Les Editions du Patrimoine - Frontispice : une seconde vie aux livres anciens

Offrir une seconde vie à des livres anciens, parfois disparus, telle est la vocation des Editions du Patrimoine - Frontispice. Fruits d’une quête de plusieurs années aux quatre coins du monde, ces ouvrages réédités nous aident à mieux connaître notre histoire.

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Gérard Falandry, le fondateur des Editions du Patrimoine. Photo : Yassine Toumi

Tout un pan de l’histoire du Maroc est écrit là, entre les lignes de ces livres rares qui peuplent la bibliothèque des Editions du Patrimoine. De cette vaste pièce aux murs tapissés d’étagères, située au rez-de-chaussée d’une spacieuse villa d’un quartier huppé de Casablanca, émane une atmosphère propice au recueillement. Silencieux témoins du passé, certains volumes habillés de rouge sont de véritables orfèvreries et sont reliés avec noblesse dans la tradition d’autrefois. « Nous sommes des défricheurs. Nous sommes allés jusqu’aux origines du livre pour trouver ceux qui ont trait au Maroc. La plupart des ouvrages que nous avons réédités sont aujourd’hui très difficiles à se procurer, ils sont rares et chers. Les mettre à disposition dans les librairies est le souci majeur des animateurs de cette société », souligne Gérard Falandry, fondateur des Editions du Patrimoine.

Un travail d’archiviste

Le projet de rééditer des livres anciens a germé au début des années 1990. « Nous voulions que les gens puissent redécouvrir leur histoire », résume Gérard Falandry. D’abord baptisée Frontispice, la maison créée en 2001 devient les Editions du Patrimoine en 2013. « Ce nouveau nom est plus adapté à notre démarche au centre de la préservation et de la documentation historique », commente l’éditeur, qui attrape avec enthousiasme un grand livre intitulé Etude sur la grammaire berbère, Dictionnaire du XVIIIe siècle. L’ouvrage, qui liste en langue arabe, berbère, phonétique et française une multitude de mots, a été écrit par Venture de Paradis, interprète de  Napoléon Ier. « Aujourd’hui, il est question de régionalisation, on a notamment besoin de retrouver les critères et la toponymie des populations anciennes », glisse Gérard Falandry.

Constitution de fonds encyclopédique, recherche sur les écrits anciens liés au Maroc, collecte astronomique d’études sur les tatouages, les tapis, les bijoux, la grammaire berbère, les proverbes des vieilles femmes de Casablanca, le droit, l’économie, les villes, les tribus, les zaouïas… l’éditeur a accompli un travail titanesque. Issus de ces archives, une centaine d’ouvrages, dont les éditions originales sont antérieures à 1950, ont ainsi pu connaître une seconde vie dans les librairies marocaines. La fierté de Gérard Falandry, c’est aussi cette Bibliographie du Maroc, qu’il a lui-même patiemment compilée pendant plus d’une dizaine d’années et qui réunit 5830 notices de livres en français consacrés au royaume, depuis les débuts de l’imprimerie jusqu’aux années 1950. Car la maison d’édition publie également ses propres livres.

« Nous cultivons la rareté »

De lui-même, Gérard Falandry parle peu. Nous saurons seulement qu’il est né à Oualidia et a grandi à Casablanca. Très discret sur sa vie passée, il préfère évoquer sa passion pour les livres anciens. Une passion qui l’a mené dans plus de vingt-cinq pays : pendant plusieurs années, il n’a eu de cesse de sillonner l’Europe occidentale, le Canada et les Etats-Unis en quête d’ouvrages pour les exhumer de l’oubli. « Lorsque nous prenons le soin d’aller chercher des livres aux fins fonds du monde et que nous les rééditons, nous avons atteint notre objectif. Le défi réside dans ce qui subsiste au niveau des survivances et des témoignages, car je dois rééditer ces ouvrages avant qu’ils ne disparaissent », explique Gérard Falandry. Cet érudit du livre pousse le culte de la mémoire jusqu’à reproduire à l’exacte identique la reliure, le papier et la typographie des livres qu’il réédite. A admirer la qualité d’impression de ces facs-similés qui portent à la fois l’odeur du neuf et la patine du temps, on ne peut s’empêcher de penser à l’énorme investissement financier que suppose une telle prouesse. La question semble déplacée pour l’homme dont on comprend qu’il préfère les lettres aux chiffres : « Nous cultivons la rareté », répond-il, consentant tout juste à préciser : « Un livre peut valoir entre 200 et 2000 dirhams et le tirage reste très limité, 200 à 300 exemplaires ».

Savoir-faire et rareté sont les maîtres-mots de cette maison d’édition qui travaille actuellement à l’édition de douze livres et à la réédition d’une trentaine d’autres. En témoignent des ouvrages encore à l’étude, ouverts et éparpillés sur la grande table qui trône au centre de la bibliothèque. Du haut de leurs étagères, plusieurs siècles de livres les contemplent, attendant de connaître à leur tour une cure de jouvence.  

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