Justice. La Gazelle d’or d’Arabie

Haut lieu de la jet-set internationale à Taroudant, l’hôtel la Gazelle d’or est aujourd’hui convoité par les héritiers de l’ancien patron des services de renseignement d’Arabie Saoudite.

Depuis plus de trente ans, Ghita Bennis, actionnaire et directrice de la Gazelle d’or, prend soin de ses hôtes. Et pas des moindres : Jacques et Bernadette Chirac figurent parmi les habitués de ce palace de Taroudant qui reçoit régulièrement hommes d’affaires et d’influence.

Aujourd’hui, l’avenir et la renommée de ce prestigieux établissement sont compromis par le procès qui oppose Ghita Bennis à Michaâl Ibrahim Adham, l’un des héritiers de Kamal Ibrahim Adham, l’ancien propriétaire de la Gazelle d’or et ancien patron des services de renseignement saoudiens.

Des transferts d’actions contestés

Tout commence en 1981. Ghita Bennis conseille alors à Kamal Ibrahim Adham de reprendre la Gazelle d’or. La même année, pour s’assurer les loyaux services et le savoir-faire de cette femme, il lui accorde quatre actions. Elle pourra ainsi siéger au conseil d’administration aux côtés de six autres actionnaires, ce qui porte leur nombre à sept comme le veut la loi de l’époque sur les sociétés anonymes. L’affaire marche à merveille. Les grands de ce monde, lassés de Marrakech, Casablanca ou Fès, y séjournent régulièrement. Le succès est au rendez-vous et le chiffre d’affaires aussi. Ghita Bennis obtient près de 2000 autres actions en 1989.

En 1996, sentant son heure arriver, Kamal Ibrahim Adham lui transfère 3000 actions supplémentaires, soit l’intégralité de ses parts dans la Gazelle d’or. Il meurt trois ans plus tard.

Ce n’est qu’en 2012 que Michaâl Ibrahim Adham se manifeste pour demander à la justice administrative l’annulation de la transaction de 1981. Et il n’y va pas avec le dos de la cuillère, son avocat n’étant autre que celui de l’ambassade d’Arabie Saoudite au Maroc. Le 10 avril dernier, le couperet tombe. La Cour d’appel du tribunal de commerce de Marrakech statue en faveur de Michaâl Ibrahim Adham. Le lendemain, le jugement est même notifié à Ghita Bennis à Taroudant. Il stipule que les quatre premières actions ont été illégalement acquises, ce qui remet en cause les cessions suivantes.

Verdict au nom d’un mort

Mais ce n’est pas tout. En plus de Michaâl Ibrahim Adham, le verdict a été rendu au nom d’un certain Fouad Iskandar Rizk, un ressortissant libanais qui travaillait à la Gazelle d’or en tant que comptable. Sauf qu’il est mort en 1995. « C’est un autre scandale qui va entrer dans les annales de notre justice », affirme Me Hassan Semlali, avocat de Ghita Bennis, qui a décidé de se pourvoir en cassation. Fouad Iskandar Rizk, comme TelQuel a pu le vérifier, est décédé en Egypte et a été inhumé dans son village natal d’Achkout au Liban. Village dont son frère est toujours le maire.

Désormais, c’est à la Cour suprême de tirer cette affaire au clair. « Nous sommes confiants en la justice et comptons sur cette cour pour rectifier le tir, sachant que tous les motifs deprescription dans ce genre d’affaires sont arrivés à échéance », explique Me Semlali. Le recours en cassation, nous confie l’avocat, sera déposé début mai. Pour autant, cette procédure n’entrave en rien l’application du jugement rendu le 10 avril.   

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