle – est réservée au transport aérien, zone à haut risque. Du tout. Aux frontières terrestres ou portuaires, c’est le même process : un policier contrôle le tampon d’un autre policier, les deux étant séparés par quelques mètres. La police se méfierait-elle d’elle même ? Sont-ils la proie de luttes intestines ? Pourquoi les Finlandais, les Brésiliens ou les Américains ne déploient-ils pas la même rigueur ? Le plus grand mystère règne sur ce point.

Une fois ces formalités accomplies, et après avoir présenté son passeport un nombre absurde de fois, le Marocain en voyage arrive enfin à l’étranger. Son premier réflexe est de désactiver la 4G de son téléphone. S’il venait à oublier cette étape, il pourrait bien se retrouver avec une facture télécoms qui condamne à l’esclavage deux ou trois générations de ses descendants. Il se promène donc dans un pays étranger tel un miséreux, incapable de télécharger un itinéraire ou de consulter ses mails, traquant le wifi au gré des cafés. Parfois, il croise un troupeau de Coréens qui avancent à pas vif vers leur destination, téléphone à la main et carte sous les yeux, et il se demande pourquoi leur roaming data à eux est abordable malgré les milliers de kilomètres parcourus, alors que nos données à nous traversent le détroit à prix d’or. Il n’a pas de réponse, et il se sent un peu minable, le Marocain en voyage.

Voici une petite liste rapide de petites absurdités et des vestiges d’un autre âge qui ne peuvent s’expliquer que par la propension de notre système à contraindre ses locataires, de peur qu’ils ne se sentent un peu trop à l’aise. Suite des aventures du Marocain en voyage la semaine prochaine, et merci.