Zakaria Boualem et les attentats déjoués

Par Réda Allali

Salut les amis, bienvenue chez Zakaria Boualem. J’espère que vous allez bien, la famille, la santé, le travail, les propriétaires de la maison.

Hamdoullah, lui ça va. Il vous a déjà parlé de sa nouvelle stratégie pour réduire ses angoisses, celle qui consiste à limiter son accès aux réseaux sociaux, à réduire sa connectivité virtuelle. Il faut qu’il vous dise que ça marche de mieux en mieux, il a l’esprit plus clair, c’est incontestable. Le bougre se méfie de plus en plus de ces nouvelles technologies. Surtout depuis qu’il a lu quelque part que les conditions d’utilisation de Facebook, celles que vous acceptez sans lire à l’ouverture d’un compte, sont un texte de 10000 mots. Vous conviendrez que la rédaction d’un tel pavé relève probablement de la volonté d’enfumer l’utilisateur. Un autre exemple lui a été proposé par un noble constructeur de téléviseurs, qui vient de présenter au public un écran à commande vocale.

A première vue, c’est une avancée formidable de se payer le luxe de grogner à son téléviseur: “Change-moi cette horreur et mets la Ligue des champions, vite”. Sauf que le constructeur a bien précisé que pour parvenir à ce prodige technologique, il fallait que votre appareil écoute toutes vos conversations. Par conséquent, cette entreprise citoyenne a demandé à ses clients de s’éloigner des postes pour évoquer les sujets sensibles. Oui, les amis, vous avez bien lu: comme l’avait prédit Orwell, c’est notre télé qui nous écoute aujourd’hui. À la lecture de cette information, le Boualem a eu très envie de récupérer une télécommande avec un fil, quelque chose de très vieux. En imaginant la masse des possibilités démoniaques offertes par une télé qui écoute vos commentaires pendant les informations, par exemple, il a été saisi de vertiges. C’est bien simple, il n’a même plus envie de parler chez lui, tout seul. Il voulait partager cette angoisse avec vous, c’est un peu le principe de cette page, c’est fait, et merci.

Et puisqu’on est lancé, il y a autre chose qui inquiète un peu notre héros:. Jugez plutôt. Le 1er décembre, on nous explique que grâce aux renseignements cruciaux fournis par notre police, les Espagnols ont pu déjouer un attentat à Barcelone, quelques semaines à peine après avoir permis à la France d’identifier le cerveau des attentats de Paris. Voilà pour l’international.

Chez nous, l’an passé, on nous a annoncé le démantèlement de cellules à peu près partout: Casablanca, Nador, Boujniba, Oued Zem, Tanger, Berkane, Laâyoune, Tétouan, Sidi Kacem, El Jadida, et même à Jorf El Melha, Saïdia, Dakhla, Oulad Saïd. On démantèle à tour de bras, dans des grandes villes, des villes moyennes et des petites villes, c’est un festival. Allez sur Google pour vous faire une idée. On nous a même expliqué qu’à Nador, ces illuminés projetaient de s’en prendre aux festivités du jour de l’an -Zakaria Boualem ignorait que de telles festivités se déroulaient dans cette austère cité. La semaine dernière, la MAP nous a expliqué qu’on avait déjoué des attentats au Morocco Mall, au Sofitel d’Essaouira, au siège de l’OCP et à la Régie des tabacs. Rien que ça! Le tout présenté avec un nombre important de détails sordides sur les funestes plans de ces criminels. La question de Zakaria Boualem est la suivante: est-ce que tout cela ne devrait pas être un peu secret? Ou au moins discret? C’est une question innocente, hein, il n’est pas spécialiste des questions sécuritaires. Il faut le comprendre, le pauvre, il n’est pas habitué à pareille transparence de la part de notre police, tout cela est nouveau pour lui. Il est possible que ce soit pour nous rassurer sur l’efficacité de nos services de renseignements. À en juger par l’extrême anxiété de notre héros, ça ne marche pas très bien. Il dort très mal, depuis cette avalanche extraordinaire de démantèlements.

Voilà, c’est fini pour cette semaine, ne commentez pas cet article à haute voix, Zakaria Boualem vous espionne peut-être.