Le CESE veut renforcer l'égalité hommes-femmes

Le troisième rapport de l'organe consultatif sur la parité a été présenté fin avril. En voici un avant-goût avant sa publication officielle dans quelques semaines.

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Crédit : just_a_cheeseburger / Flickr

«Une indifférence à la situation des femmes s’est installée au Maroc depuis 20 ans», se désole Fouad Benseddik, expert membre du Conseil économique, social et environnemental (CESE). Tirer la sonnette d’alarme et proposer des recommandations est l’objectif du troisième rapport sur les «dimensions sociales de l’égalité entre les femmes et les hommes», qui devrait être publié fin mai après son adoption par l’institution consultative. Pour l’expert membre du CESE, c’est la «sortie des femmes du champ de l’activité économique» qui constitue le cœur des propositions qui seront adressées au gouvernement.

Plus de 80% d’inactivité chez les femmes en ville

Chiffres du rapport «Activité, emploi et chômage 2013» du Haut-commissariat au Plan (HCP) à l’appui, l’expert du Conseil s’alarme. 17,5% est le taux d’activité des femmes de plus de 15 ans en milieu urbain. «Ce sont des chiffres connus et publics, que nous avons simplement exhumés». L’explication de ce taux anormalement bas ? La faiblesse de l’investissement productif : il y a peu d’emplois, principalement accaparés par les hommes, dans un contexte où les secteurs en développement, comme l’immobilier, ne sont pas adaptés au travail des femmes. Aussi : un environnement de travail défavorable, entre plafond de verre, harcèlement sexuel et accumulation des responsabilités professionnelles et familiales.

«Il y a un consensus négatif en faveur de l’éviction des femmes de la sphère économique et pour la “redomestication” de la femme marocaine», regrette l’expert. Un phénomène qui provoquerait également leur sortie de la sphère publique, à l’origine d’un manque de représentation et d’une «“déprotection” par rapport à la violence urbaine ou domestique, qui n’était pas concevable avant». Si Fouad Benseddik dénonce «l’installation d’une indifférence à la situation des femmes au Maroc depuis 20 ans», il déplore surtout une réponse sociale «timorée» face à une avancée importante des droits des femmes sur le plan institutionnel et normatif.

Des quotas pour encourager le travail des femmes

Au-delà des motivations égalitaires, la démarche du conseil se veut aussi pragmatique et économique. «Pour émerger, nous avons besoin de taux de croissance à 6 ou 7%. Nous ne sommes pas en capacité de les atteindre avec un si faible taux de participation des femmes à l’économie. Il faut arrêter l’hémorragie.» Parmi les 22 recommandations proposées par le CESE, la mise en place d’un quota de recrutement obligatoire des femmes «en attendant la parité» et la publication obligatoire de rapports par les entreprises de plus de 50 employés sur leurs activités pour la parité.

Plus globalement, le Conseil souhaite voir l’enclenchement d’une «décennie pour la parité» avec un objectif de 30% d’activité des femmes dans les cinq prochaines années et 50 % sur dix ans. Une dynamique qui s’appuie aussi sur des recommandations «domestiques» avec le développement d’une politique active de services sociaux – pour décharger les femmes «assistantes sociales» au sein de leurs foyers -, et sur l’amélioration des conditions de transport pour les femmes vers les lieux de travail trop excentrés. Le détail du rapport devrait être dévoilé fin mai, lors de la publication officielle.

«Un débat responsable et apaisé» autour des blocages religieux

Parmi les autres recommandations proposées, l’abrogation ou l’amendement des articles 490 et 491 du Code pénal, qui pénalisent les relations sexuelles hors mariage. «Dans le souci de protéger la morale publique, ils “ insécurisent” les victimes de viol» note l’expert du CESE. Dans l’édition du weekend du 30 avril au 1 mai, le journal Akhbar Alyoum avait rapporté des tensions concernant ce point au cours de la lecture du rapport et l’évocation d’arguments religieux. Pour Fouad Benseddik, il faut un «débat responsable et apaisé entre des gens qualifiés, qu’il s’agisse des relations sexuelles hors mariage, du partage des biens en cas de divorce ou de l’héritage.»

Et la solution pourrait se trouver dans les textes de loi. «Nous pouvons proposer des solutions civiles à ce qui peut être considéré comme des blocages théologiques.» Par exemple, pour l’héritage, les donations pourraient être envisagées. Dans le cas des relations sexuelles hors mariage, l’expert rappelle que la législation actuelle dissuade les femmes violées de porter plainte et floute le statut des mères célibataires. «Le CESE n’a pas vocation à apporter de réponse théologique à des questions théologiques», conclut-il, avant de rappeler que le «Maroc est l’un des seuls pays où il est possible de débattre de sujets qui touchent à l’éthique et aux convictions».

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