Animaux errants: les Marocains se mobilisent

Amoureux des animaux qui s’organisent sur les réseaux sociaux, associations qui se multiplient : de nombreux Marocains se mobilisent pour les animaux errants, et contre la rage.

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Chien
Chocolat, un chien sauvé de la mort par des internautes, est proposé à l'adoption sur Internet. Crédit: DR

C’est une tendance bien installée, les animaux de compagnie ont de plus en plus la cote auprès des Marocains : en témoigne le nombre de vétérinaires exerçant dans le pays, passé de 770 en 1999 à 1 440 en 2014 (toutes catégories confondues), selon les derniers chiffres de l’Ordre national des vétérinaires (ONV). Et ces derniers sont unanimes, ils assistent à une « véritable flambée » du nombre d’animaux de compagnie, comme le confirme le Dr Najlaa Bensalmia, secrétaire générale de l’Association marocaine des vétérinaires pour animaux de compagnie (Amvac). Mais elle regrette, en parallèle, que l’« on constate une hausse des abandons. Il n’y a jamais eu autant d’animaux errants ».

La surpopulation des animaux errants pose un véritable problème de santé publique au Maroc. Il y aurait ainsi au moins deux millions de chiens errants dans le pays : craints, ils sont souvent maltraités, et en retour deviennent agressifs. Surtout, l’Office national de sécurité sanitaire (ONSSA) recense 400 cas de rage animale, et une vingtaine de personnes tuées par le virus chaque année.

Mais si le Dr Najlaa Bensalmia constate avec tristesse que nombre de propriétaires d’animaux achetés ou adoptés sur un coup de cœur n’hésitent pas à les abandonner pour les motifs les plus divers, tout en étant réticents à les stériliser, elle note cependant que le nombre d’associations, mais aussi de bénévoles qui s’occupent de soigner et faire adopter ces animaux, a lui aussi singulièrement augmenté.

Facebook en première ligne

Un phénomène observable sur les réseaux sociaux, ou à l’instar de Petfinder-Casablanca, page Facebook créée en 2012 et qui est suivie par près de 10 000 personnes, de nombreux amoureux des animaux se sont retrouvés et s’organisent pour faire adopter des « animaux abandonnés ou sauvés des rues ». On note ainsi la page Sauvez Ghandi Le Chat ou SOS Animaux de Rabat : Chats et Chiens à adopter. Loubna Raïs, l’une des deux administratrices de cette page créée en décembre 2013, explique qu’inspirée par PetFinder, elle voulait dans un premier temps « trouver des adoptants pour des animaux. Puis on s’est mis aussi à relayer les annonces d’associations et groupes Facebook, à mobiliser les internautes autour du sauvetage d’un animal blessé ou victime de maltraitance ».

Une fois un animal signalé sur un groupe, l’information est partagée et –plus ou moins rapidement- un internaute se propose de le conduire vers un vétérinaire partenaire, d’autres se cotisent pour payer les soins, et enfin d’autres se proposent pour l’accueillir temporairement, jusqu’à ce qu’il soit adopté. Une adoption plus facile si l’animal est jeune, ou de race. Les chiens de race de petite taille, en particulier, trouvent généralement très vite preneur. PetFinder-Casablanca a ainsi 677 photos de chats de race comme de gouttière, labradors ou « derbradors », à quatre ou 3 pattes, dans son album « adoptés ».

La page Facebook  SOS Animaux de Rabat: Chats et Chiens à adopter.

Vacciner, stériliser, relâcher

Mais petit à petit, ces bénévoles se tournent vers un autre type d’action : la vaccination et stérilisation d’animaux relâchés ensuite dans leur environnement (un marché, un quartier, etc.). Ainsi, PetFinder-Casablanca a commencé avec les chats des marchés de l’Oasis et du CIL à Casablanca. Le but : une fois relâchés, leur présence empêche de nouveaux chats de s’installer, leur nombre se stabilise et leur population reste en bonne santé, en prévenant notamment le développement de maladies transmissibles à l’homme, comme la rage.

Un modus operandi également appliqué par les associations de protection animale, qui se multiplient depuis la fin des années 2000. Désormais, en plus des ONG et refuges historiques comme la Société protectrice des animaux et de la nature (Spana) ou encore l’UMPA, des associations plus petites, créées par des amoureux des animaux, s’activent à travers le Maroc.

En plus des sauvetages d’animaux blessés ou maltraités, des soins gratuits aux animaux domestiques (chiens, chats, ânes, chevaux…) et des refuges, elles  organisent également, avec l’accord des autorités, des campagnes de vaccination et stérilisation à l’échelle de quartiers ou de villes, comme à Agadir, ou la jeune association Le cœur sur la patte a commencé par cibler la population féline (150 chats) du quartier Talborjt en octobre 2013, avant de faire de même avec les chiens errants de la station balnéaire Taghazout, pendant l’été 2014.

Lutter plus efficacement contre la rage

A Rabat, l’Association de défense des animaux et de la nature (Adan) a décidé de faire de même, mais à une plus grosse échelle. Ahmad Tazi, son secrétaire général, nous explique que l’Adan a repris les installations abandonnées par la Spana, « nous voulons en faire un dispensaire animalier municipal pour soigner, vacciner, stériliser les animaux. Ceux-ci sont identifiés (généralement avec une boucle d’oreille en plastique, ndlr) et relâchés ».

En l’absence de subventions, pour le moment, de l’État ou de la ville, l’association compte sur les fonds alloués par la fondation Brigitte Bardot, pour cibler 1 000 chiens et 300 chats. Une opération que l’association veut ensuite généraliser « à l’échelle nationale ». Car « c’est le seul moyen de régler le problème de la rage et de la surpopulation des animaux errants au Maroc » assure Ahmad Tazi, qui ajoute qu’ « à Rabat, comme à Casablanca, les autorités privilégient l’euthanasie, mais ça ne sert à rien. Quand on élimine les animaux d’un endroit, ils sont rapidement remplacés par d’autres ».

L’abattage inefficace

Un avis que partage l’Organisation mondiale de la santé, pour qui seules des campagnes de vaccination de masse, conjuguées à la stérilisation, peuvent efficacement lutter contre le virus de la rage.

Pourtant, les fourrières du royaume ramassent régulièrement les chiens et/ou les chats dans les rues. Entassés dans des cages, ils sont généralement, en l’absence de services vétérinaires dédiés, empoisonnés à la strychnine, ce qui occasionne une mort douloureuse. Il n’est pas rare de voir les communes se résoudre à déposer carrément du poison, dissimulé dans des appâts, au coin des rues, dans les villages ou sur les plages, ou faire appel à des chasseurs qui tirent à vue.

Mais chaque année, les abattoirs de Casablanca tuent entre 5 000 et 8 000 chiens, sans compter les campagnes ponctuelles : pourtant, le nombre de chiens errants dans la ville ne diminue pas.

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