Le retour d'Al Adl Wal Ihsane en trois questions

Al Adl Wal Ihssane revient aux devants de la scène après avoir disparu un temps des radars. 

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Mohamed Abbadi, secrétaire général de Al Adl wal Ihssane. Crédit : Rachid Tniouni

Opération de com’ réussie pour Al Adl Wal Ihssane. La jamaâ du défunt Cheikh Yassine refait les gros titres, une année et demie après la mort de son guide. Dimanche 6 juillet, les adlistes ont manifesté devant un tribunal à Fès pour alerter sur le cas d’un de leurs détenus. Le rassemblement a été certes dispersé par les forces de l’ordre, mais les membres de l’association islamiste ont bénéficié d’une importante couverture médiatique.

Quelques jours plus tôt, jeudi 3 juillet, Fathallah Arsalane, le porte-parole de la jamaâ, a convié la presse pour livrer la position d’Al Adl Wal Ihssane sur nombre de grandes questions, notamment le rapport avec les « frères » du PJD, la contestation du 20-Février et le serpent de mer que constitue la création d’un parti. Al Adl y a appelé à un « débat national sans ligne rouge ». TelQuel revient sur les trois grandes questions que pose ce retour aux devants de la scène de l’association interdite, mais « tolérée par les autorités ».

  • Al Adl Wa Al Ihsane renoue-t-elle avec les manifestations ?

Depuis son retrait des manifestations du 20-Février et l’arrivée du PJD au pouvoir, les adlistes se sont montrés plus discrets. Fathallah Arsalane est revenu sur ce point, réitérant une position connue de la jamaâ : « continuer à protester au sein du 20-Février, c’était aller droit vers l’affrontement ». Une explication qui reste courte, dans la mesure ou les adlistes ont continué à faire profil bas, ne sortant manifester qu’à de rares occasions. Un constat que ne partage pas le membre du cercle politique Omar Iherchane. Selon ce dernier, « la jamaâ a toujours été active et (le) mouvement manifeste en fonction des événements politiques». Pour étayer son raisonnement, Iherchane s’est appuyé sur la dernière sortie d’Al Adl Wal Ihsane, dimanche 6 juillet, pour manifester en faveur d’un détenu adliste à Fès qui avait affirmé « être victime de torture et de traitement humiliant et dégradant ».

  • La jamaâ pourra-t-elle se transformer en parti ?

Fidèle à sa position, Al Adl Wa Al Ihsane ne voit aucun inconvénient à se transformer en parti politique. En revanche, la jamaâ pose ses conditions. « La création d’un parti doit être faite en fonction de la loi et non selon un consensus ou du chantage », nous explique Iherchane. « Tant que cela n’est pas respecté, nous n’allons pas fonder de parti politique », prévient-il. Comprendre : a contrario du PJD, Al Adl n’est pas prêt d’entrer dans le jeu politique sans avoir la garantie de l’exercice total et effectif du pouvoir.  D’ailleurs, la jamaâ réclame, ni plus ni moins, une nouvelle constitution.

Pour le politologue Abdelhakim Aboulouze, « les conditions que posent les adlistes pour la création d’un parti sont inconcevables. Ils veulent une nouvelle constitution et remettent en cause le système monarchique et le référentiel islamique du royaume. L’État ne l’acceptera jamais». Aboulouze ne croit qu’à moitié au discours des adlistes, qui affirment haut et fort vouloir participer au jeu politique. « La jamâa emploie un vocabulaire diplomatique pour ne pas montrer son vrai visage. Au fond, ils veulent instaurer un califat islamique et l’État comprend ce jeu ».

Al Adl Wal Ihssane n’en est pas à sa première déclaration du genre. En 1981, ses militants déposent une demande d’autorisation pour la création d’une association à caractère politique. La tentative est classée sans suite par le ministère de l’Intérieur, qui estime que le mouvement mêle le politique au religieux. En 1998, ils passent à la vitesse supérieure et sollicitent la création d’un parti politique. Une requête qui est restée, encore une fois, sans lendemain. Depuis, la jamaâ ne cesse de dire qu’elle ne s’oppose pas à l’idée de participer au jeu politique, et renvoie la balle au Makhzen, coupable selon elle de vouloir domestiquer les formations et de ne leur laisser aucune véritable marge de manœuvre. Tout porte à croire que cette sortie est à classer dans ce registre, et que la perspective d’un parti adliste reste toujours aussi lointaine.

  • Où est passée Nadia Yassine ?

Depuis la mort d’Abdeslam Yassine en 2012, la fille du  chef spirituel du mouvement a disparu des radars. Elle avait même annoncé avec fracas son intention de se retirer de la vie publique. Nadia Yassine était pourtant un des personnages de premier plan de l’association, mis en avant pour donner l’image d’un mouvement ouvert et qui laisse une place à la femme. L’absence de cette figure de proue d’Al Adl avait suscité plusieurs interrogations, jusqu’à nourrir les spéculations sur un différend existant entre elle et Fathallah Arsalane, homme fort de l’association. Le cas de la fille du guide a refait débat, à l’occasion de la sortie des membres du cercle politique jeudi 3 juillet.

Pour Omar Iherchane, « il n’existe aucun conflit entre Arsalane et Nadia Yassine ». Le dirigeant adliste explique qu’« elle est toujours un membre actif du mouvement. Quant à son retrait, il n’est que médiatique et c’est une décision qui lui revient ».

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