Au Maroc, seul un livre sur dix est écrit par une femme

La plupart des livres édités au Maroc le sont en langue arabe, écrits par des hommes et font partie du genre de la connaissance. Voilà ce qui ressort d‘une enquête menée sur l’édition marocaine par la Fondation du roi Abdul-Aziz Al Saoud.

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Crédit: Lubos Houska

Le premier constat de l’enquête : alors que l’on pourrait être tentés de croire que le secteur est en crise, la publication de livres est en constante progression au Maroc, selon cette étude communiquée à Telquel.ma par la fondation du roi Abdul-Aziz Al Saoud. Au cours de la période 2014-2015, 2448 titres ont été édités. Ce chiffre peut paraître maigre à côté de pays comme la France, où, en 2014, plus de 60 000 ouvrages avaient été publiés, mais pour le Maroc, ces 2 448 titres représentent une grande avancée. Il y a 30 ans, la moyenne annuelle ne s’élevait qu’à 350 titres.

Arabisation du livre marocain

En plus d’une édition élargie, l’enquête fait le constat d’une langue arabe de plus en plus présente dans le paysage livresque marocain. Selon l’anthropologue et directeur de rédaction de l’enquête, Mohamed-Sghir Janjar,  c’est un cheminement tout à fait normal. « Depuis les années 1970, le domaine de la littérature et des sciences humaines et sociales s’est arabisé au niveau de l’éducation. Aujourd’hui, on ne fait que récolter les fruits de ce travail d’arabisation qui s’est étalé sur plusieurs décennies. Au milieu du siècle dernier, on avait autant de livres en français qu’en arabe. Maintenant, la situation est différente», nous explique-t-il.  Sur la période 2014-2015, 83% des ouvrages ont été écrits en arabe, 15,5% en français et enfin, les 2,5% restants ont été écrits en amazigh, anglais et espagnol.

La majorité des œuvres éditées au courant des années 2014 et 2015 concerne les domaines de la connaissance : plus de 8 livres sur 10 parlent du droit, de la sociologie, d’études islamiques, de l’histoire, d’études politiques ou de travaux et d’études littéraires. Seuls 24% laissent place à la fiction, puisqu’il n’y a que 589 titres qui ont été édités dans le genre littéraire.

Sur les 2 448 titres édités sur les deux dernières années, 2 116 ont été écrits par des hommes, soit près de 9 sur 10. Cela ne laisse que 13,5% des publications aux femmes « et ce malgré l’accès progressif des filles à l’enseignement universitaire », fait remarquer le rapport de la fondation. Les œuvres féminines portent d’ailleurs majoritairement sur la littérature, leur présence est presque inexistante dans le domaine de la connaissance. En ce qui concerne la nationalité des auteurs publiés, elle est logiquement dominée par le Maroc : 81% des auteurs sont marocains, 3,5% sont français et le pourcentage restant est partagé entre des auteurs de Tunisie, d’Espagne et de la Mauritanie.

Une culture du livre purement marocaine

 A côté de l’origine des auteurs, le Maroc est presque l’unique objet d’étude des livres édités. Le contenu de 74% des publications (y compris le genre littéraire) porte sur l’espace national. Rares sont les ouvrages qui s’intéressent à d’autres espaces géographiques : à titre d’exemple, 14 titres s’intéressent au Moyen-Orient et seuls 2 ouvrages portent sur les Etats-Unis. Rares sont aussi les livres de langue étrangère qui ont été traduits pour les rendre accessibles à la population marocaine. Des traductions que le rapport considère comme insuffisantes. « Ce volume reste limité au regard des besoins du pays dans les domaines scientifiques et en matière d’éducation et d’enseignement, plus particulièrement par rapport aux domaines de la connaissance dont l’enseignement a été totalement arabisé pendant les dernières décennies. »

Cette enquête est venu pour répondre aux idées reçues d’organismes internationaux qui  sous-estimaient la production éditoriale marocaine « Si le pays ne fournit pas les informations, il est vrai que les autres ne peuvent pas connaître les données exactes. C’est pour ça que la fondation a voulu vulgariser les bases de données dont elle dispose pour les rendre accessibles au public », justifie Mohamed-Sghir Janjar. Dans un futur proche, le directeur de rédaction de l’enquête souhaite étendre l’étude à la Tunisie et l’Algérie qui ne disposent pas d’un recensement de ce genre. L’idée serait donc de faire une édition Maghreb avec des données nationales à l’appui. Peut-être qu’à l’image du Maroc, d’autres clichés pourraient tomber.

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