Zakaria Boualem et la lutte contre le tcharmil

Par Réda Allali

Bonjour à vous, ô bâtisseurs infatigables du Maroc moderne SA, Zakaria Boualem avait pour intention de vous livrer une chronique guillerette sur le Tour du Maroc cycliste. Oui, le Guercifi aime bien le vélo, à la télé entendons-nous bien. Il a donc guetté les images télé de cet évènement mondial, s’attendant à tomber sur des images exceptionnelles d’une échappée sur Tizi n’Tichka filmée par hélico, ou d’un peloton avalant les lacets du Rif à vive allure. Il pensait, le bougre, avoir droit à une équipe se relayant sur la côtière Atlantique, bravant les rafales de vent de la route d’Essaouira avec bravoure, sur fond de vagues puissantes. Il est étonnant de constater que le Guercifi, malgré une grande expérience de notre pays, continue de produire suffisamment de naïveté pour prêter le flanc à la déception. Car oui, là encore, c’est un échec. La retransmission quotidienne se limite à quelques minutes, au cours desquelles il faut montrer le plus de drapeaux possible, quelques autorités locales, et si possible un peu de sport mais seulement s’il reste du temps, hein… C’est le Tour du Maroc des drapeaux, voilà. Si vous doutiez des priorités de notre glorieux système médiatique, vous voilà rassurés. Il faut montrer aux Marocains des drapeaux du Maroc, voilà ce qui est important. Des fois qu’ils arrivent à oublier leur nationalité et qu’ils se prennent pour des Suédois, par exemple.

Oublions cette histoire.

Zakaria Boualem a lu que nos nobles staffetes patrouillaient dans certains quartiers populaires pour effectuer un relookage gratuit sur les têtes qui ne leur reviennent pas. Il s’agit, les plus perspicaces d’entre vous l’auront deviné, de lutter contre tcharmil, cette pénible habitude qu’ont de spectaculaires débiles d’agresser les braves gens à coups de sabre avant de poster leurs photos sur Facebook. On imagine la réunion au QG du Maroc moderne SA :

– Chef, des délinquants s’attaquent aux citoyens et montrent leur butin sur Internet, les gens sont indignés.

– Mmmm. Qui sont ces gens ?

– Ceux qui s’indignent, on les arrête ?

– Non, les autres.

– Des gamins sans éducation, sans espoir, qui ne parlent aucune langue et qui n’ont aucun accès à la culture, drogués au 9ar9oubi en général et qui ont des coupes bizarres. Ils sont convaincus que les études ne mènent à rien, que leur sort est scellé depuis leur naissance, que seul le vol paie dans ce pays. Dans l’atmosphère d’impunité générale, ils se croient tout permis, même la prison ne leur fait pas peur, ils pensent que ça ne sera pas pire que leur quotidien. Avant, ils voulaient émigrer, mais aujourd’hui ils se contentent de changer de quartier et ils ont l’impression d’être à l’étranger, l’inégalité sociale les rend fous.

– Répétez ça, vous avez dit un truc intéressant.

– Qu’ils sont sans éducation, c’est ça ?

– Non, leur coupe…

– Oui, c’est une sorte de crête en fait.

– Qu’on patrouille dans les rues des quartiers pourris, dès demain matin.

– Ok, on surveille les flagrants délits ?

– Non, on rase les crêtes.

– Ok chef, très bonne idée.

Zakaria Boualem est rassuré par cette solution brillante, il peut sortir tranquillement. Si la police milanaise réfléchit pareil, Balotelli et Taârabt peuvent se faire du souci. Mais hamdoulillah, nous ne sommes pas à Milan, et merci.