Rachid Yazami: « Le Maroc ne peut que progresser en matière de soutien à la recherche »

Le chercheur Rachid Yazami s’est confié sur sa carrière et est revenu sur sa promotion au grade de chevalier de la Légion d’honneur en France. L’occasion pour lui de faire le point sur les moyens mis à disposition de la recherche.

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Rachid Yazami © Yassine Toumi

TelQuel : Vous avez été récemment élevé au rang de chevalier de la Légion d’honneur en France. Que signifie cela pour vous ?

C’est un collègue français qui, à 8h du matin à Paris, 14h a Singapour le 14 juillet, m’envoie un court message « félicitations pour la Légion d’honneur ». Je lui ai répondu aussitôt : « Comment le sais-tu, je ne suis pas au courant ».  Aussitôt, j’ai ouvert le site du journal officiel et j’y ai trouvé confirmation.

J’ai été pris par un sentiment de grande joie mêlée d’une forte émotion. Les larmes me sont vite montées aux yeux. J’ai respiré très fort, passé un ou deux coups de fil. Ensuite, des images se sont succédé dans ma tête, dont celle de mon défunt père, celle de ma mère, en imaginant sa joie quand je lui annoncerai la nouvelle et celles des décorations du prix Draper et de la fête du Trône de 2014. Tout cela est lié bien entendu.

Ensuite, je fus envahi par un sentiment de grand honneur et de joie d’être ainsi reconnu par ma deuxième patrie, la France. C’est en effet un grand privilège pour le franco-marocain que je suis d’être décoré par les deux pays. Je me suis dit : « Désormais, la boucle est bouclée, mission accomplie, merci Dieu ».

TelQuel : De manière générale, la reconnaissance envers le monde scientifique est-elle à la hauteur de ce qu’elle devrait être ?

Je ne connais pas de scientifique qui, au fond de lui-même et même s’il ne l’admet pas publiquement, ne rêve pas d’une reconnaissance de son travail. Nous, scientifiques, exerçons l’un de métiers les plus beaux au monde, mais aussi le plus dur et parfois le plus ingrat. Majoritairement, nous savons communiquer lors des événements scientifiques, mais nous sommes moins bons s’agissant du grand public. Donc la reconnaissance n’est souvent pas au rendez-vous. Je pense que le Maroc devrait se doter d’une structure de professionnels de haut niveau pour détecter les talents et les reconnaître lors d’un événement fortement médiatisé. Cela encouragerait les chercheurs à s’engager davantage. Me concernent, je me sens assez « gâté » comme ça et tout ce qui viendrait ne serait que la cerise sur le gâteau.

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Que ce soit la France, le Maroc ou Singapour où vous travaillez, avez-vous le sentiment d’être soutenu aussi bien financièrement qu’humainement ?

Sans aucun doute à Singapour. Le Maroc, partant de si bas en matière de soutien à la recherche, ne peut que progresser. Il faut vaincre ce que j’appelle « la viscosité bureaucratique » et fluidifier la soumission de projets, leur évaluation et leur financement. Si on se donne une règle comme quoi entre l’appel à projets et leur financement il ne devrait pas passer plus de six mois, ce serait un progrès incontestable. Cela nécessite la mise en place de structures en amont, de suivi et d’exécution avec un calendrier bien défini.

Comment séduire les jeunes générations de devenir chercheur ?

Il faut d’abord aller à leur rencontre, organiser des séminaires et répondre à leurs questions. La pédagogie par l’exemple marche bien en général. Mettre un rêve dans la tête d’un jeune c’est déjà le préparer à le vivre, car cela ouvre la porte à l’imagination et à la créativité.

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