Majorité. Des zaïms sur la sellette

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Les prochains congrès nationaux du MP et du PPS auront-ils un impact sur la coalition gouvernementale ? Risque-t-on de revivre un scénario similaire au changement à la tête de l’Istiqlal ? Eléments de réponse.

En juin prochain, deux alliés du PJD tiendront leur congrès national : le Parti du progrès et du socialisme (PPS) et le Mouvement populaire (MP). Une perspective qui ravive le souvenir de la crise gouvernementale qui a marqué l’année qui vient de s’écouler. Elu secrétaire général de l’Istiqlal fin septembre 2012, Hamid Chabat avait ouvert les hostilités en janvier 2013, avant de claquer la porte du gouvernement en mai, obligeant ses ministres à démissionner et provoquant un remaniement qui a nécessité six mois de négociations houleuses. Cette année, les congrès du MP et du PPS pourraient donner lieu à des changements à la tête de ces partis, et donc à une éventuelle remise en cause de leur alliance avec le parti islamiste. Le MP sans Mohand Laenser et le PPS sans Nabil Benabdallah, ce serait une pilule difficile à avaler pour Abdelilah Benkirane, qui ne rate aucune occasion de dire tout le bien qu’il pense d’eux.

La « Grine card »

Au PPS, on élude pour le moment la question des candidatures au poste de secrétaire général. Nabil Benabdallah, selon son entourage, est bien parti pour un deuxième mandat. « Il a réussi à maintenir la place du parti lors des élections du 25 novembre 2011 et au sein du gouvernement. Ce n’est pas l’idéal, mais le PPS se porte plutôt bien », affirme un dirigeant du parti. Pour d’autres militants, ce n’est pas assez. Ils craignent que leur formation ne fasse les frais de sa participation au gouvernement et 
des multiples décisions qui ne sont pas du goût des bases : essentiellement les réformes de la Caisse de compensation et des retraites. De toutes les manières, le neuvième congrès du PPS constituera une étape cruciale dans la vie de ce parti. « Il sera question pour nous d’évaluer le bilan du gouvernement en général et celui du parti en particulier. Le PPS a accepté de prendre des responsabilités dans une conjoncture spéciale, mais nous sommes loin de 2011 », affirme M’hammed Grine, membre de la présidence du PPS. Autrement dit, demander des comptes concernant la contribution de la formation aux grands chantiers de réforme : enseignement, fiscalité et retraites.

Au-delà, c’est toute l’organisation du PPS qui doit être revue, à en croire M’Hammed Grine : « Nous devons nous débarrasser du système présidentiel où le secrétaire général est au centre de tout et en finir avec les conflits d’intérêts ». Parmi les pistes de travail, la création du poste de secrétaire général adjoint pour seconder le camarade en chef quand ce dernier est appelé à assumer des charges gouvernementales. M’hammed Grine serait-il candidat au poste de SG ? Contrairement à plusieurs autres dirigeants, il ne cache pas ses ambitions. « Je serai candidat à un poste où je pourrais le plus utile », nous répond-il. Quand à un éventuel retrait du gouvernement, les choses sont claires au PPS. C’est le comité central qui a pris la décision de la participation et il peut à n’importe quel moment se raviser. La dernière session de cette instance avant le congrès est prévue fin mars et pourrait apporter son lot de surprises.

Si Laenser passait le relais

Du côté du MP, les spéculations vont bon train. Cela fait deux ans que des noms sont régulièrement avancés pour succéder à Mohand Laenser, secrétaire général du parti depuis le congrès de l’unification en mars 2006. A l’époque, les prétendants mettaient en avant les responsabilités colossales du leader haraki à la tête du ministère de l’Intérieur. Mais aussi la nécessité d’un rajeunissement de la hiérarchie du parti. Pêle-mêle, il était question de Mohamed Ouzzine, le ministre de la Jeunesse et des Sports, de Mohamed Moubdiî, ministre de la Fonction publique, voire de quelques dirigeants comme Abdelkader Tatou. Pour ajouter au flou, Mohand Laenser avait confié à ses proches qu’il n’envisageait pas de briguer un nouveau mandat. Mais depuis quelques semaines, la donne a changé. Etant débarrassé du lourd fardeau du ministère de l’Intérieur, il revient dans la course, même s’il ne le dit qu’à demi mot. « La direction du MP a décidé qu’aucun militant n’avait le droit de parler de candidature avant mai 2014 », insiste-t-il.

Dans les faits, il semble bien parti pour un nouveau mandat. « Dans la phase actuelle, c’est toujours l’homme de la situation », affirme une dirigeante de l’Association des femmes harakies. D’ailleurs, cette organisation parallèle est l’un des principaux soutiens de Mohand Laenser, avec la jeunesse et les notables.

Néanmoins, Lahcen Haddad, le ministre du Tourisme, pourrait bien postuler à la tête du MP. Même s’il ne le crie pas sur tous les toits, il nourrit cette ambition et tient à être présent dans toutes les activités de sa famille politique. Mieux encore, il multiplie les rencontres partisanes un peu partout au Maroc dans ce qui ressemble à une précampagne. « Chaque week-end, quand il n’est pas en déplacement à l’étranger, il n’hésite pas à aller à la rencontre des militants pour tâter le terrain », affirme un de ses proches. Et la visibilité que lui offre son ministère est pour le moment un atout. Cela dit, malgré les signes extérieurs de modernisation du parti, la Haraka reste une formation où les clans et les sensibilités tribales ont toujours leur mot à dire. Et, jusqu’à preuve du contraire, le vent est toujours favorable au zaïm en place. Plutôt une bonne nouvelle pour le Chef du gouvernement.  

PPS

M’Hammed Grine

Agé de 60 ans, il est membre du conseil de la présidence du parti, où il milite depuis 1973. Ce matheux est aussi l’une des éminences grises de la formation politique. Préférant travailler dans l’ombre, il a refusé un poste ministériel sous Youssoufi. Mais aujourd’hui, il se dit prêt à donner un nouveau tournant au PPS.

Nabil Benabdallah

Né en 1959, il a fait toute sa carrière politique au PPS, gravissant tous les échelons avant d’arriver à la direction en 2010. Ministre en 2002 sous Jettou, ambassadeur à Rome, puis de nouveau ministre sous Benkirane I et II, il a cumulé une solide expérience gouvernementale. Ses dons d’orateur l’aident beaucoup, y compris pour justifier auprès des siens la présence au sein d’un gouvernement dirigé par les islamistes.

MP

Mohand Laenser

A 72 ans, il est seul maître à bord du navire haraki depuis le retrait de Mahjoubi Aherdane (président). Artisan de la réunification de 2006, il maîtrise bien les rouages du MP. Mais il serait temps qu’il passe le flambeau après une longue carrière au cours de laquelle il a dirigé plusieurs ministères sous Hassan II et Mohammed VI.

Lahcen Haddad

Il est de la même génération que Bakkoury, Mezouar et… du roi. Bardé de diplômes et polyglotte, l’homme est convaincant quand il parle politique. Normal pour quelqu’un qui a fait ses premiers pas dans les rangs de la gauche avant de rejoindre le MP en 1997. Mais il lui manque le réseau qu’a réussi à tisser Mohand Laenser sur plusieurs décennies. 

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