Tourisme. Il faut sauver la station Saidia

Entrée en ligne en 2012 pour sauver la station balnéaire 
de l’Oriental, la CDG vient d’embarquer dans l’aventure l’Espagnol 
Sol Melia. Est-ce la sortie du tunnel pour la perle bleue ?

Samedi 8 février, la région de l’Oriental baigne dans une chaleur accueillante, l’occasion rêvée pour allonger le pas en direction de Saïdia. La station balnéaire, appelée Perle Bleue, s’offre au visiteur dans un décor d’abandon. Hôtels fermés, restaurants et cafés en hibernation, marina presque vide, villas et appartements sous scellés… une vraie ville fantôme. Quand on l’aborde, le vigile de l’une des trois unités hôtelières que compte la ville, répète sa rhétorique bien apprise : « L’hôtel est fermé, il ouvre en avril ».

Station fantôme

Le caractère saisonnier de la station balnéaire ne choque plus personne, mais le manque de visibilité qui l’entoure désoriente plus d’un. Un exemple ? Interrogé sur le sort de Saïdia, Youssef Zaki, président du Conseil provincial du tourisme de Berkane, également chef de file de l’Association des hôteliers de l’Oriental, ne cache pas son désarroi : « Nous ne sommes pas impliqués dans ce dossier et nous ignorons de quoi demain sera fait ». Une façon de pointer du doigt la polarisation du dossier de Saïdia, géré au plus haut sommet de l’Etat. Ce qui fait dire à cet opérateur bien au fait des rouages makhzéniens que « Saïdia est pour nous ce que Berlin était pour l’Allemagne de l’Ouest ». Vitrine des choix politiques et économiques du royaume, brandie au visage du voisin de l’Est, la Perle Bleue était, et est toujours, considérée comme une arme politique. Sa réussite est donc stratégique pour l’Etat.

Suite aux déboires qu’a connus la station, le bras financier de l’Etat, la Caisse de dépôt et de gestion (CDG), récupère, en 2012, le projet de chez Douja Promotion (groupe Addoha). Anas Sefrioui, PDG du groupe immobilier, transformé sous les conseils des théoriciens du Palais en développeur et aménageur touristique, y laisse quelques plumes (200 millions de dirhams de pertes). Bien entendu, cela ne compte pas pour un « patriote », ce qui importe c’est de sauver la destination touristique.

La CDG à la rescousse

Début février 2014, la CDG signe une convention avec l’Espagnol Sol Melia. Le deal porte sur la gestion des trois composantes du programme d’investissement de la Caisse de dépôt et de gestion. Cette dernière s’engage sur la construction d’un hôtel de 396 chambres, d’un complexe d’appartements touristiques et d’un village de vacances. Le tout mobilisera une enveloppe de plus d’un milliard de dirhams. Le rappel en renfort de Sol Melia a du sens puisqu’il est une sorte de garantie de « remplissage ». L’Espagnol possède des cartes maîtresses, notamment les tours opérateurs et des clients partout dans le monde. Mais force est de rappeler que le partenaire de la CDG prendra en gestion des unités touristiques dans une station épurée des problèmes qui l’ont plombée depuis sa création en 2009.

C’est dire que la CDG a encore du pain sur la planche. Et la question reste posée : cette fois sera-t-elle la bonne ? Difficile de trancher. La vieille dame de Rabat met en tout cas les bouchées doubles pour redresser la barre. Elle a déjà engagé 300 millions de dirhams pour mettre à niveau les infrastructures de base. Une façon de corriger les erreurs qui ont coûté cher à la station, notamment l’assainissement liquide, la voirie et autres commodités nécessaires au bon fonctionnement de la nouvelle ville touristique. Place désormais au renforcement de la capacité litière. « La station balnéaire de Saïdia a, sans aucun doute besoin de capacité litière, mais le plus dur sera de redresser son image », confie un opérateur touristique. Une crainte que partagent les proches du dossier au sein de la CDG.

Très lourd passif

En effet, dès sa création, les promoteurs du projet ont mis l’accent sur le pôle immobilier. Des complexes composés de villas et d’appartements y ont vu le jour, forçant le pas pour damer le pion à la crise financière qui réduisait les marges financières des acheteurs potentiels, surtout en Europe. Des Anglais, Français, Polonais et autres nationalités européennes ont été séduits par la destination, mais profondément déçus par les promesses de livraison non tenues. Et ceux qui ont eu la chance de disposer de leur bien immobilier après une longue attente, n’ont pas apprécié le résultat.  Côté hôtellerie, l’unité initialement gérée par la chaîne Barcelo puis récupérée par Atlas Hospitality (alors filiale de la RAM) a, à son passif, une longue liste de réclamations. Des erreurs de conception, mais aussi de gestion et de qualité, ont terni l’image d’une unité pourtant neuve.

Côté promotion, l’Office national marocain du tourisme n’avait pas, semble-t-il, Saïdia sur ses radars. Pour l’anecdote, l’un des managers de l’office a même osé une boutade, conseillant aux promoteurs de la station de l’Oriental de s’offrir des séances de spa en attendant des jours meilleurs. Comprendre, Saïdia n’était pas prioritaire pour l’Office. « Nous avons conscience de ce passif et nous insistons sur l’implication de tous pour redresser l’image de la station», reconnaît  Mohamed Cherkaoui, directeur général délégué de la Société de développement de Saïdia (SDS), filiale de la CDG dédiée à ce projet. Et de préciser : « Nous avons mis le paquet sur la mise à niveau de l’infrastructure de base pour pouvoir communiquer sur une destination sans problème de commodités ».

Communiquer, oui, mais avec quel argent ? La Loi de Finances 2014 a dit son mot : le budget de promotion touristique a été drastiquement réduit et toutes les destinations du royaume réclament leur part du gâteau. Nos sources au sein de la CDG révèlent des tractations avec l’ONMT pour positionner Saïdia. « Sol Melia nous aidera aussi pour faire connaître la station balnéaire », nous confie Mohamed Cherkaoui. L’Espagnol mettra donc la main à la pâte. Encore faut-il que d’autres inconnues de l’équation soient résolues.   

Repositionnement. Marina sans timonier

Inaugurée par Mohammed VI le 18 juin 2009, Marina Saïdia dispose de 804 mouillages, compris entre 7 et 50 m. Mal construite au début par les Espagnols, corrigée après la reprise par Addoha, Marina Saïdia se positionne sur le marché de parking des bateaux de plaisance. La capacité de parking en Europe est presque en saturation, un mouillage à quelques kilomètres des côtés européennes ouvre grand la porte à un business juteux. Mais pour récolter le fruit de cet emplacement stratégique, il faut un gestionnaire qui s’y connaît. Addoha a échoué sur ce registre. Après des hésitations monstres, la marina n’a pu profiter au projet Saïdia dans son ensemble. La CDG, elle, promet d’y arriver. « Une étude de positionnement de la marina a été réalisée et nous sommes pour la concession en gestion », explique Mohamed Cherkaoui, de la Société de développement de Saïdia. Et d’ajouter : « D’ailleurs, tous les projets à venir de la station se développeront autour de la marina ».

 

  • Le repositionnement de la station nécessite un investissement total de 1 milliard de dirhams.
  • Pour réparer les erreurs du passé, la CDG a déjà investi 300 millions de dirhams dans l’infrastructure de base.
  • Le projet de relance prévoit l’ouverture de 9 nouvelles unités hôtelières.
  • Ouverte 4 mois sur 12, la station devra élargir son activité sur 6 à 8 mois.

 

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