Retraite et couverture sociale, «une psychose pour l’employé marocain»

Au-delà des revenus, quels sont les éléments qui impactent le plus la qualité de vie des Marocains ? C’est l’objet de l’enquête nationale du bien-être menée en 2012 par le HCP, dont les résultats ont été dévoilés le 22 avril.

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Ahmed Lahlimi Alami, le Haut-commissaire au plan.
Ahmed Lahlimi Alami, le Haut-commissaire au plan. Crédit : Yassine Toumi.

Puisque l’argent ne fait pas − entièrement − le bonheur, Ahmed Lahlimi, Haut-commissaire au plan en a tiré les conclusions logiques, mercredi 22 avril à Rabat :

Nous sommes passés des études statistiques à contenu objectif, se rapportant au PIB ainsi qu’aux revenus des Marocains, à la perception sur le vécu du citoyen marocain. Parfois le PIB a beau être élevé, il y a toujours un gap entre les investigations statistiques et le ressenti des citoyens.

Ahmed Lahlimi présentait les résultats de l’enquête nationale du bien-être réalisée en 2012 par le Haut-commissariat au plan (HCP) et qui avait pour objet de déterminer les critères à travers lesquels les Marocains perçoivent leur qualité de vie. Une étude menée afin que « les politiques publiques fassent le lien entre les décisions et leur apport concret pour le citoyen » a encore précisé le Haut-commissaire. 

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Le logement et la santé, prioritaires pour les Marocains

Et ses résultats sont peu surprenants. Le logement est en tête des préoccupations des Marocains. 60% des citoyens jugent que c’est « le premier paramètre à influer sur la qualité de leur vie ». Ce problème a été détaillé en 18 « affects négatifs » parmi lesquels l’étroitesse des logements, les odeurs et bruits provoqués par le voisinage ou encore la mésentente avec les voisins. Dans le détail, la qualité et la taille du logement ainsi que les services publics représentent arrivent en tête des préoccupations des citoyens, les nuisances du voisinage et le confort de l’habitation arrivant loin derrière. Un problème généralisé, tant dans le monde rural qu’urbain, puisque la note moyenne de satisfaction est de 4,7/10 sur tout le territoire.

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L’étude montre aussi que 22% de Marocains n’ont pas accès à l’eau potable et 5% pas d’accès à l’électricité.

La santé est au deuxième rang des priorités des Marocains : 81% d’entre eux disent avoir des problèmes d’accès à la santé, notamment à cause de l’éloignement des équipements dédiés ou encore à cause de l’impossibilité d’être accueilli dans une structure de santé. La cherté des services médicaux et des traitements figure aussi parmi les constats de l’investigation statistique menée par le HCP. 89% des sondés s’identifient à au moins 4 « affects négatifs » relatifs à la santé, ce qui fait tomber la moyenne de satisfaction nationale à 3,4/10.

Vient ensuite l’éducation, où la satisfaction des Marocains est essentiellement jaugée à travers l’accès aux équipements éducatifs. Et la moyenne de satisfaction générale ne dépasse pas les 4,3/10.

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Tensions au travail, salaire qui ne suit pas

Enfin, les relations sociales sont aussi au cœur des préoccupations des Marocains vu que le bien-être au travail ainsi que le ressenti du citoyen au sein de la cellule familiale se classent respectivement 4e et 5e. Pour le premier indicateur, les obstacles sont nombreux mais le problème essentiel reste indéniablement le revenu : comparé à la quantité de travail effectuée, les Marocains ont l’impression que le salaire ne suit pas. Aussi, ils sont nombreux à se plaindre de tensions dans le milieu du travail et s’inquiètent pour leur retraite et leur couverture sociale, qui « constituent une psychose pour l’employé marocain », selon le Haut-commissaire au plan.

« Les Marocains ont aussi l’impression que le travail accompli n’est pas en adéquation avec la formation entreprise en amont », note Ahmed Lahlimi. Pour les liens avec la famille, qui constituent « une source d’angoisse et de préoccupation qui affecte la tranquillité des Marocains », 61% des Marocains éprouvent entre 4 et 26 « affects négatifs » identifiés par l’enquête, parmi lesquels l’éloignement de la famille, un paramètre « qui n’est pas comblé par l’implication des citoyens dans la vie associative et politique, surtout que les Marocains ne sont pas nombreux à avoir un engagement politique », relève Ahmed Lahlimi.

Si l’on réunit l’ensemble des affects négatifs de tous les paramètres identifiés, leur chiffre monte à 95. En moyenne, le citoyen marocain souffre de 39,2 d’entre eux. Une moyenne qui dépend du milieu, puisque 43 affects en moyenne sont relevés en milieu rural, mais uniquement 37 en milieu urbain. Pour Lahlimi, « c’est la preuve qu’il y a toujours des fractions sociales entre la ville et la campagne ». En effet, les résultats de l’enquête montrent que « près de la moitié des personnes qui souffrent d’un nombre important d’affects négatifs sont à 40% des ouvriers et représentent 24% des effectifs dans le secteur de l’agriculture. 70% d’entre eux ont moins de 5 000 dirhams mensuel de revenu ».

Selon le recensement décennal réalisé en 2014 par le HCP, 60,3% de la population vit désormais en zone urbaine, contre 55,1% en 2004, et les grandes villes peinent à absorber cet afflux.

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  • « les Marocains ne sont pas nombreux à avoir un engagement politique »

    Quel engagement politique? Il y a 36 partis politiques, dont les 3/4 sont des partis bidons crées de toute pièce comme le RNI. On ne sait même pas qui dirige notre propre ville. Pas de page facebook, pas de site internet, rien. Les partis et les élus ne communiquent pas du tout.