Bruno Nassim Aboudrar: «Le voile est d’abord chrétien»

Smyet bak ?

Mohamed

Smyet mok ?

Jeanne

Nimirou d’la carte ?

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Vous semblez avoir un pedigree assez particulier. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Ma mère est française, mais mes grands-parents sont nés aux confins de la Hongrie et de la Roumanie, mon père était marocain, je suis né en France.

Bon, alors, vous êtes hongrois, français ou marocain ?

Si je pouvais, je choisirais de ne pas choisir, le moins possible en tout cas. Mais il y a une réalité simple et qui s’impose à moi : je ne parle que le français.

Après votre premier roman Ici-bas (Gallimard, 2009), vous récidivez avec un essai intitulé Comment le voile est devenu musulman (Flammarion, 2014). Y a-t-il chez vous un désir de retour à vos origines marocaines ?

Ici-bas évoque vraiment le Maroc. Et quand je l’ai écrit, je n’y étais pas retourné depuis mon adolescence. Depuis, je saisis toutes les occasions pour voyager au Maroc, pays que je connais très mal et où je me sens très bien. Sans doute mon essai sur le voile a-t-il aussi des motivations intimes. Mais cette fois, elles empruntent les voies de la recherche universitaire.

Alors comme ça, vous pensez que le voile n’est pas musulman ?

Il est chrétien avant d’être musulman : Saint-Paul l’exige des femmes et plusieurs Pères de l’Église voient en lui le symbole de la soumission naturelle de la femme. Rien de cela dans le Coran qui ne le recommande qu’une seule fois, comme une simple mesure pragmatique de protection pour les musulmanes. En revanche, ce qui est musulman c’est une certaine méfiance à l’égard de ce qui est (trop) visible : les images et les exhibitions en tout genre. Or, en Europe et même en Afrique du Nord, les femmes qui adoptent le voile à la mode saoudienne ou émiratie exhibent leur dissimulation et font d’elles-mêmes une image. Mais peut-être le refus européen, et notamment français, de concéder à la deuxième religion du pays la moindre visibilité ne leur laisse-t-il pas d’autre alternative que d’afficher elles-mêmes leur conviction dans l’espace public.

Dans une France qu’on dit marquée par une montée de l’islamophobie, n’avez-vous pas l’impression de prêcher dans le désert ?

L’islamophobie est une surdité qui atteint l’intelligence. Devant un auditoire de sourds, on ne peut que prêcher dans le désert. En revanche, à l’heure où je vous réponds, mon livre à reçu un très bon accueil de la part de la presse et des médias généralistes, mais les milieux qui, d’habitude, s’intéressent au voile, les militants laïcs, religieux, féministes, etc., n’ont pas (encore) réagi. Il est vrai que je sors la question des problématiques sociales dans lesquelles elle est généralement cantonnée.

Comment votre livre a-t-il été reçu au Maroc ?

Dès sa sortie il a eu de formidables recensions dans La Vie Eco, et j’ai été invité à en parler à Rabat. Mais il me semble que le problème ici n’est ni l’enthousiasme ni la curiosité des lecteurs, mais bien le prix des livres et les carences de leur distribution.

Antécédents

1964 : Naissance à Paris

1984 : Intègre l’École normale supérieure

2001 : Enseigne à l’Université Paris 3 Sorbonne Nouvelle

2009 : Publie son premier roman, Ici-bas (Gallimard)

2014 : Publie Comment le voile est devenu musulman (Flammarion)[/encadre]

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