Edito. Les Panama papers et nous

Par Aicha Akalay

Mohammed VI est un homme riche et son secrétariat particulier gère sa fortune de manière avisée. Il n’est donc pas surprenant de voir son nom apparaître dans les documents des Panama papers. Cette enquête internationale sur les paradis fiscaux a été coordonnée par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), qui a eu accès aux données de Mossack Fonseca, un cabinet panaméen de services juridiques spécialisé dans la finance offshore. Chaque opération est légale, assure aujourd’hui l’avocat de Mounir Majidi, le secrétaire particulier du roi. Il est vrai qu’à ce jour, Panama papers n’apporte pas de preuve d’agissements délictueux ou irréguliers, mais seulement l’achat d’un trois-mâts et d’un luxueux hôtel particulier à Paris.

Fort de cette affirmation, on souhaite réduire à néant tout débat autour du business royal. L’argument massue est que le roi peut avoir recours à des sociétés basées dans des paradis fiscaux, pour des raisons de discrétion et d’efficacité. Une pratique tout à fait banale dans le monde des grosses fortunes internationales. Ce faisant, on fait mine d’ignorer que le roi du Maroc n’est pas n’importe quel riche homme d’affaires. Mohammed VI incarne une nation, il est l’héritier d’une dynastie, et le symbole d’une monarchie et de son exemplarité. Et ses affaires, quand elles sont entachées du moindre soupçon, rejaillissent sur le Maroc et son image.

En 2009 déjà, on découvrait  que la holding royale SNI faisait partie des investisseurs de Macau Legend, un groupe lié à des activités de jeu à Macao. L’affaire a été gérée par Hassan Bouhemou, qui avait alors concédé qu’il s’agissait “d’une faute professionnelle”. Six ans plus tard, le roi était à nouveau exposé dans l’affaire SwissLeaks, enquête sur le système d’évasion fiscale porté par HSBC Private bank. L’opinion publique apprenait alors que le roi détenait un compte de 8 millions d’euros auprès de cette banque privée. Les avocats du monarque croyaient avoir trouvé la parade: “cela relève du plus strict secret bancaire et de la vie privée de Sa Majesté le roi”, avaient-ils déclaré au quotidien français Le Monde.

Ce n’est pas parce que les placements offshore ne sont pas illégaux qu’ils sont moraux. Certes, Mohammed VI ne peut être comparé à Poutine ou à des généraux algériens. Ce serait injuste, malhonnête et faux. Les affaires du roi sont relativement bien gérées. Et il n’y a rien de franchement scandaleux dans ce qui a été révélé, comme des détournements de fonds publics ou de la corruption. Mais se défendre sur l’axe légal n’est pas suffisant. Le scandale des Panama Papers est surtout politique. Et ce n’est pas en imposant le silence que le mal sera atténué. Cette affaire ouvre un boulevard à tous ceux qui voient le royaume comme un système politique frileux, jaloux de ses privilèges et fermé au contrôle démocratique, celui des médias en l’occurrence. Le « bad buzz » était prévisible et évitable. Autant le roi que le Maroc auraient pu s’en passer.