Zakaria Boualem, les Femen, Jennifer Lopez et Joseph Blatter

Par Réda Allali

Salut à vous, les amis. Zakaria Boualem devrait tenir une tribune quotidienne pour assurer le suivi de la formidable avalanche qui nous tombe sur la tête. Rappelons que la semaine dernière, notre légendaire pudeur avait été ébranlée par une série de dérapages en tout genre, qu’il est inutile de rappeler, nous sommes en famille. Mais l’empire a contre-attaqué, hamdoulillah. Des héros de la bienséance ont surgi de leur boîte pour voler au secours de notre réputation malmenée. On a donc vu de braves citoyens organiser une manifestation spectaculaire contre les Femen, un autre poursuivre en justice Jennifer Lopez, pendant que des barbus, à Tétouan, demandaient l’application de la Charia. Nous sommes sauvés. Avec de tels porte-drapeaux, notre société ne risque rien de grave. Mention spéciale à notre télévision nationale qui a balancé avec courage les nom et les photos de deux homosexuels arrêtés la semaine dernière. Un acte d’une grande noblesse, qu’il convient de saluer. La grande classe les amis !

Les ténèbres dans lesquelles nous nous enfonçons deviennent angoissantes. Mais il est une lueur de vrai bonheur, un truc qui provoque chez Zakaria Boualem de petits frissons de plaisir à chaque fois qu’il y pense, et il y pense souvent. L’invraisemblable chute de l’empire Blatter, la tbahdila du nain pompeux, voilà un vrai spectacle réjouissant. Si vous êtes un habitué de ces colonnes, vous savez à quel point notre héros avait mal pris le petit sourire en coin du parrain de la mère de toutes les mafias, au moment d’attribuer la Coupe du Monde 2010 à l’Afrique du Sud. La défaite était acceptable, mais ce petit sourire était une provocation insupportable. Il est désormais établi que l’infâme magouilleur avait truqué les votes. Oui, les amis, notre paisible contrée a été victime d’un complot, un vrai. Il est d’ailleurs curieux de constater que nous restons assez stoïques devant cette information, nous qui dénonçons à longueur de journée des complots bien moins concrets. Juste pour le principe, il faut hululer, réclamer justice, se rouler par terre en feignant la douleur comme un attaquant tunisien. Que pouvons-nous réclamer ? Pas l’organisation d’une Coupe du Monde, surtout pas. La seule perspective de revoir surgir la mythique kerrata à la mi-temps d’un Argentine/Espagne est une option que nous ne pouvons pas nous permettre d’envisager. Un pays qui a tenté d’emprisonner Jennifer Lopez devrait se montrer un peu plus discret dans ses ambitions pendant quelques années. De l’argent ? Pourquoi pas, mais il est fort peu probable que Zakaria Boualem en profite d’une quelconque manière. Non, ce qui ferait plaisir à notre héros, ce serait de voir Blatter quelques jours à Oukacha, oui. Avant de voir sa peine commuée en travaux d’intérêt général. Il pourrait par exemple être affecté à l’entretien des toilettes du Stade d’honneur pendant les derbys, une tâche passionnante. Ensuite, il faut le nommer à la tête de notre fédération, ce serait magnifique de le voir organiser notre calendrier, négocier avec nos braves présidents, gérer nos arbitres, nous choisir un sélectionneur tous les six mois. Voilà qui calmerait notre héros. Il y a presque une dizaine d’années, il voulait poursuivre la FIFA en justice, pour restituer le football aux gamins du monde entier. Il estimait alors que cet organisme l’avait pris pour un crétin à de trop nombreuses reprises. Ce n’est pas le seul organisme à se comporter ainsi, n’est-ce pas, mais les autres sont difficiles à poursuivre en justice. Victime de sa nature contemplative, il n’avait pas réussi à mener son noble projet à terme. Il avait alors fait comme d’habitude, il s’était habitué à l’arnaque, en attendant des jours meilleurs. Ils sont arrivés, les amis, l’heure de la justice a sonné. Et merci.