Zakaria Boualem et le complot de la FIFA

Par Réda Allali

C’est un Zakaria Boualem un peu déconcerté qui vous accueille cette semaine dans cette page de novembre humide. Il se passe des choses un peu surnaturelles chez nous. Par exemple, il a entendu notre ministre des Sports expliquer que le camouflet de la FIFA (la mère de toutes les mafias, qui a rejeté l’assemblée générale de la FRMF) était l’œuvre d’une manipulation ourdie par des Marocains. Oui, une sorte de main -cachée, téléguidée par des ennemis de la nation, qui aurait œuvré dans les ténèbres pour obtenir ce rejet très vexant. Ce qui est surprenant, ce n’est pas la possibilité d’un complot. Zakaria Boualem a passé suffisamment de temps chez nous pour savoir qu’ici, tout est possible. Ou rien n’est possible, ça dépend du contexte. Non, ce qui est déstabilisant, c’est de trouver cette théorie dans la bouche d’un ôresponsable. Il n’est pas assis dans une tribune populaire, ramassé avec ses potes et déployant ses puissantes théories : il s’exprime officiellement devant les parlementaires…

Note de service : « ramassé » n’est pas une faute, c’est une traduction littérale du terme mjemme3, qui n’a pas d’équivalent en français. C’est une sorte de réunion informelle entre amis sans grand impact sur l’avancée du monde moderne. Les Français ne se ramas-sent pas, c’est d’ailleurs peut-être une explication de l’état de leur pays par rapport au nôtre.

 

Nous aurions donc chez nous des gens capables d’influencer la FIFA, et c’est un ministre qui le dit. On se demande bien pourquoi ils n’ont pas utilisé cette main cachée pour nous dégotter deux ou trois pénos qui nous auraient permis d’aller à la Coupe du Monde, et dans la foulée trois ou quatre cartons rouges pour la gagner. Il faut donc s’attendre à une enquête, suivie d’un procès, avec des sanctions. On n’aura rien du tout, évidemment. Comme d’habitude. Un -ministre accuse des Marocains de trahison – on imagine qu’il a des preuves – et il ne va rien se passer. Et merci. Dans la foulée, il faut signaler un terme qui revient régulièrement dans le formidable système dans lequel nous barbotons : les ennemis du succès. Ils sont évoqués à chaque échec, ils sont la raison pour laquelle nous ne décollons pas. Ils bloquent. Si nos défenseurs étaient aussi efficaces, nous n’aurions jamais encaissé le moindre but. Une enquête s’impose, là aussi.

 

Mais il y a autre chose, un truc encore plus déstabilisant cette semaine : le Guercifi grognon a appris qu’il était question de supprimer les grimate. Cette affaire est une abomination. Il ne saurait être question d’abolir un des piliers de notre culture économique, politique et artistique sans une concertation nationale préalable. Certes, il y a une certaine logique dans la volonté de supprimer cet -archaïsme. On ne sait au nom de quel principe un sportif devient soudain acteur du domaine du transport, ni pourquoi il faut payer un musicien lorsqu’on monte dans un car. Il aurait été sans doute plus ration-nel de prévoir pour les premiers une pension en cas d’exploit et pour les seconds quelques droits d’auteur et de laisser les malheureux prendre le car tranquillement. Mais bon, cette histoire de grimate est en voie d’être réglée, la rationalité s’invite chez nous. Il -paraît même qu’ils vont indemniser ceux à qui on va les reti-rer, c’est formidable. L’Etat n’a jamais indemnisé -Zakaria Boualem pour quoi que ce soit, et pourtant il aurait quelques raisons de s’estimer lésé. On va donner de l’argent à ceux qui, soudain, seront privés de leurs rentes, meziane. Ceux qui n’ont jamais eu de rente, ben, ils resteront sans rente, et merci. Mais, bien entendu, les grimate ne sont pas qu’une rente : c’est un état d’esprit, un objectif, une manière de vivre, une quête. Balancer tout cela au passé sans prendre le temps de créer une vingtaine de commissions -penchées est un peu précipité. Zakaria Boualem vous prévient : il est inquiet. Et merci.