Zakaria Boualem et le premier avion intégralement construit au Maroc

Par Réda Allali

Edificateurs infatigables du Maroc Moderne™, Zakaria Boualem vous salue. En ce début de printemps paisible, notre héros est de bonne humeur. Il trouve que les choses se passent globalement bien. Nos ennemis doivent être un peu distraits, ils ne parviennent pas à enrayer notre marche glorieuse vers les lumières du développement, bien fait pour eux. Certes, quelques légers dysfonctionnements ralentissent cette marche mais rien de grave, rassurez-vous. Il y a par exemple l’irruption brutale dans le paysage médiatique de nos brillants escrimeurs. Des fanatiques du noble art qui s’expriment dans l’espace public et trouvent leur financement chez les spectateurs. Il fallait être lourdement anesthésié pour ne pas avoir remarqué leur présence plus tôt, mais l’heure n’est pas au pinaillage, et merci.

Soyons positifs. Zakaria Boualem a appris avec émotion la naissance du premier avion intégralement construit au Maroc. Ce prodige technologique est une étape importante dans le positionnement du royaume chérifien comme acteur majeur du développement régional et comme source de rayonnement scientifique puissante. Par cette nouvelle réalisation, le Maroc réaffirme son dynamisme et consolide ses choix indéfectibles, qui ont été récemment salués par Zorglub Von Tchebitchev, président de la chambre basse de la république de Corée du Centre. Ces deux dernières phrases sont un hommage aux journalistes du Matin du Sahara, c’est d’ailleurs un plaisir d’écrire ce genre de trucs. En grattant un peu, Zakaria Boualem a découvert que l’avion en question est un biplace qui effectuera des « missions de surveillance ». Il est étonnant de constater que les efforts que déploient nos glorieux responsables le soient uniquement pour nous surveiller. Ça doit être une question de priorité, sans doute. A moins que vous ne soyez un policier, donc, il est peu probable que vous embarquiez dans cet aéronef, c’est peut-être mieux ainsi. Zakaria Boualem voudrait suggérer à nos valeureux acteurs de l’aéronautique nationale de se concentrer sur le transport de passagers. Ils ne sont peut-être pas au courant, mais il s’est opéré ces dernières années une étonnante chute des ambitions pour ceux qui ont le malheur de voyager avec eux. Il fut un temps où on espérait arriver à bonne destination sans retard et avec tous ses bagages. Aujourd’hui, un tel carton plein est inenvisageable, il relève du délire mystique. Il faut s’estimer heureux d’arriver quelque part avec son sac, ou à sa destination avec un jour de retard. Franchement, on s’y habitue, ce n’est pas très grave en général. Après tout, l’essentiel c’est d’être en bonne santé, n’est-ce pas ? L’étape suivante dans la baisse des revendications, c’était qu’on nous explique quand et où nous allions arriver. Une sorte d’humain doté de langage, qui se présente devant ceux qui ont acheté à prix fort un billet et qui les informe de leur sort. Nouvel échec, puisque ces héros ont l’habitude de détaler comme des lapins dès qu’il y a un problème, laissant les passagers dans un état de rage proche de l’évanouissement. Mais ce n’est pas grave, encore une fois, on a promis de rester positifs. Non, ce qui est primordial, bien entendu, c’est de nous surveiller. C’est pourquoi Zakaria Boualem est convaincu que cet avion 100% marocain va très bien voler, tbarek allah 3lih. Il va voler tel le condor, toujours à l’heure et jamais en panne, il va planer avec précision au-dessus de nos têtes pour repérer celles qui chauffent, ça va être magnifique.

Cette chronique est bien entendu pleine de mauvaise foi, populiste et absurde. Il n’y a aucun rapport entre les difficultés de nos transporteurs aériens à nous transporter et la fabrication de cet avion, c’est une évidence. Par contre, elle était jouissive à écrire, et merci.