Projet Noor, une 
rentabilité à prouver

Selon une récente étude de la Banque Mondiale, la 2ème phase du projet Noor engendrera un déficit financier net de 425 millions de dollars. Retour sur un projet dont les retombées ne sont pas à chercher du côté de la rentabilité.

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Photo : DR

Les détails de financement de la deuxième phase du complexe solaire d’Ouarzazate se précisent. Piloté par l’agence marocaine de l’énergie solaire Masen, le plan solaire vise la mise en place, entre 2015 et 2019, d’une capacité de production électrique à partir d’énergie solaire de 2 GW, pour un coût total estimé à 6,2 milliards d’euros. Alors que le coût de la première phase du projet, Noor I, est estimé à 800 millions d’euros, le coût de la deuxième phase du complexe solaire, qui sera doté d’une puissance totale de 300 MW, est évalué à 1,8 milliard d’euros. Soit 20,3 milliards de dirhams. Comment le Maroc financera-t-il cette enveloppe colossale ? Contactés pour fournir une réponse à cette question, les responsables de Masen ont préféré garder le silence. L’on sait d’emblée qu’à l’image de la première phase, de très importants  partenaires financiers seront appelés à contribution. Masen, qui prend en charge 20% de l’investissement, soit 360 millions d’euros, a fait le choix de recourir aux mêmes bailleurs de fonds  internationaux que pour la première phase.

On prend les mêmes et on recommence 

Ainsi, on retrouve en lice pour le financement de cette deuxième phase, la Banque européenne d’investissement (BEI) et l’Allemand KFW, avec des apports respectifs de 350 et 654 millions d’euros. Ces deux institutions, qui se partageront la tête du peloton des bailleurs européens, solliciteront une subvention de la Commission européenne (CE) au titre de la Facilité d’investissement pour le voisinage (FIV) dont le comité a donné un accord provisoire à cette demande fin 2013. Par ailleurs, la commission européenne intervient directement dans le financement de la tranche 2 à hauteur 480 millions de dollars. La Banque africaine de développement et la Banque Mondiale ont également manifesté leur intérêt pour le projet. S’ajoute à cette liste le fonds Clean Technology Fund (CTF), doté par différents États et géré par la Banque Mondiale pour le dossier du solaire. Ce fonds a déjà marqué un accord de principe qui porte sur un investissement de 218 millions de dollars. La Banque internationale pour la reconstruction et le développement financerait le projet, quant à elle, à hauteur de 350 millions de dollars. Seule l’Agence française de développement (AFD) a préféré participer au financement par le biais d’un prêt limité à 50 millions d’euros. Et pour cause, l’agence française met en avant «les contraintes liées au respect du ratio grands risques ». Ceci étant, le financement de l’AFD lui permettrait tout de même d’être partie prenante dans les positions européennes tout au long du processus d’instruction du projet.

Un fardeau financier de 425 millions de dollars

Une telle mobilisation pour un projet financé à coups de milliards attiserait la convoitise des avides de rentabilité. Pourtant, selon l’analyse de la  Banque Mondiale, ce projet, d’un point de vue purement financier, serait loin d’être rentable. En effet, le déficit financier brut de la deuxième phase du projet Noor a été estimé à 890 millions de dollars. «Toutefois, la charge financière nette que doit couvrir le gouvernement marocain, issue du déficit de revenus, devrait être moins importante que l’estimation initiale », ajoute la Banque Mondiale. Noor II et III devraient générer des liquidités pour l’État et Masen, à travers différentes sources, qui compenseraient en partie l’écart négatif réalisé sur les revenus du projet. Les sociétés de projets qui sont chargées du développement de la centrale sont tenues de payer l’IS et la taxe sur la valeur ajoutée sur certains produits et services. Ces taxes devraient générer un flux de trésorerie annuel pour l’État de l’ordre de 242 millions de dollars. La prise de participation de Masen dans ces sociétés de projets devrait ainsi être financée par des subventions de la FIV, et doivent produire un rendement de 162 millions de dollars sur 25 ans. Masen s’est engagée à utiliser ce retour sur investissement pour couvrir une partie de son déficit de revenu, réduisant ainsi le fardeau financier que l’État doit supporter. Tout compte fait, le déficit financier net que l’Etat devra assumer est estimé à 425 millions de dollars. Une lourde ardoise que le gouvernement marocain, via Masen, peut réduire davantage en ayant recours à certains leviers. L’Agence française de développement recommande, entre autres, de mettre en compétition les opérateurs et les technologies pour réduire le surcoût engendré par la production d’énergie solaire. Le recours à des prêts concessionnels pour les investissements et à de l’aide budgétaire est également recommandé afin d’atténuer le différentiel de prix. Enfin, l’AFD préconise l’exportation d’une partie de la production afin de bénéficier de prix d’achat européens. Mais il ne faut pas se leurrer, cette dernière proposition est loin d’être une priorité car l’électricité produite par le complexe solaire sera destinée en premier lieu à la satisfaction des besoins nationaux. Ce n’est qu’une fois ces besoins satisfaits que le Maroc pourra se tourner vers l’exportation en l’Europe à travers l’interconnexion Maroc-Espagne.

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