La politique urbaine va créer plus de tensions sociales

Insécurité, zones dortoirs sans infrastructures. Le CESE dénonce les problèmes posés par l’évolution « anarchique » des villes au Maroc.

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Les villes marocaines sont de plus en plus difficiles à gérer à cause de l’évolution rapide de l’urbanisation
Les villes marocaines sont de plus en plus difficiles à gérer à cause de l’évolution rapide de l’urbanisation. Crédit : DR

Les villes marocaines sont de plus en plus difficiles à gérer à cause l’urbanisation galopante. La population des villes qui s’accroît, a de plus en plus de mal à bénéficier de son droit fondamental en matière de logement et de transport. C’est une partie du constat dressé par le Conseil économique, social et environnemental (CESE) dans son rapport annuel 2013. L’organisme s’est penché sur la question du « développement urbain inclusif et durable au service des citoyens et citoyennes ».

Le rapport remet en cause le mode actuel d’urbanisation. Le document désigne la ville de Casablanca comme la ville l’exemple même « des dysfonctionnements que connaissent la gouvernance urbaine et le modèle d’urbanisme adopté à l’échelle nationale ». Le CESE qualifie la vision de la ville blanche de « courte vue », parce que les projets résidentiels « sont dépourvus de lieux de vie dignes de ce nom ».

« Des entités urbaines dangereuses »

Le rapport pointe également la stratégie du programme « villes sans bidonvilles ». Les logements sociaux sont construits à la périphérie des villes « de façon anarchique, sans aucune centralité ni prise en compte de la dimension sociale », dénonce le document. De plus, ces constructions sont à l’origine de« l’ennui social, humain et culturel », mais ils risquent de devenir, si rien n’est entrepris, « des entités urbaines dangereuses, voire des espaces sans droit ».

L’urgence est d’autant plus manifeste que la tendance va crescendo. Ainsi, selon les données du ministère de l’Habitat, 707 conventions d’habitat social ont été paraphées par les promoteurs publics et privés et  prévoient la réalisation de 1 270 000 logements sociaux (logements à 140 000 dirhams et 250 000 dirhams) à l’horizon 2017. Ces logements sont réalisés dans leur quasi-totalité à la périphérie des villes sous forme « de zones dortoirs dépourvues d’infrastructures et de services de base, favorisant ainsi l’exclusion et l’absence de mixité sociale », explique encore le document. Le risque est accentué par le taux de chômage élevé dans cette population modeste, notamment au niveau des jeunes.

Ce phénomène d’étalement urbain classique a été accentué ces dix dernières années par l’émergence de grands projets d’habitat social « qui risquent de constituer, dans les années à venir, des foyers grandissants d’insécurité et de tensions sociales ». Le rapport pointe notamment du doigt les projets Errahma et Lahraouiyne à Casablanca, destinés à accueillir les ménages issus des bidonvilles de diverses communes du grand Casablanca.

L’échec des villes nouvelles

Le rapport se penche particulièrement sur les villes nouvelles, construites autour des principales agglomérations urbaines. Selon le CESE, l’objectif de cette politique est « d’organiser la croissance urbaine et limiter l’étalement urbain des grandes agglomérations ». Il était également question de répondre aux besoins des populations en matière d’habitat et d’emploi.

Le Maroc a construit quatre villes nouvelles sur plus de 5 000 hectares pour abriter une population estimée à 1 150 000 habitants. Pour leur parachèvement, ces villes ont mobilisé une somme de plus de 13 milliards de dirhams. Cependant, les résultats se sont avérés en deçà des attentes.  Et pour cause, il y a une absence de cadre législatif et institutionnel. Cela a conduit à « la généralisation des pratiques de la dérogation en urbanisme » à partir de 2003. Résultat, les villes nouvelles ont « contribué à accélérer les extensions urbaines » alors qu’elles étaient sensées les limiter.

Les promoteurs privés en réalisant leurs projets aux abords de ces nouvelles entités urbaines « détournent une partie de la demande de logement social destinée à la ville nouvelle et accentuent l’étalement urbain », estime le rapport .

Le déficit en matière de logements est estimé à plus d’un million d’unités de logements au niveau urbain, selon le CESE. Ce qui représente le tiers du parc de logement actuel. Ce déficit est à l’origine des bidonvilles et de l’habitat sous équipé ou insalubre. Il s’explique par « le déséquilibre permanent entre l’offre et la demande de logements abordables pour les ménages à faible revenu ». Aussi, plus de 30% des constructions réalisées annuellement au niveau urbain se font-elles, sur des terrains agricoles périphériques « en dehors de toute planification », souligne le document.

Pour pallier ces risques et réfléchir d’ores et déjà à des solutions, le CESE appelle à des débats publics sur le thème « quelle ville voulons-nous ? », dans lesquels les pouvoirs publics, mais aussi les citoyens devaient être associés.

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