Abdel Alaoui de la cuisine aux planches en passant par le petit écran

Né au Maroc et arrivé en France à l’âge de deux ans, le cuisinier et comédien de 35 ans n’oublie pas ses racines. Le Maroc garde une place très importante dans son cœur mais aussi dans sa marmite.

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Abdel Alaoui
Abdel Alaoui, des cuisines aux plateaux TV. Crédit : Laurent B. / Saisirlavie.com

«Vous m’avez encore caché mon grain de beauté avec du fonde de teint ! C’est pourtant mon atout charme », râle un jeune homme… Pull noir, jeans et baskets rouges aux pieds, il s’agit d’Abdel Alaoui sur la scène du So Gymnase à Paris. Sa tenue de scène est d’ailleurs la même que lorsqu’il cuisine. Étonnant pour un chef.

Une enfance en France avec des valeurs marocaines 

Abdel Alaoui a vu le jour le 1er août 1979 à Oujda, une ville du nord-est du Maroc. Il est arrivé en France en 1979, lorsque ses parents sont venus s’installer à Saint-Germain-en-Laye, à une vingtaine de kilomètres de Paris.

Très tôt, il se passionne pour la cuisine aux côtés de sa mère, qui passe le plus clair de son temps en cuisine. Pour Abdel, cuisiner « n’est pas une corvée mais un art ». Dans sa famille où ils sont cinq enfants, ils ont l’habitude « de se retrouver autour d’une seule assiette ».

Enfant, Abdel ne travaille pas beaucoup à l’école :

Vu que je ne faisais rien à l’école, mon père a voulu que je devienne peintre en bâtiment comme lui. J’ai travaillé avec lui mais j’ai très vite compris que mon truc c’était la cuisine.

Ses premiers pas dans des cuisines professionnelles

A 14 ans, Abdel quitte le collège en plein milieu de l’année scolaire pour rejoindre une école hôtelière.

Abdel aurait pu ne jamais rencontrer la gastronomie française professionnelle. En effet, il a passé sa première année d’apprentissage dans une pizzeria où son rôle se cantonnait à « couper des légumes ». Il y était « le plus rapide à la découpe de champignons », s’amuse-t-il aujourd’hui. Dans une pizzeria, nul besoin de porter une toque et des sabots de protection. Abdel va travailler en baskets, ce qui lui vaudra quelques remarques et moqueries à son changement d’employeur.

Mais heureusement, certains de ses camarades travaillaient dans des restaurants gastronomiques, le récit de leurs expériences l’a fait prendre conscience de ce qu’il ambitionnait réellement de faire. Il rejoint alors Le Manège, un restaurant gastronomique de Saint-Germain-en-Laye. Ensuite, Abdel rencontre Jacques Pactol, alors chef du Cazaudehore, un restaurant classé Relais & Château, qui l’embauche. « Ce chef, très militaire en cuisine, m’a tout appris », reconnait Abdel Alaoui à propos de Jacques Pactol dont il imite la sévérité sur scène.

Après la fin de ses études de cuisine, Abdel décide de tenter sa chance dans des cuisines parisiennes. Sur les conseils de Pactol, Abdel postule au Rue Balzac, le restaurant que Johnny Hallyday s’apprête à ouvrir à Paris. Il restera dans les cuisines de la cantine de Johnny deux ans et demi. Cette expérience semble avoir profondément marqué Abdel puisqu’il y revient longuement sur scène.

De confession musulmane, il a toujours réussi à concilier ses convictions religieuses avec son métier. « Je suis toujours tombé sur des chefs respectueux de mes croyances qui confiaient le travail du porc à d’autres personnes ». Quant à l’alcool, il est, selon Abdel, « de moins en moins utilisé en cuisine car on peut le remplacer par du vinaigre ».

Amour pour le théâtre

C’est pendant ses trajets quotidiens entre Saint-Germain-en-Laye et Paris qu’Abdel découvre le quatrième art. Il lit dans le train et décide de prendre des cours de théâtre. Il s’inscrit à l’école d’art dramatique Jean Périmony, « de vrais cours de théâtre » selon Abdel.

Au départ, je n’ai pas dit à mes parents que je faisais du théâtre car jouer du Tchekhov ça ne nous ressemble pas trop à nous, les Marocains. Je me cachais dans ma chambre pour répéter mes rôles.

