Rencontre avec Hassan Sefrioui, galeriste visionnaire

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Entre une expo qui se termine et une autre qui commence, Hassan Sefrioui nous accueille, avec sa sympathie légendaire, dans sa galerie. Il nous confie sa volonté d’organiser davantage d’évènements hors les murs, d’exporter ses artistes, mais surtout son amour pour Casablanca.

Sa galerie accueille des inconnus destinés à être célèbres. Mais pas que ! Lamia Naji, IliasSelfati et Khalil Nemmaoui, pour ne citer qu’eux, exhibent continuellement leurs travaux sur les murs blancs de cet espace pêchu. « Ce sont ces noms connus qui nous permettent de prendre des risques sur des artistes émergents en leur offrant une première expo individuelle avec tout ce que cela implique comme travail de promotion… », assène Hassan Sefrioui, propriétaire de la Galerie Shart. Ce dénicheur de talents s’amuse, depuis qu’il a cédé aux avances de ce milieu, à repérer des fibres et les faire développer, à partir du néant pour arriver à l’engouement… Shart (littéralement, ligne), se veut, comme son nom l’indique, un commencement. Elle a failli voir le jour à Marrakech mais c’est la mégalopole qui a fini par l’abriter. Rencontre inspirée.

Votre galerie, c’est à Casablanca que vous l’avez ouverte en fin de compte. Quel est votre rapport à la métropole ?

On m’a demandé une fois d’écrire un mot pour décrire Casa et j’étais pressé dans le temps. Asthmatique, c’est le terme qui m’est venu en premier. Cette ville est un ogre dans le ventre duquel nous vivons. Il souffre d’asthme. Parfois, il respire très bien,tout y est fluide,tout s’y déroule naturellement. En revanche, par moments, il a des attaques d’humidité, les gens deviennent plus nerveux… Casablanca est une ville continentale tout simplement. Nous sommes au bord de l’Atlantique, et cet océan est très conséquent comme influence. Sa corrosion n’agit pas que sur les murs des maisons mais aussi sur le comportement des gens. Casaest une drogue. On ne peut pas s’en passer.

Est-ce bénéfique pour l’art ?

Evidemment. L’art se nourrit toujours de ce genre de villes. Casablanca est entrain de devenir ce qu’on appelle une « ville-monde ». C’est-à-dire une ville où on ne sait plus où on est. Si vous prenez une rue de Casa et vous lui enlevez tous les panneaux publicitaires, les plaques des voitures et les gens (tous ces référents), vous pourriez être à Sao Paulo, dans une périphérie de Madrid… N’importe où dans le monde. L’architecture et l’urbanisme se sont globalisés.C’est le style moderne qui est entrain de gagner du terrain. Il y a Casa, Sao Paulo, Mexico… ces ogres en liberté où, paradoxalement, tout fonctionne. Casablanca est sale plus par manque de civisme que par déficience d’organisation. C’est un chaos organisé et comme dans tous les chaos, parfois, il y a un truc qui se fout dans la crémaillère et qui bloque. Mais Casablanca reste une ville fascinante et qui motive beaucoup d’artistes. D’ailleurs, il y en a peu qui y résident,d’abord par manque de foncier, un atelier coûtant très cher ici, et puis aussi par manque de lumière. Les artistes y sont très sensibles alors qu’à Casablanca, on passe d’un ciel bleu à la brume. Quoi qu’il en soit, pour la plupart des artistes, une expo à Casa, c’est quandmême le summum, la panacée. C’est comme monter à Paris ou à New York lorsqu’on vient d’une petite ville de France ou même d’une grande ville des Etats-Unis.Parce que c’est là que tout se décide… En somme, s’il y a un moteur à mettre en marche quelque part, cela se fait à Casa.

Si vous deviez être un lieu casablancais, lequel choisiriez-vous ?

Bank Al-Maghrib ! (Rires). En plus, architecturalement, il est magnifique. Plus sérieusement, c’est la Villa Wolfgang Ebert, que l’on appelle communément Villa Camembert, qui pour moi, reste une construction emblématique de Casa. C’est le départ même de cette idée de Casa ville-monde parce que c’est une maison qui aurait pu se trouver sur les collines de West Hollywood…N’importe où dans le monde.C’est un peu la tour de contrôle de ce grand aéroport qu’est Casablanca. Et puis, elle a été construite dans les années 1950 et n’a pas pris une ride.

 

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