Zone euro: de la tragédie grecque au psychodrame européen

La Grèce et la zone euro ont arraché un accord le lundi 13 juillet. Comment s'est joué l'avenir des Grecs? Récit.

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Je me réveille après une bonne nuit pour apprendre que le sommet continue. Toute ma sympathie aux participants »: non sans humour noir, le ministre finlandais des Finances Alexander Stubb, un faucon anti-Grecs, brocarde une nuit blanche de négociations à Bruxelles.

Quarante-cinq minutes après, au bout d’un interminable marathon jalonné de plénières, de « quadrilatérales » et d' »entractes » consacrés aux consultations, l’Europe et Athènes arrachent lundi matin un accord pour maintenir la Grèce dans la zone euro.

Le drame s’est noué à quatre: enfermés à huis clos, Angela Merkel, la chancelière allemande, François Hollande, le président français, et Donald Tusk, le président du Conseil européen, tentent de faire plier Alexis Tsipras, le Premier ministre grec. »Ils sont enfermés à quatre, on ne sait rien de ce qu’ils se disent« , raconte une source européenne. « Avec un pistolet sur la tempe, toi aussi tu serais d’accord« , lâche, désabusé et l’air épuisé, un responsable grec, en commentant au milieu de la nuit le projet d’accord qui impose à la Grèce des conditions draconiennes en échange d’une aide financière.

Depuis samedi 11 juillet, au cours d’un weekend d’une intensité rare, la zone euro s’est déchirée sur l’avenir de la Grèce, certains préférant en finir en expulsant le pays plutôt qu’en le renflouant une nouvelle fois. « Ne me prends pas pour un imbécile ! » L’invective a fusé dimanche de la bouche de l’homme de fer de la zone euro, l’Allemand Wolfgang Schäuble, adressée au patron de la BCE, Mario Draghi, dont l’institution tient à bout de bras les banques grecques et l’économie du pays.

 » A un moment donné, les choses ont été dites avec un rare degré d’intensité, de vérité » , confirme un responsable européen.  » L’attitude de Schäuble a été indescriptible » , accuse une source grecque.

 ‘Problèmes stratosphériques

Au départ, la réunion samedi de l’Eurogroupe devait être l’occasion pour les ministres des Finances de donner leur avis sur les propositions de réformes de la Grèce, mises sur la table pour obtenir un troisième plan d’aide et éviter une sortie de l’euro, le fameux « Grexit ».

Ces propositions avaient été approuvées, dans les grandes lignes, quelques heures auparavant par la Commission européenne, la BCE et le FMI, les « institutions » qui gardent un oeil sur Athènes. Mais après des mois de négociations acrimonieuses, d’annonces prenant tout le monde par surprise, dont le référendum du 5 juillet en Grèce, les faucons de la zone euro n’y croient plus, évoquant en boucle un « manque de confiance » envers leur partenaire grec.

 » Ils ont cuisiné un gâteau, on doit maintenant voir s’il est comestible « , lançait le très sceptique Slovaque Peter Kazimir, spécialiste de piques à l’encontre des Grecs. » Les problèmes sont stratosphériques « , soupirait une source proche des négociations.

Les efforts de la France, qui joue volontiers le rôle de « trait d’union » depuis deux semaines, ne suffisent pas à calmer les esprits. D’autant plus qu’en pleine réunion, un journal allemand annonce que Berlin propose une « sortie temporaire » de la zone euro, jamais envisagée aussi précisément jusque-là.

« La mauvaise foi a changé de camp » , souligne un observateur. L’information est démentie. Après neuf heures de discussions samedi, la réunion est suspendue dans une ambiance lourde. Elle reprend dimanche matin, quelques heures avant un sommet des 28 chefs d’Etat de l’Union… qui devra lui être annulé en raison de l’impasse.

Merkel snobe Tsipras 

« Nous avons trois Eurogroupes trois jours de suite, c’est inédit. Mais il pleut. Qu’avons-nous de mieux à faire un dimanche ? » ironise un diplomate, alors que va commencer la 8e réunion de ce type en un mois. « Ca va être long« , promet un autre diplomate.

Les ministres planchent et finissent par accoucher d’une liste de demandes à Athènes avec de nombreux points sur lesquels les dirigeants doivent trancher. « Maintenant aux chefs de décider« , résume un participant. Mais les divisions restent énormes entre ceux qui ne veulent « pas d’un accord à tout prix » et ceux qui refusent une sortie de la Grèce de l’union monétaire.

« La valeur la plus importante, à savoir la confiance et la fiabilité, a été perdue » avec Athènes, annonce d’emblée la chancelière allemande Angela Merkel, qui va ostensiblement snober Alexis Tsipras, en se mettant à la table des négociations.

En face, la France refuse d’entendre de parler de « Grexit », même provisoire. « Pour parler simplement en français, il y a la Grèce dans la zone euro ou plus la Grèce dans la zone euro, mais à ce moment-là c’est une Europe qui recule« , plaide François Hollande.

Neuf heures plus tard, les dirigeants européens discutent encore des gages supplémentaires à apporter par Athènes. Le texte mis sur la table est « très mauvais », jugent les Grecs, pour qui il n’est pourtant pas question d’abandonner les discussions.

De fait, lundi matin, la zone euro se réveille à 19 membres.

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