Maha Haddioui, le rêve de Rio au bout des mains

La golfeuse marocaine Maha Haddioui s’apprête à participer aux Jeux Olympiques de Rio. Sa présence à ce grand rendez-vous est une occasion inédite, dit-elle. Consciente de la chance qu’elle a, elle garde néanmoins les pieds sur terre et vise toujours plus haut. Portrait.

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Crédit: Tristan Jones

 « On dit souvent qu’il suffit de jouer 18 trous de golf avec une personne pour tout savoir sur son caractère. » De peur de se retrouver très vite surclassé, nous avons préféré opter pour une interview, pour tout connaître de Maha Haddioui. À quelques jours de l’ouverture des Jeux Olympiques de Rio, la golfeuse, première femme arabe à être sélectionnée dans cette discipline, profite d’une pause entre deux entraînements pour se confier.

La championne revient sur son histoire et sur sa relation intime avec les Jeux Olympiques : « Depuis toute jeune, j’ai toujours regardé les JO à la télévision avec mon père. J’ai toujours eu la chair de poule en regardant les athlètes marocains défiler et encore plus quand ils remportaient des médailles (…) c’est un rêve d’enfant que j’ai la chance de pouvoir réaliser dans quelques jours. »

Pour cette compétitrice, l’annonce de sa sélection a sonné comme la récompense de quatre années de travail : « Me qualifier pour les Jeux Olympiques est un objectif que je me suis fixé au moment où l’annonce du retour du golf aux JO a été faite. » D’abord sans voix, elle a, au fil des jours, pris conscience de la chance qui lui tendait les bras. « Même si, étant 3e réserve, je m’y attendais un peu. » Et pour cause, la qualification pour le golf, contrairement à la plupart des autres sports, ne se fait pas suivant un classement régional ou basé sur le continent. Au golf, la qualification est basée sur le ranking mondial, cumulé sur deux années. « Je savais à peu près où j’en étais. Ce fut un grand soulagement de voir que mon travail avait payé. »

Être présente aux JO est déjà une victoire en soit, mais Maha Haddioui ne compte pas s’arrêter là. Comme tout athlète, elle a l’ambition de gagner une médaille et de « tout donner pour hisser le drapeau de [son] pays ». Il y a quelques jours, la golfeuse professionnelle s’est envolée pour l’Ecosse, lors du British Open. Une occasion de faire ses armes : « J’ai pu en retirer beaucoup d’expérience en tant que premier tournoi majeur. » Avant de s’envoler pour le Brésil et retrouver ses collègues étrangers et néanmoins concurrents, Maha s’entraîne tous les jours et peaufine sa préparation au golf de Tazegzout. « J’ai beaucoup de chance de pouvoir m’entraîner tous les jours sur un parcours similaire à celui des Jeux Olympiques. » Le parcours officiel des JO sera en effet un parcours en bord de mer.

Le Maroc en progrès

Débutant le golf à l’âge de 13 ans -ce qui est presque un peu tard dans le monde professionnel- Maha Haddioui rappelle que la beauté de sa discipline réside dans le fait qu’on puisse y jouer à n’importe quel âge. Interrogée sur la professionnalisation du golf au Maroc, la championne se montre très lucide : « le niveau du golf au Maroc n’a cessé de s’améliorer durant les quatre dernières années, notamment grâce aux efforts et au soutien de l’Association du Trophée Hassan II de Golf. » Selon elle, le travail pour créer des champions doit se faire bien avant la phase professionnelle et c’est en cela que la formation peine au Maroc. « Nous avons besoin de plus de professionnels enseignants formés et de formateurs pour encadrer ces nouveaux enseignants. » Pour cette experte, il n’y a pas de secret, les plus grandes nations golfiques sont basées sur des académies et un enseignement solide au niveau des clubs. « Organiser plus de tournois contribuerait également à créer de l’émulation entre les jeunes joueurs amateurs », argumente-t-elle.

Expliquant qu’il faut plus de temps pour « fabriquer un champion » que pour « fabriquer un parcours de golf » -en réponse au grand nombre de parcours créés au royaume, notamment pour le tourisme- Maha Haddioui ne cesse de rappeler que le nombre de golfeurs au Maroc augmente chaque année. « Statistiquement, plus la pépinière de joueurs est grande, plus on a de chance d’en avoir de très bons, comme aux États-Unis. » estime-t-elle.

Des JO atténués ?

Paradoxalement, le retour du golf aux Jeux Olympiques cette année se retrouve atténué par l’absence de certains grands noms de la discipline qui ont refusé de venir, notamment à cause du virus Zika. Une décision que regrette Maha Haddioui « Je trouve ça regrettable pour les spectateurs et pour le sport en lui même. Mais d’un autre côté, il faut laisser le temps à cet événement de rentrer dans les agendas » explique-t-elle. « Le golf a été capable de construire une énorme base de spectateurs et d’énormes tournois par lui-même. Quand le tennis a fait son retour aux JO, cinq joueurs du top 10 mondial étaient absents. Mais je pense que dans ce sens une émulation va se créer pour les prochains JO entre les golfeurs. Étant petit, n’importe quel golfeur s’imagine rentrer un putt pour gagner le British Open ou l’US Open, non pour gagner une médaille aux JO. »

La différence notable entre le refus de certains golfeurs à participer aux JO, contrairement aux golfeuses, en a interpellé plus d’un. Et pour cause, longtemps, le golf a souffert d’une image machiste : un sport réservé aux hommes. « Le nombre d’hommes qui jouent au golf est beaucoup plus important que le nombre de femmes. Le côté machiste vient peut être de là », estime la Haddioui. « Au niveau professionnel, il est vrai que ça peut être difficile d’être toujours en déplacement quand on fonde une famille, d’où le grand nombre d’athlètes qui décident de mettre fin à leur carrière. » Et de confier : « J’ai eu la chance d’avoir des parents très ouverts et qui m’ont laissé poursuivre ma passion et voyager partout dans le monde dès l’âge de 15 ans tout en poursuivant mes études. »

Au-delà du défi sportif que Maha Haddioui s’apprête à relever, cette dernière est consciente de la vitrine que représente les Jeux Olympiques pour elle, pour son sport, et pour les valeurs qu’il représente. « C’est un sport qui apprend l’humilité et la patience, le dépassement de soi et l’habilité à savoir se remettre en question.  Rien n’est jamais acquis dans ce sport où finalement, son plus gros adversaire c’est soi même », résume-t-elle. C’est la tête sur les épaules et les rêves au bout des mains que Maha Haddioui s’apprête à rejoindre le Corcovado pour, qui sait, faire la fierté des millions de Marocains et celle de ses parents.

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