Des "failles" dans le système d'accueil des mineurs marocains en Suède

Quelques semaines après l'annonce de coopération entre le Maroc et la Suède pour le rapatriement des enfants des rues marocains, un organisme suédois de défense de l'enfance décrypte la situation.

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Des policiers dans une gare suédoise. Crédit: News Oresund

Ces enfants et jeunes adultes des rues sont coincés dans un « vide juridique », déplore Barnrättsbyrån, un organisme suédois pour la défense des droits des enfants parrainé par l’association caritative royale Childhood. Le 19 janvier dernier, les autorités marocaines avaient accepté de coopérer avec le royaume suédois sur le rapatriement des demandeurs d’asile mineurs vivant dans le pays. Le porte parole du ministre de l’Intérieur suédois, Anders Ygeman, avait annoncé la création d’un « comité de travail destiné à accélérer l’identification des enfants ». La plupart de ces enfants et jeunes adultes auraient rejoint la Suède en 2015, aux côtés des réfugiés de Syrie, d’Afghanistan et d’Irak, précise un reporter d’Al Jazeera dépêché sur place.

Pour évoquer les difficultés rencontrées par les jeunes Marocains vivant « sous les ponts et dans les couloirs de métro des grandes villes », Barnrättsbyrån a mis en place le « projet Adel », baptisé d’après le parcours d’un jeune Marocain de 18 ans demandeur d’asile, nous explique-t-on. « Adel a demandé l’asile en Suède mais a été rebouté de toutes les instances. L’Office des migrations lui demande maintenant de fournir des pièces d’identité pour pouvoir le renvoyer au Maroc alors que la plupart de ces enfants ne sont pas enregistrés dans leur pays d’origine. Adel ne peut ni obtenir un permis de résidence et de travail en Suède, ni être renvoyé au Maroc », expliquent Elin Wernquist et Babak Behdjou de Barnrättsbyrån. Sur place, les enfants et jeunes adultes vivent dans la même confusion. Un témoignage similaire à celui d’un jeune Marocain de 18 ans, rapporté par Al Jazeera : « On m’a permis d’aller à l’école, où j’ai pu apprendre beaucoup de la langue, en peu de temps. Cela a été un vrai choc quand on m’a refusé l’asile ».

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Des conditions d’accueil « pas adaptées »

En Suède, les demandeurs d’asile mineurs ont la possibilité d’aller à l’école et de se faire soigner gratuitement. Adultes comme mineurs, les demandeurs d’asile ont droit à une allocation journalière pour « se vêtir, s’acheter des produits d’hygiène, de médecine, d’autres biens de consommation et des activités de loisirs ». Les représentants de Barnrättsbyrån complètent : « Depuis mai 2015, l’Office des migrations a décidé d’allouer le même montant d’allocation journalière aux adultes et aux mineurs non accompagnés. » 

Comment expliquer, alors, le nombre de 800 demandeurs d’asile mineurs non accompagnés d’Afrique du nord dans les rues des grandes villes, avancé par le ministère de la Justice suédois ? Pour Elin Wernquist et Babak Behdjou, ces mesures ne sont « pas adaptées » à ces mineurs. « Certains officiers de la police suédoise et des services sociaux nous racontent que ces aides n’arrivent pas à atteindre les enfants, qui s’enfuient des maisons prévues par l’Office des migrations pour aller vivre dans les rues. » Barnrättsbyrån évoque des « failles » dans le système d’accueil des mineurs demandeurs d’asile qui doivent être prises en compte « à un plus haut niveau ». Des disparitions dans la nature qui s’expliqueraient aussi par leur peur de l’expulsion puisque, le Maroc n’étant pas un pays en guerre, seulement 4% des dossiers marocains ont été acceptés, rapporte l’AFP : « La nuit, la police les surveille et le jour, les travailleurs sociaux s’occupent d’eux », commente l’envoyé spécial d’Al Jazeera.

Un statu quo qui pourrait se débloquer après l’accord de fin janvier : « La coopération avec le Maroc est importante car si ces enfants ne sont pas identifiés, ils n’auraient aucun moyen d’obtenir des pièces d’identité. » Le 17 mars prochain, Barnrättsbyrån devrait révéler un rapport sur la situation des enfants des rues dans lequel l’organisme devrait « offrir des solutions aux politiques et aux membres du gouvernement suédois sur de nouvelles mesures pour aider les enfants à avoir accès aux aides auxquelles ils ont droit ». 

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