Crédit : Laurent B. / Saisirlavie.com
Crédit : Laurent B. / Saisirlavie.com

Les cours Périmony sont d’une grande utilité à Abdel : « Ça m’a beaucoup servi pour le poste à responsabilité que j’occupais. J’étais second de cuisine et je ne m’imposais pas assez. Jouer des pièces comme Ruy Blas ou Le Roi Lear m’a aidé, je suis devenu plus crédible en cuisine. » C’est même ici qu’il rencontrera celle qui deviendra sa femme.

Bien des années plus tard, Abdel se lance dans le one-man show. Son spectacle « est encore en rodage » comme il aime le dire humblement. Tous ses sketchs sont inspirés de ses expériences en cuisine « mais exagérées ». Antoine Bataille, le gérant de So Gymnase, où Abdel joue One-man chaud confie qu’il a choisi de le programmer car « le thème était original et unique vu son histoire et son vécu ». Il lui a d’emblée fait confiance car le cuisinier comédien est « sérieux, travailleur et fait preuve d’un grand professionnalisme ». Karim Farès, ami et producteur d’Abdel, dit de lui qu’il est quelqu’un de « très cool, qui accepte bien la critique ».

Abdel crève le petit écran

Abdel Alaoui a toujours voulu faire de la télé : gamin, il regardait les émissions de Maïté et de Joël Robuchon en rêvant d’être à leur place. Mais ses modèles de cuisiniers télévisuels sont plutôt anglo-saxons. Il admire Jamie Oliver pour « ses tenues (jeans, baskets), son énergie, son côté écolo et son discours par rapport à la cuisine » qu’il trouve touchant. Le côté à l’aise de Gordon Ramsay l’a également inspiré pour ses prestations télé.

Repéré dans ses cours de théâtre par un agent, Abdel décide alors de se lancer dans la télévision. Sur la chaîne Discovery Real Time, avec SOS Abdel il va se rendre chez les célébrités pour cuisiner avec les ingrédients qu’il trouve sur place pendant deux ans et demi.

Plus tard, Abdel est contacté par Canal +. Il séduit l’équipe de L’édition spéciale avec un burger zéro calorie et avec le côté spectaculaire du jonglage avec des couteaux. Il rejoint l’émission quotidienne où il cuisinera en direct chaque midi de 2008 à 2011.

Il aussi participé à bon nombre d’émissions sur d’autres chaînes en France comme La petite cuisine d’Abdel sur Cuisine TV où pendant le ramadan il cuisinait des plats de leur enfance à des artistes musulmans.

Abdel a aussi beaucoup officié pour la télévision marocaine, notamment sur la chaîne Al Aoula, où il a participé pendant trois ans à La folie et le dîner avec Kamel le magicien.

France 5 a courtisé Abdel pendant plusieurs années avant qu’il n’accepte de rejoindre C à Vous. Il y cuisine pour les invités de l’émission, tels que Céline Dion à qui il a préparé son plat préféré, du couscous.

Il est fier de faire partie des premiers cuisiniers à être passés à la télé dans les années 2000, où le changement s’est opéré : « Avant c’était classique, maintenant c’est rock » dit le cuisinier. Il pense qu’il a apporté sa simplicité et son côté décalé au paysage audiovisuel français, « la détente en considérant que tout le monde peut essayer la cuisine ».

Sa cuisine et ses projets entre Maroc et France

Abdel considère sa cuisine comme un mélange entre la France et sa culture marocaine. « Il y a toujours une herbe, une épice ou une façon de faire marocaine dans mes plats ». Il la définit comme « décalée, revisitée et accessible avec des produits pas chers ».

Débordant de projets et boulimique de travail, le cuisinier boit beaucoup de café pour tenir ce rythme effréné. Livres, émissions de télé, chaîne YouTube, Abdel Alaoui a plein d’idées en tête. Mais le père de famille est aussi un entrepreneur. Après un restaurant de burgers à Saint-Germain, il envisage d’ouvrir un restaurant marocain à Paris pour l’année du Maroc en France, « avec des cuisines transparentes d’où l’on apercevrait les mamas cuisiner ».

A côté de tout ça, il aime retourner au Maroc dès qu’il en a l’occasion pour voir ses parents qui sont repartis vivre à Oujda. Il souhaiterait développer ses activités au Maroc car la cuisine marocaine est la troisième mondiale.

Abdel Alaoui fait son one-man chaud
Représentation tous les mercredis jusque fin mars à 20h
Au So Gymnase, 38 boulevard Bonne Nouvelle 75010 Paris, France.
http://www.billetreduc.com/126451/evt.htm


Laura Bruneau, étudiante en journalisme à l’UCP

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