Insertion professionnelle des handicapés: qu’est-ce qui bloque?

Le taux de chômage des personnes en situation de handicap est cinq fois plus élevé que la moyenne nationale. En cause, le manque de formation, la discrimination, et une législation inappliquée. 

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Les personnes en situation de handicap ont d'autant plus besoin d'un travail que leurs charges sont élevées. Crédit : Thomas Leth-Olsen/Flickr.

Les associations le martèlent, les personnes en situation de handicap ne sont pas moins productives que les autres. Et l’enjeu est de taille: accéder au marché de l’emploi est un moyen pour les personnes handicapées de retrouver leur dignité, parfois perdue, puisque cela leur permet, à l’image des personnes valides, de gagner en autonomie. L’intérêt est d’autant plus important pour elles puisque, comme nous l’explique Idir Ouguindi, membre de l’Amicale marocaine des handicapés (AMH) : « avoir un travail leur permet de répondre aux charges financières qui pèsent sur elles. Celles-ci sont plus importantes pour les personnes handicapées que valides ». Au vu de l’importance de l’enjeu, comment expliquer cette mise à l’écart des personnes en situation de handicap ?

Une discrimination dès l’école

Le principal obstacle à l’insertion des personnes en situation de handicap dans le milieu professionnel est leur accès difficile à l’éducation. Comme le fait remarquer Hinde Ait Elmoudden, de la Commission RSE et Label de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM), il y a « un décalage entre l’offre et la demande, les besoins des entreprises », étant donné que les personnes en situation de handicap sont faiblement scolarisées, et font moins d’études que les autres. D’après l’enquête nationale de 2004, le taux de scolarisation des enfants handicapés est trois fois moins élevé que la moyenne.

Pour Idir Ouguindi, cela s’explique par le manque de structures (les écoles ne sont pas systématiquement aménagées et il n’existe qu’environ 500 classes intégrées) et le manque de formation spécialisée pour les enseignants. L’AMH réclame par exemple la mise en place de modules de formation spécifiques. D’après le militant associatif, la sensibilisation doit même se faire auprès des directeurs d’école, « qui sont encore étonnés de voir des handicapés frapper à leur porte ».

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L’impératif de compétitivité mis en avant par l’entreprise

Mais même à diplômes et compétences égales, la discrimination, basée sur des préjugés, se dresse devant les portes de l’entreprise. « Il y a une crainte de la part des employeurs, qui ont peur d’un impact négatif de la personne en situation de handicap sur l’équipe. Ils pensent, à tort, qu’elle sera moins productive ». La compétitivité est un thème également  évoquée par la CGEM. Hinde Ait Elmoudden nous explique que : « l’entreprise marocaine est confrontée à des impératifs de compétitivité et de rendement. Son engagement en faveur de l’employabilité de personnes en situation de handicap ne doit pas entraver ces facteurs et ne doit pas uniquement être fondé sur des impératifs d’ordre social, mais doit tenir compte des compétences professionnelles ».

Autre entrave à l’intégration des personnes en situation de handicap, le manque de volonté. « Les personnes en situation de handicap doivent aussi faire un effort d’insertion », remarque Idir Ougoundi. Ce dernier estime également que les médias ont un rôle a jouer afin de véhiculer les réalisations des personnes en situation de handicap comme les bons résultats de nos athlètes marocains aux Jeux Paralympiques (meilleurs que ceux des JO).

Faute de quota, des initiatives isolées de certaines entreprises

Face à ces obstacles de taille, l’Etat a décidé de mettre en place une sorte de discrimination positive, en instaurant une obligation de quota de 7 % d’employés en situation d’handicap dans le secteur public. Mais cette contrainte n’est pas respectée. Récemment, la ministre de la Solidarité, Bassima Hakkaoui l’a d’ailleurs reconnu. Même des associations qualifient le fameux arrêté de 2010 de trop ambitieux et mal préparé. « Face à une problématique aussi complexe, le système de quota ne peut fonctionner. L’entreprise ne doit en aucun cas être le bouc émissaire d’un écosystème. Le système de quota doit être accompagné par un dispositif intelligent », nous explique de son côté Hinde Ait Elmoudden.

En attendant une législation peut-être plus réaliste, qui concernerait aussi le secteur privé, des entreprises volontaristes concluent des partenariats avec les associations concernées. « Nous leur demandons quels profils elles recherchent et nous leur présentons des candidats », nous raconte Idir Ougoundi, qui mentionne notamment l’exemple de la Lydec, une entreprise qui « joue le jeu ». Une fois la personne embauchée, l’AMH forme les ressources humaines et le personnel et les suit pendant une période de trois mois. En outre, l’association, qui s’est transformée récemment en Groupe AMH, contient des entreprises sociales, dont Anamil, un atelier de textile qui embauche des femmes handicapées.

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