Avortement: la réforme de la loi en 2015?

Rencontre nationale, débats, commission interministérielle : pour le ministre Houcine El Ouardi, la réforme de la législation sur l’avortement est en bonne voie et pourrait aboutir d’ici la fin de l’année 2015.

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Crédit : Yassine Toumi

Après des années de tergiversations, la révision des articles 449 à 504 du Code pénal, qui sanctionnent lourdement la pratique de l’avortement (sauf si la vie de la mère est en danger), serait-elle pour cette année ? C’est ce qu’a laissé entendre le ministre de la Santé interviewé ce jeudi 12 mars sur la chaîne de radio 2M. Quand la journaliste lui a demandé si « la réforme [était] pour 2015 », Houcine El Ouardi a répondu « oui oui ». Mais tout en expliquant qu’il ne peut pas s’engager, car la révision du Code pénal dépend également du ministère de la Justice.

Des propos que Houcine El Ouardi a commentés pour Telquel.ma. « Bien sûr, je ne peux pas m’engager sur une date précise : la question ne dépend pas que de moi. Le ministère de la Justice est impliqué, puisqu’il s’agit du Code pénal ». Néanmoins, le ministre estime « que la réforme est engagée, elle devrait donc voir le jour cette année ». Et de rajouter « si ça ne tenait qu’à moi, je la présenterai la semaine prochaine, il est évident que c’est une des priorités du ministère ».

Une libéralisation partielle

Les déclarations de Houcine El Ouardi font suite à la rencontre nationale sur le thème « L’avortement : Encadrement législatif et exigences de sécurité sanitaire », organisée mercredi à Rabat. Le ministre y a qualifié de « restrictive, sévère et inéquitable » la législation actuelle et a indiqué qu’elle engendrait « de nombreux avortements clandestins aux conséquences sanitaires graves », pour mieux annoncer que son ministère travaillait sur un plan d’action en trois volets pour lutter contre les avortements clandestins. En commençant par libéraliser l’avortement en cas de viol, inceste, malformation fœtale grave ou maladie mentale de la mère.

Mais parce que cette libéralisation ne permettrait pas à toutes les femmes d’avorter, le deuxième axe du plan du ministère vise à « faciliter l’accès des femmes victimes de l’avortement clandestin aux prestations de santé reproductive sans aucune crainte d’être poursuivies, et améliorer la qualité de la prise en charge des complications ». Enfin, le ministre a indiqué que le troisième axe du plan du ministère était de développer la sensibilisation, notamment à travers l’éducation sexuelle dans les écoles.

Une polémique comme point de départ

Décidément, depuis quelques semaines, le dossier de l’avortement clandestin semble avancer à grand pas. Tout a commencé en février avec la destitution du Pr Chafik Chraïbi de ses fonctions de chef de service de la maternité des Orangers de Rabat, après le tournage d’un reportage sur l’avortement diffusé sur la chaîne France 2. La polémique soulevée par la mise à l’écart du médecin et fondateur de l’Association marocaine contre l’avortement clandestin a remis le débat au premier plan.

Plusieurs partis de la majorité (PJD) ou de l’opposition (PAM, USFP) se sont déclarés en faveur d’une libéralisation partielle de l’avortement, ou du moins pour un débat sur la question. Et le 3 mars dernier, le ministre de la Santé assurait à Telquel.ma qu’une commission interministérielle constituée de membres des ministères de la Santé, de la Justice, mais aussi de représentants du Conseil des ouléma travaillait à réviser le Code pénal. Finalement, le Pr Chraïbi devrait se voir restituer son poste dans les semaines qui viennent. Il était même invité par le ministère de la Santé à participer à la rencontre-débat du 11 mars.

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  • Il y a deux visions de l’avortement :

    1) La vision progressiste, qui permet à une fille d’éviter
    d’être mère dans de trop mauvaises conditions pour elle et pour l’enfant (viol, trop grande précarité sociale…). Un avortement dont le droit à la récidive devrait être contrôlé, pour qu’une liberté acquise ne tourne pas au droit à l’irresponsabilité menant au meurtre de masse.

    2) La vision réactionnaire, celle du « mon corps m’appartient » de la femme dégradée en jouisseuse consommatrice qui, ne voulant pas voir plus loin que ses désirs individualistes conçus comme des droits (c’est mon choix), a perdu tout sens du devoir ; tout sens du lien de l’enfantement avec le sacré (donner la vie) et le collectif (perpétuer l’espèce).