L'Algérie débat d'une révision controversée de sa Constitution

Le Parlement algérien se réunit pour voter un projet de révision de la Constitution qui rétablit la limitation à deux du  nombre de mandats du président et interdit aux binationaux les hauts postes dans la fonction publique.

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Crédit : AFP

Ce toilettage de la Constitution a été voulu par le président Abdelaziz  Bouteflika dans le but affirmé de «consolider la démocratie» dans le contexte  du «printemps arabe» qui a peu affecté l’Algérie.

Réunies en Congrès, les deux chambres du Parlement, dominées par les  partisans de M. Bouteflika, devraient adopter sans surprise  le projet  qui sera présenté jeudi 4 février par le Premier ministre Abdelmalek Sellal. Il n’y aura  ni débat, ni nouvel amendement.

«Le Front de Libération Nationale (FLN, ancien parti unique) soutient avec  force le projet de révision de la Constitution et va voter oui » et «ne  renoncera jamais à son soutien au président Bouteflika», a annoncé le 2 février son  secrétaire général Amar Saadani.

Le texte est en revanche critiqué par l’opposition, dont certains députés  boycotteront le vote.«Cette initiative ne met pas l’Algérie au centre de ses préoccupations mais  seulement le régime politique en place dont elle est destinée à protéger les  intérêts et l’hégémonie», a dénoncé l’ancien Premier ministre Ali Beflis,  adversaire malheureux de M. Bouteflika en 2014 et qui dirige le parti  Avant-Gardes des Libertés.

Pour le Front des Forces Socialistes (FFS), « ce projet n’est qu’une  continuité du feuilleton de la violence constitutionnelle exercée contre le  peuple algérien ».

La principale disposition du texte est le rétablissement de la limitation à  deux du nombre de mandats présidentiels. Sa suppression en 2008 avait permis à  M. Bouteflika, élu en 1999 puis réélu en 2004, de pouvoir se présenter de  nouveau aux présidentielles de 2009 et 2014. En présentant le projet début janvier, le chef de cabinet de M. Bouteflika,  Ahmed Ouyahia, avait expliqué qu’en 2008 le chef de l’Etat avait répondu à un  appel du peuple lui demandait de demeurer en poste.

Mais désormais «l’alternance démocratique au pouvoir par la voie des urnes  sera (…) confortée à travers la réélection du président de la République une  seule fois», a-t-il expliqué.

En 2014, l’annonce d’une nouvelle candidature du chef de l’Etat avait donné  lieu à des manifestations, notamment à l’initiative du mouvement Barakat (« Ca  suffit »). Il avait réclamé au Conseil constitutionnel une procédure  d’empêchement de M. Bouteflika, affaibli par un AVC survenu en 2013, après sa  prestation de serment.

Controverse sur les binationaux

L’un des points les plus controversés du projet est l’interdiction faite  aux Algériens ayant une autre nationalité « l’accès aux hautes responsabilités  de l’Etat et aux fonctions politiques ».

Cette mesure soulève la colère de binationaux qui se comptent par centaines  de milliers, notamment en France où l’émigration algérienne n’est plus  seulement composée d’ouvriers mais aussi de cadres de hauts niveaux et  d’universitaire. Ils sont ainsi privés d’aspirer à l’exerice de «hautes  fonctions» dans leur pays d’origine pour présomption de liens avec des  puissances étrangères.

Une douzaine d’associations d’Algériens établis en France ont dénoncé le  projet «excluant une partie du peuple» et demandé le retrait d’une disposition  jugée «injuste» et «discriminatoire». Un appel à manifester samedi  6 février devant  l’ambassade d’Algérie à Paris a été lancé.

Le projet de révision introduit en préambule la préservation de la  « politique de paix et de réconciliation nationale » mise en oeuvre par M.  Bouteflika pour mettre fin à la « tragédie nationale », expression désignant la  guerre civile qui a fait 200.000 morts dans les années 90. Cette disposition va  empêcher d’établir la vérité sur cette sombre page de l’histoire de l’Algérie,  regrette Amnesty International.

La langue berbère promue

Les parlementaires vont par ailleurs accorder au tamazight (berbère) le  statut de langue officielle, une vieille revendication des Algériens qui le  parlent, notamment en Kabylie, dans les monts du Chenoua, dans les Aurès et  dans le Sahara.

Le tamazight avait été reconnu en avril 2002 comme deuxième « langue  nationale » à côté de l’arabe, désormais érigée en langue de l’Etat et gardant  ainsi sa prééminence.

La promotion de la langue berbère fait partie des «avancées» que contient  le projet, avec le droit octroyé à l’opposition de saisir le Conseil  constitutionnel, l’autonomie de la Justice ou le principe de l’alternance au  pouvoir, estime le politologue Rachid Krim. Mais «c’est la pratique qui nous  dira si l’armée gardera son influence sur la vie politique ou pas», nuance-t-il.

Cette révision de la Constitution intervient quelques jours après la  dissolution par le président Bouteflika du Département du Renseignement et des  Services (DRS), considéré comme un « Etat dans l’Etat ». Il est remplacé par de  nouvelles structures directement placées sous l’autorité de la Présidence, qui  s’affirme ainsi comme le centre névralgique du pouvoir.

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