Que risquent nos parlementaires en cas de mauvaise conduite?

Rappel à l’ordre, avertissement ou encore ponctions sur salaire. Les textes en vigueur au parlement prévoient plusieurs sanctions pour les parlementaires récalcitrants.

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Crédit : Rachid Tniouni

La scène a un air de déjà-vu.  Le 28 avril, le chef du gouvernement, Abdelilah Benkirane intervient au parlement à l’occasion de la traditionnelle session mensuelle de questions orales. Lors de cette session,  consacrée au processus de décompensation, le chef du parti de la lampe aborde la question de l’augmentation des prix de l’électricité… et dérape :

« Quand je vous ai proposé d’augmenter les prix de l’eau et de l’électricité vous avez dit non, et vous voulez quand même que la dette publique soit réduite. Dites-moi juste ce que vous voulez et je vous suis. Ne vous opposez pas à des choses sur lesquels vous vous exprimerez par la suite dans des propos de paillards ! ».

L’intervention suscite la colère de certains membres de l’opposition qui, dans un brouhaha général, réclament des excuses au chef du gouvernement.  Ce dernier quitte l’hémicycle quelques minutes plus tard pour se rendre « chez lui ». Un épisode qui n’est pas sans rappeler la longue série d’incidents qui ont eu lieu dans l’enceinte du parlement depuis l’arrivée du gouvernement Benkirane au pouvoir. Alors que ce type d’interaction se banalise, une question se pose : que risquent nos parlementaires en cas de mauvaise conduite ?

Trois absences et une retenue

En décembre 2013, Karim Ghellab, alors président de la chambre des représentants, présentait la nouvelle mouture du règlement intérieur de la première chambre. Un texte qui prévoit notamment des sanctions en cas d’absentéisme ou de parole interrompue au sein de l’hémicycle.

En ce qui concerne l’absentéisme, le règlement se penche uniquement sur les absences lors des réunions des commissions parlementaires et des séances plénières. Ainsi, un parlementaire ayant raté une réunion de travail  se verra remettre un avertissement écrit et doit envoyer une lettre justifiant son absence au président de ladite commission. Son nom sera ensuite inscrit sur le site web du parlement au rang des parlementaires absentéistes comme l’indique l’article 98 du texte.

La même punition est appliquée en cas de deuxième absence. Au-delà de trois absences, les parlementaires concernés se verront privé d’une partie de leurs indemnités.  Cette retenue est adaptée au nombre de sessions ratées par les parlementaires. Il faut néanmoins noter que malgré cette politique de sanction, seulement 267 députés étaient présents lors du vote de la Loi de Finances 2015 soit seulement 67% des parlementaires. A ce jour aucune statistique concernant une éventuelle ponction des indemnités parlementaires n’a été présentée.

La situation est différente a la Chambre des conseillers ou chaque absence non justifiée peut être pénalisée par une ponction financière. Depuis le mois de février 2015, les Conseillers ne respectant pas les règles de la seconde chambre se voient sanctionner  à hauteur de 1 300 dirhams par session manquée.

Depuis la mise en place de cette nouvelle politique, «  entre 170 et 190 Conseillers [sont] présents lors des séances de travail » a affirmé un Conseiller au site d’information HuffPost Maroc. La même source indique d’ailleurs que, durant le mois de février, 21 Conseillers ont été privés d’une partie de leurs indemnités suite à ces sanctions.

 Gare à l’exclusion

Autre attitude sanctionnée, la prise de parole non autorisée ou tout autres types d’interruptions lors d’une session plénière ou lors d’une réunion d’une commission parlementaire. Ces manquements au règlement sont visés par les articles 117 à 121 du règlement intérieur de la première chambre.

Trois  types de sanctions peuvent punir les parlementaires récalcitrants. La plus légère  est le « rappel à l’ordre ». Vient ensuite l’ « avertissement » qui est émis lorsqu’un élu insulte ou diffame l’un de ses pairs.  Cet avertissement signifie également que le parlementaire se voit privé du quart de son indemnité mensuelle.

La plus grave sanction prévue par le règlement des Représentants est l’avertissement suivi d’une exclusion qui n’est effective que pour la durée de la séance. Une  punition qui peut valoir à un parlementaire la moitié de son indemnité mensuelle  pendant une période de deux mois. Enfin, si ces sanctions ne suffisent pas à  raisonner un parlementaire récalcitrant, le président de la chambre peut interrompre la session et réunir une « commission » chargée de décider de la sanction du parlementaire fauteur de troubles.

Depuis la mise en place du nouveau règlement aucune expulsion n’a été prononcée. Il faut néanmoins rappeler que depuis cette date, on a pu voir  le chef du principal parti d’opposition accuser, sans justifications, le chef du gouvernement collaborer avec Daech et le Mossad. Le 20 mai 2014, lorsque le ministre des Affaires générales, Mohamed El Ouafa, invite un député à aller «  se faire f….. »  la session est suspendue par le quatrième vice-président de la chambre, Abdellatif Wahbi, mais aucune sanction ne sera appliquée contre le ministre ou les parlementaires impliquées dans cette rixe.

Où est la charte de l’éthique ?

Le parlement semble donc disposer d’un arsenal dissuasif mais pourtant les rixes se multiplient. Pour quelles raisons? Contactée par telquel.ma, Milouda Hazib, représentante du PAM, affirme que « le président n’a jamais appliqué le règlement intérieur ». Un souci partagé par le roi Mohammed VI qui, durant son discours prononcé le 10 octobre 2014 a appelé à la mise en place d’une« charte éthique de l’action politique ». Un texte qui devait être applicable aux deux chambres du parlement mais qui n’a toujours pas vu le jour. On rappellera que quelques minutes après le discours royal le secrétaire général de l’Istiqlal, Hamid Chabat en est venu aux mains avec le député Driss Lebbar qui a, depuis, été exclu du PAM.

La charte a pourtant été discutée par les parlementaires mais est passée «sous silence » selon le chef du groupe parlementaire du PJD, Abdelaziz Aftati. L’explication est diffèrente pour Milouda Hazib qui affirme pour sa part,  que «  le gouvernement, la majorité et l’opposition » se sont mis d’accord sur un code éthique par « voie orale ». Un code qui avait pour but d’ « instaurer le respect entre les partis, d’éviter les injures, la violence et de d’améliorer la vision publique du champ politique ». Un accord qui, selon Milouda Hazib, a été brisé  le jour «  où le chef du gouvernement a qualifié certains parlementaires de paillard ».

 

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