Rabat-Nouakchott. La crise silencieuse

Le départ du chargé d’affaires de l’ambassade mauritanienne au Maroc fait planer le spectre d’une rupture des relations diplomatiques entre les deux pays.

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L’ambassade mauritanienne à Rabat fonctionne désormais avec le strict minimum. Sans ambassadeur depuis deux ans, elle vient d’être amputée de son chargé d’affaires, Mohamed Ould Mekhal, qui a été nommé à la tête de la chancellerie mauritanienne au Mali. La presse de notre voisin du sud parle même du rappel de ce diplomate en réaction à des propos (dont la nature n’a pas été révélée) tenus par Mohammed VI au Gabon, dernière étape de son récent périple africain. Les officiels mauritaniens s’empressent de démentir et l’ambassadeur marocain à Nouakchott, Abderrahmane Benomar, est reçu le 10 mars par le ministre des Affaires étrangères. Mais uniquement pour parler des perspectives des relations entre les deux pays, comme le rapporte l’Agence mauritanienne d’information (officielle). Au Maroc, c’est le silence radio.

« Ripostes par procuration »

« Il n’y a pas de crise avec la Mauritanie et nous n’allons pas nous mettre à répondre à toutes les rumeurs », nous explique un diplomate marocain. « Quand il y a une crise ou un incident, il y a des coutumes universellement connues comme la convocation de l’ambassadeur du pays concerné ou le retrait de diplomates avec diffusion de communiqués officiels », poursuit notre interlocuteur. Mais un fait est là : la Mauritanie ne voit pas d’un bon œil la récente offensive diplomatique du Maroc en Afrique subsaharienne. « C’est de là que viennent des ripostes par procuration », estime un spécialiste des relations entre le Maroc et la Mauritanie. Mohammed VI, avant d’entamer sa récente tournée africaine, a reçu des responsables du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) et s’est longuement entretenu au téléphone avec Blaise Compaoré, le président du Burkina Faso, qui assurait la médiation entre les acteurs de la crise malienne. Mais à aucun moment le Maroc n’a impliqué la Mauritanie, qui était partie prenante dans la médiation et assure une présence militaire au Mali. Selon une source médiatique à Nouakchott, cette omission a été ressentie comme une « grave insulte » par l’entourage du président Mohamed Ould Abdelaziz, qui assure depuis décembre 2013 la présidence de l’Union africaine. Mais cette crise silencieuse ne date pas d’aujourd’hui.

Saint-Valentin gâchée

Le 14 février 2012, Rabat annonce officiellement que le président Mohamed Ould Abdelaziz a été invité au Maroc. Mais cette visite n’aura finalement pas lieu, sans qu’aucune raison ne soit avancée. En avril 2013, Abdelilah Benkirane transmet une nouvelle invitation au président mauritanien au nom de Mohammed VI. Elle ne sera pas honorée une nouvelle fois. Le roi, quant à lui, « boude » le pays voisin qu’il avait l’habitude de visiter tous les deux ans (2001, 2003 et 2005). « Quand Mohamed Ould Abdelaziz est arrivé au pouvoir en 2009, le Maroc a considéré qu’il avait l’un des siens à la tête de la Mauritanie et qu’il pouvait compter sur lui pour le dossier du Sahara », souligne un fin connaisseur des relations entre les deux pays. Originaire de la tribu des Sba3yine (près de Guelmim), marié à une Marocaine et lauréat de l’académie militaire de Meknès, Mohamed Ould Abdelaziz a fait tout le contraire. La Mauritanie continue de reconnaître la RASD et, en 2013, elle a cherché à arracher un siège de membre non permanent au Conseil de sécurité, pour appuyer la proposition américaine d’élargir le mandat dela Minurso aux droits de l’homme. Le siège a été remporté par le Maroc. Aujourd’hui, seule une rencontre au sommet entre les deux chefs d’Etat pourrait dégager le ciel entre les deux pays.

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